Un jour dans l'histoire

150 ans de Colette : pionnière du droit des femmes, mais "pas féministe au sens politique du mot"

Un Jour dans l'Histoire

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Le 28 janvier 1873 naissait Colette. La romancière et journaliste a marqué considérablement son époque. Bisexuelle affirmée, elle a notamment participé à l'émancipation des femmes. C'est ce qu'analyse Dominique Bona, de l’Académie française, dans Colette et les siennes.

Été 1914, la plupart des hommes sont partis à la guerre. A Paris, il ne reste que les trop vieux ou trop jeunes et les femmes qui sont désorientées. Le 25 août paraît un article dans le journal Le Matin, dans lequel Colette défend les femmes. La romancière, elle, se réfugie avec ses meilleures amies dans un chalet près de Paris.

Colette fait entendre la voix de ces femmes que l’on n’a pas l’habitude d’entendre.

La situation des femmes en 1914

Colette aux environs de 1893-1910

À cette époque, les femmes sont patriotes comme l’ensemble de la population française. Mais la guerre est un ennemi en soi, car elle menace le bonheur et la vie quotidienne.

Ayant peur de revivre la situation du siège de Paris de 1870 et la famine qui s’ensuivit, beaucoup de femmes quittent la capitale. À l’opposé, Colette rejoint Paris, après le départ pour le front de son second mari, Henry de Jouvenel, afin de rester près de son journal, son gagne-pain.

En 1914, Colette, 41 ans, est journaliste. Atypique pour son époque, Colette s'impose déjà comme une 'femme libérée' : divorcée, remariée, portant les cheveux courts et pas de corset. Elle représente une pionnière des droits des femmes. Toutefois, comme le précise Dominique Bona :

Colette n’est pas féministe au sens politique du mot. Elle agit librement, sans penser à faire école.

Avec ses amies dans un chalet en bois

N’aimant pas la solitude, Colette s’installe avec ses trois meilleures amies dans un chalet situé dans le XVIe arrondissement, près du Bois de Boulogne. Le chalet sera une sorte de cocon de bonheur au milieu de la guerre. "Un parfum tout neuf de liberté. Une liberté dont elles ne savent pas très bien quoi en faire".

Ses amies appartiennent au monde marginal de la littérature : Annie De Penne, journaliste très appréciée dans la presse de l’époque et également romancière, sans doute la plus proche de Colette; Marguerite Moreno, comédienne, à la Comédie française ; Musidora (dite Musi) a l’âge d’être la fille des trois autres. Comédienne, elle devient célèbre en 1915 au cinéma.

Les quatre femmes organisent leur vie quotidienne : courses, ménage,… L’alimentation est importante, car, outre le fait de ne pas mourir de faim, "Colette et ses amies sont de grandes gourmandes", comme le précise Dominique Bona, en ajoutant qu'en entendant l'accent prononcé de l'écrivaine, on retrouve "la fidélité au terroir […] Et également à la cuisine de cette mère qu’elle a adorée et qui cuisinait des plats très roboratifs".

Expression de leur liberté

Colette (1873-1954), écrivaine française, photo colorisée d'environ 1890

Même si l’angoisse est présente, ayant toutes un homme sur le front, les quatre amies ont décidé de continuer à vivre. Elles le prouvent dans leurs occupations, les rêves, les plaisanteries, les chansons. Pour Dominique Bona, c’est la grande différence avec les autres femmes de l’époque.

Ce sont avant tout des femmes qui aiment la vie.

Elles portent toutes les cheveux courts, des jupes plus courtes voire le pantalon, un vêtement prohibé pour les femmes qui peuvent être verbalisées si elles le portent en rue.

Femmes libres aussi dans les comportements amoureux, puisqu’elles ont eu des relations avec des femmes.

Avec elles quatre, il faut s’habituer à ne plus avoir trop de tabous ni d’interdits.

Durant la guerre, les journaux sont restreints à quelques pages et sous le contrôle de la censure. Colette et Annie De Penne ont dû se battre pour apporter une voix de femme. Annie sera même la première femme reporter de guerre. 

Les quatre femmes n'agissent pas pour l’Histoire, elles la subissent… à leur façon. En étant de grands témoins de leur époque. Colette écrira des articles inspirés par cette époque ainsi que sa version de la Grande Guerre dans son roman, Les heures longues.

Des femmes pas épargnées par la vie

Les quatre amies n’ont pourtant pas été épargnées par la vie. Pour Colette, ce fut la ruine de sa famille et le départ précipité de son village natal.

Par ailleurs, même si elles ont été trahies par les hommes, elles ne sont pas revanchardes, même si elles aiment aussi les femmes, comme le précise l’autrice Dominique Bona en clin d’œil : "Elles ne sont jamais contre les hommes. Elles sont toujours (blotties) tout contre les hommes".

Colette avait, en effet, un idéal amoureux classique : trouver l’homme de sa vie, l’aimer et en être aimée pour toujours. Un rêve qu’elle n'atteindra pas.

Colette et le saphisme

Les relations homosexuelles masculines étant réprimées à la Belle Epoque, le regard sur les lesbiennes était plus indulgent. On parlait de saphisme, du nom de la prêtresse Sapho qui avait créé la première communauté lesbienne sur l’île de Lesbos.

Cette époque est friande de récits saphiques. Portant, pour Colette, le saphisme va au-delà de cette mode. Parmi ses amours féminines, Colette eut un grand amour avec la duchesse de Morny qu’elle appela Missy.

Départ du chalet

Les amies ne peuvent pas vivre complètement en autarcie. Le petit chalet va vivre ainsi jusqu’au début 1915. La première à partir sera Musidora, appelée pour les tournages de cinéma. Mais le fil ne sera jamais rompu. Elles restent en contact en s’écrivant, puis en se téléphonant. "Cela nous laisse une très belle correspondance", souligne Dominique Bona.

C’est la pérennité de l’amitié qui donne son prix à leur relation.

Marguerite Moreno repart faire du théâtre à Nice et s’engage auprès des blessés dans les hôpitaux, tout comme Colette qui ne tentera, elle, cette expérience qu’une semaine. Elle se reconvertit dans ses livres et ses articles.

Deux mots sont essentiels lorsque l’on parle de Colette :

  • Le plaisir de l’amour, mais aussi les plaisirs simples de la vie qui renferment une partie de sagesse, de bonheur. Colette a pu les saisir.
  • La jeunesse, car Colette aura quasi 50 ans à la sortie de la guerre. Et selon Dominique Bona, Colette est l’écrivain français à avoir le mieux décrit le vieillissement de la femme, en témoignent "Chéri" et "Le blé en herbe" : "Il y a toujours des pages où elle aborde avec délicatesse ce domaine, mais sans s’épargner elle-même dans le miroir du temps".

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