Ce 11 juillet, la fête de la communauté flamande est un moment traditionnel de revendications régionalistes voire nationalistes. Mais cette année, les nationalistes flamands peinent à se faire entendre.
Il suffit d’ouvrir la presse ce matin pour s’en rendre compte. Il y a du Wout van Aert partout, on y parle beaucoup de l’anniversaire des inondations en Wallonie, d’énergie et de guerre en Ukraine, de pensions aussi. Le discours officiel du ministre président flamand, Jan Jambon prononcé hier à Courtrai est traité en une brève dans Het Laatste Nieuws ou De Standaard.
Que disait ce discours considéré comme si peu important par les médias du nord ? Que la Flandre doit déployer ses ailes, qu’elle doit viser le top européen. Mais, dit Jan Jambon, les ailes flamandes sont coupées par une structure d’état tordue et solide comme le roc. Cela conduit à l’immobilisme, l’indécision et l’agacement. Il énumère une série de dossiers dans lesquels les visions flamandes et wallonnes sont trop éloignées selon lui : L’organisation du marché du travail, l’accessibilité des retraites, les soins de santé, les problèmes au sein de la justice, la question des migrations, l’immense problème énergétique. La plupart des pouvoirs devraient finalement revenir aux États fédérés. Jan Jambon appelle donc à une réforme de l’Etat après les prochaines élections et à une Flandre Libre. Notez bien qu’il a dit "libre"et pas "indépendante".
Plus de sens
Le politologue star de Flandre, Carl Devos, tentait une explication ce week-end. Le gouvernement flamand piloté par Jan Jambon est loin d’être un succès, explique-t-il. Il y a beaucoup de dossiers ou le gouvernement est divisé, bloqué ou a rencontré d’énormes difficultés. Car Devos cite l’enseignement, les ou la question de l’azote dans l’agriculture. Il aurait pu en citer d’autres : la question des crèches, la pollution des sols découverte lors des chantiers de la déviation d’Anvers, la nouvelle ligne à haute tension qui doit relier les éoliennes de la mer du Nord.
Et donc Carl Devos conclut : il y a peu de cercles en dehors du mouvement flamand dans lesquels on pense spontanément que le niveau flamand mène une meilleure politique que le fédéral, car c’est le niveau flamand. Cela n’a guère de sens de revendiquer des nouvelles compétences sous le drapeau du lion lors de la fête flamande si l’on ne parvient pas à faire mieux avec les pouvoirs que l’on a déjà.
Jamais autant de nationalistes
Pourtant beaucoup de politiciens flamands souhaitent une réforme de l’Etat. En premier lieu à la N-VA et au Vlaams Belang, mais aussi au CD&V. En outre, le gouvernement fédéral actuel se charge de préparer une nouvelle réforme de l’Etat. Et donc tout le monde pressent qu’après les prochaines élections il faudra s’y coller, tout le monde se prépare à un grand Deal PS-NVA. Et même quand Paul Magnette dit qu’il n’en veut pas, tout le monde se dit qu’il bluffe.
C’est tout le problème aujourd’hui. La N-VA et le Vlaams Belang atteignent ensemble des scores jamais égalés donnant un poids historique aux nationalistes flamands. Mais dans le même temps, il n’y a plus au nord de base sociale pour une grande réforme de l’Etat comme on pouvait en trouver entre les années 1970 (première réforme de l’Etat) et 2010 (sixième réforme de l’Etat). Le thème ne porte plus dans la population comme il pouvait porter au moment de la scission de Bruxelles Hal Vilvorde dans les années 2000. Il n’y a plus de demandes largement partagées comme lorsque le Parlement flamand presque unanime avait voté ses résolutions de 1999 demandant une régionalisation massive.
La phrase “ce que nous faisons nous-même nous le faisons mieux” lâchée dans les années 80 dans les milieux autonomistes ne semble plus trouver grâce comme avant dans le public flamand. Tout ça peut évoluer, c'est évident. Mais il faut constater que les ressorts du succès de la N-VA et du Vlaams Belang dans les urnes et les sondages sont donc à trouver ailleurs que dans une demande d'autonomie. Le nationalisme semble aujourd’hui être plus une affaire de parti, qu’une affaire de population.