Hainaut

20 ans après l'incendie des Mésanges à Mons : "C’était un moment intemporel, j’ai basculé dans un autre monde"

L'heure est au recueillement à Mons. Nombreux sont celles et ceux qui ont gardé en mémoire cette funeste nuit du 19 au 20 février 2003, au cours de laquelle la tour des Mésanges, située à l’Allée des Oiseaux a été la proie des flammes. 7 personnes y perdront la vie, prises au piège et victimes d’une catastrophe rappelant tristement celle fictive de "La tour infernale". 26 autres personnes seront également blessées à des degrés divers.

Béatrice Delhaye fait partie des rescapées de l’incendie des Mésanges. Elle occupait, avec ses quatre enfants, un appartement situé au 10e étage de l’immeuble à logements sociaux géré par la Sorelobo. Difficile pour elle de revenir sur les lieux du drame même si sa maman habite toujours à proximité. Le traumatisme est trop fort et cette nuit est devenue un cauchemar permanent.

Béatrice Delhaye, rescapée de l’incendie des Mésanges, reste très marquée même 20 ans après
Béatrice Delhaye, rescapée de l’incendie des Mésanges, reste très marquée même 20 ans après © X. Mouligneau – RTBF

"J’ai bien cru y rester" raconte-t-elle la voix encore brisée par l’émotion. "La température était suffocante et c’est grâce à quatre petites bouteilles d’eau que j’ai pu sauver mes enfants en leur mouillant le visage". Elle a notamment passé son plus jeune enfant par la fenêtre pour l’aider à respirer. Le problème c’est que la plus grande échelle des pompiers n’arrivait pas jusqu’au 10e étage. "Moi, je voulais vraiment mourir parce que je me doutais que cet incendie allait briser ma vie". Elle finira par être évacuée saine et sauve avec ses quatre enfants.

John Joos était un familier du quartier des Mésanges. A l’initiative d’un Parlement citoyen local, il connaissait bien plusieurs habitants du quartier. C’est l’un d’entre eux qui l’a appelé au milieu de la nuit. Arrivé sur place, il n’a pu que constater l’ampleur du drame qui était en train de se jouer. "C’était un moment intemporel. J’ai basculé dans un autre monde" se souvient-il. "Les habitants regardaient la scène qui se déroulait devant eux de manière impuissante. Les pompiers semblaient aussi impuissants. Les gens criaient de partout. Mais ce qui m’a le plus marqué ce sont les corps des victimes sous des draps blancs. Certaines s’étaient jetées dans le vide pour échapper aux flammes".

Le Lieutenant Scoubeau des pompiers de Mons se souvient que la grande échelle ne permettait pas d’atteindre les trois derniers étages de la tour des Mésanges.
Le Lieutenant Scoubeau des pompiers de Mons se souvient que la grande échelle ne permettait pas d’atteindre les trois derniers étages de la tour des Mésanges. © X M – RTBF

Le souvenir du drame des Mésanges reste aussi gravé dans l’esprit du lieutenant Thierry Scoubeau, lieutenant aux pompiers de Mons. Arrivé sur place avec le troisième véhicule, il reconnaît qu’il ne s’est pas rendu compte tout de suite du drame qui était en train de se jouer. "J’ai vu des quelques flammes qui éclairaient à une fenêtre du 2e étage. Le temps que je branche les lances d’incendie, le feu s’était propagé rapidement aux étages supérieurs. Pour moi, c’est une intervention avec un sentiment contrasté car j’ai eu l’occasion de sauver plusieurs personnes contrairement à un collègue qui se trouvait un étage au-dessus de moi et qui a découvert plusieurs corps. Lui a été beaucoup plus impacté psychologiquement que moi".

D’indéniables problèmes de sécurité

Rapidement après cette catastrophe, des voix se sont élevées pour dénoncer les problèmes de sécurité dans l’immeuble des Mésanges mais aussi dans les autres tours de logements de l’Allée des Oiseaux. Comme pompier, Thierry Scoubeau reconnaît que ce bâtiment était bien connu du service incendie. "On y intervenait régulièrement soit en départ ambulance soit pour une intervention incendie comme des feux de poubelle, etc. C’était un bâtiment ancien qui ne répondait pas aux normes de sécurité les plus récentes". Il raconte par exemple que dans certains appartements, il fallait percer un trou dans le mur pour accéder à l’appartement voisin avant de pouvoir ensuite seulement rejoindre l’escalier de secours. L’enquête permettra de dresser un inventaire pour le moins interpellant des nombreux manquements en matière de sécurité. Cela conduira d’ailleurs bien plus tard à la condamnation de la Sorelobo pour des faits d’homicide involontaire et de coups et blessures par défaut de prévoyance.

Marc Darville (PS), l’actuel président de l’immobilière sociale « Toit et Moi » pointe du doigt les leçons qui ont été tirées du drame en matière de sécurité.
Marc Darville (PS), l’actuel président de l’immobilière sociale « Toit et Moi » pointe du doigt les leçons qui ont été tirées du drame en matière de sécurité. © X. M. - RTBF

Dans une interview à la RTBF, Marc Darville, qui préside actuellement aux destinées de l’immobilière sociale de la région montoise "Toit & Moi" (ex-Sorelobo) a présenté ses excuses. "C’est une tragédie que nous regrettons évidemment amèrement et que nos équipes n’oublieront jamais. Evidemment que nous sommes désolés et ce depuis 20 ans déjà. J’espère que ces excuses officielles permettront de soulager ces familles et de faire leur deuil". Et l’ancien échevin socialiste montois d’ajouter que "ces excuses devraient également être présentées par la personne qui a bouté le feu et toutes celles qui ont commis les actes de vandalisme dégradant le matériel de sécurité".

 

Les pompiers de Bruxelles lors d’un exercice d’entraînement dans l’une des deux tours désaffectées de la Cité du Coq à Jemappes.
Les pompiers de Bruxelles lors d’un exercice d’entraînement dans l’une des deux tours désaffectées de la Cité du Coq à Jemappes. © RTBF

Le torchon brûle toujours avec les victimes

Mais ces excuses passent mal auprès des familles. Pour John Joos, ancien porte-parole du comité des victimes de l’Incendie des Mésanges, celles-ci regrettent ne pas les avoir reçues personnellement même si elles sont moralement importantes. Dans un communiqué signé avec deux victimes directes du drame, celui qui depuis est devenu conseiller communal, réclame dès lors "des excuses sincères et sobres sans faire suivre le débat sur la problématique de la sécurité liée aux éventuels vandalismes actuels. Nous regrettons que la société se serve, encore aujourd’hui comme elle le fit dans le passé, du vandalisme isolé faisant ainsi un écran de fumée sur ses propres responsabilités. Quant à la piste de l’incendiaire, n’en déplaise à certains, elle a été épuisée. La non-résolution de cette piste par la justice en imaginant qu’un éventuel incendiaire est toujours en liberté constitue également un poids de plus à porter. Elle ne peut pas l’être pour la société reconnue responsable par le tribunal correctionnel ".

 

Les tours, dont celle des Mésanges, déconstruites sur le site de l’île aux oiseaux, ont fait place à des nouvelles constructions avec trois niveaux maximum, dans le cadre d’un partenariat public privé
Les tours, dont celle des Mésanges, déconstruites sur le site de l’île aux oiseaux, ont fait place à des nouvelles constructions avec trois niveaux maximum, dans le cadre d’un partenariat public privé © RTBF

Certains enseignements ont été tirés

Comme on le constate, même 20 ans après, le drame des Mésanges reste un sujet sensible. "Toit & Moi" entend néanmoins profiter de cette commémoration pour montrer que des efforts conséquents sont entrepris pour tenter d’éviter que pareille tragédie ne se reproduise plus jamais. Le Président Marc Darville explique ainsi qu’un service expressément dédié à la sécurité, composé de 4 employés et 3 ouvriers, a été créé il y a plus de 10 ans pour veiller constamment sur l’ensemble du patrimoine de l’immobilière sociale qui représente plus de 5000 logements. Le chiffre de près de 600.000€ investis chaque année est cité. "L’objectif est de rester à la pointe et respecter les différentes normes en matière de sécurité" précise-t-il.

Par ailleurs, de 2003 à 2013, une révision importante du parc immobilier de "Toit & Moi" a eu lieu avec la déconstruction de pas moins de 17 Tours dont celles des Mésanges. Deux autres tours vont encore être démolies en 2023 à la Cité du Coq à Jemappes. Vidées de leurs habitants, elles servent actuellement de terrain d’entraînement notamment aux pompiers de Bruxelles.

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