Xavier Falques nous embarque à l’exposition universelle de Liège en 1905, année des 75 ans de l’indépendance de la Belgique.
Jamais la Belgique n’aura passé par une période de joie aussi longue ; et jamais, en plein été, elle n’aura entendu autant de musique.
Voilà ce que l’on peut lire dans Le ménestrel à propos des célébrations organisées pour les 75 années de l’indépendance de Belgique. Une célébration qui coïncide avec l’exposition universelle de 1905 se déroulant à Liège entre le 27 avril et le 6 novembre. Plus que jamais, Liège affirme son statut de métropole !
Depuis bien longtemps la région est l’un des plus grands pourvoyeurs belges de talents musicaux : Grétry, Vieuxtemps, Franck et Ysaÿe, ne sont que certains des exemples les plus connus, mais de 1841 à 1903, ce n’est pas moins de neuf Prix de Rome de composition musicale, soit près de la moitié des récipiendaires, qui sont originaires de la province de Liège. Parmi ceux-ci, Jean-Théodore Radoux, Sylvain Dupuis et Joseph Jongen auront une place assurée durant les festivités.
C’est d’ailleurs à Radoux qu’incombe la programmation musicale relative à l’exposition et la composition de la cantate inaugurale. Mais que l’on ne pense pas que seuls quelques grands concerts sont programmés, non ! c’est véritablement toutes les organisations musicales, des plus grandes formations professionnelles aux amateurs. De plus, de nombreux concerts sont accessibles gratuitement, offrant à un nouveau public l’occasion de profiter des chefs-d’œuvre belges, mais également français et allemands. De nombreux concerts sont organisés en plein air et un festival laisse quotidiennement place aux bandes militaires, fanfares et autres harmonies. Bref, durant ces quelques mois, la ville résonne aux rythmes de la musique.
Parmi les représentations qui ont eu lieu entre le mois d’avril et le mois de novembre nous en retiendrons une : le concert festival de Juliette Folville du 25 août 1905. Pianiste et compositrice liégeoise, élève de Jean-Théodore Radoux, Folville avait été au centre des débats quelques années plus tôt, en 1889, lors de son inscription au Prix de Rome. Après avoir été théoriquement admises à concourir, les questions logistiques liées à la mise en loge et à la proximité entre une jeune femme et un groupe de jeunes hommes auront raison de son admission.
Mais en 1905, le concert de Folville ne semble pas faire débat. Dans le journal La Meuse, le critique témoigne : " un public nombreux manifesta de façon bruyante son dépit de ne pouvoir entendre cet inoubliable concert ". Quelques fragments d’opéras, son concertstück pour violoncelle et orchestre et surtout son concerto pour piano forment le gros du programme. Cette dernière œuvre est d’ailleurs hautement considérée : " rares sont de telles œuvres [écrites] avec une connaissance exacte de l’instrument, trouve-t-on dans La Meuse. Interprétée par l’auteur, en véritable virtuose, son exécution souleva de longs applaudissements ".
Aujourd’hui trop souvent négligée, la musique de Juliette Folville était pourtant jugée comme prompte à représenter le génie liégeois lors d’un événement majeur durant lequel la ville serait le centre des attentions. Et tout cela mis à part, avec cette Exposition universelle, une chose est indéniable. En 1905, Liège est musique !
Pour aller plus loin :
Britta, Marlène. "1905 : La musique à l’Exposition universelle et internationale de Liège". Revue de la Société liégeoise de Musicologie 26 (2007) : 3‑29.
Bougard, Fauve. "“La question Femme” : les compositrices et le prix de Rome de Belgique". Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap 73 (2019) : 73‑92.