Mode

2022 : année "post-plouc" ou quand le moche devient beau

2022 : année "post-plouc" ou quand le moche devient beau.

© RyanJLane

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Par RTBF avec AFP

Les Crocs, les bobs et les joggings ont mis les tailleurs et petites robes noires au placard, prenant une revanche bien méritée, eux les moches, sur l’élégance, le sophistiqué et le chic !

La pandémie a rebattu les cartes, donnant aux vêtements une signification nouvelle, plus pratique qu’esthétique. Elle a redoré le blason de pièces dénigrées, que le luxe a adoptées en y imprimant sa marque. Bienvenue dans l’ère du "post-plouc", avec des pièces moches que vous avez peut-être même déjà dans les bas-fonds de votre dressing.

Le cas d’école : les Crocs

Le cas d’école : les Crocs.
Le cas d’école : les Crocs. © Chris Pizzello/AFP

Les collaborations entre luxe et moche n’ont cessé de se multiplier, propulsant toujours plus haut des pièces autrefois pointées du doigt. Le bob ? Has been ! Les Crocs ? Plus plouc, tu meurs ! La doudoune sans manches ? Non, mais tu m’as regardé ?

Après tant d’années de critiques, les codes populaires ont (enfin) eu accès à l’ascenseur social qui allait les mener jusqu’aux podiums de la Fashion Week.

Christopher Kane et Balenciaga comptent d’ailleurs parmi les maisons qui ont "osé" collaborer avec Crocs, rendant le sabot en caoutchouc tout de suite plus désirable, tout comme Justin Bieber, Crocs aux pieds et ce, même lorsqu’il a eu l’audace de les porter avec des chaussettes. Et on se rappelle cet été le comble de l’horreur avec les Crocs à talons… Où cela va-t-il s’arrêter ?

Le combo sabot-chaussette ou claquette-chaussette a d’ailleurs lui aussi brillé sur les podiums cette année…

Le moche permet de se "distinguer"

Le moche permet de se "distinguer".
Le moche permet de se "distinguer". © Jena Ardell

Tout ce qui a longtemps été considéré comme kitsch, ringard, vulgaire ou démodé s’est transformé en beau sous le coup de baguette magique des classes dites "dominantes".

"Cela peut s’expliquer par le fait qu’un certain chic est devenu extrêmement mainstream, c’est la base de 'La Distinction' de Pierre Bourdieu", nous expliquait Alice Pfeiffer en mai dernier à l’occasion de la sortie de son livre "Le Goût du moche".

"Il explique que le jour où les masses auront accès aux codes de la bourgeoisie, la bourgeoisie rejettera ces codes et fera même exactement le contraire."

Tout comme les Crocs, le bob s’est invité dans les collections des maisons de luxe, à l’instar de la doudoune sans manches, des dad shoes, des bijoux bling-bling et autres pièces jusqu’alors attribuées aux classes populaires, à la rue.

Le triomphe de la cagole

Le triomphe de la cagole.
Le triomphe de la cagole. © isuzek

Le phénomène n’a fait que s’amplifier tout au long de l’année au point que ces pièces considérées comme "moches" sont doucement mais sûrement devenues belles, ou tout du moins désirables dans l’imaginaire collectif. Il n’est plus honteux de vouloir la dernière collection de Crocs ou de Méduse, le dernier short cycliste, ou même un bob.

Il n’y a plus rien de honteux non plus à passer des heures devant Lidl à attendre la dernière collection de sneakers ou de pulls de Noël, et même de les porter.

L’enseigne à bas prix est, elle aussi, devenue hautement désirable et, marketing ou pas, l’idée que les collections mode de Lidl s’arrachent comme des petits pains prouve que les codes de la rue se sont bien hissés, à leur tour, au sommet de l’échelle.

Le regretté Virgil Abloh compte parmi celles et ceux qui ont contribué à propulser ces codes dénigrés sur la scène du luxe via une foule de collaborations, d’Ikea à Nike en passant par Levi’s et Champion.

Et que dire de la maison Balenciaga, connue pour son anticonformisme, qui n’a pas hésité à proposer une parka à mi-chemin entre la veste d’ouvrier de travaux publics et la veste d’éboueur, comme l’ont souligné de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux, pour la modique somme de 2990 euros…

La revanche des Tuche ?

La revanche des Tuche ?
La revanche des Tuche ? © Jena Ardell

Si l’on se souvient du slogan "C’est jaune, c’est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie", prononcé par Karl Lagerfeld pour les besoins d’une campagne pour la sécurité routière en 2008, on peut se dire que les temps ont changé, que cette mode cyclique est passée à autre chose, donnant une nouvelle dimension au vêtement, moins esthétique, plus fonctionnelle et surtout plus axée sur l’expression et l’affirmation de soi, faisant fi de certains diktats et injonctions.

Mais plus que tout, il s’agit pour celles et ceux que l’on taxait de ringards ou de ploucs, il y a peu, de crier haut et fort que leur style est plus trendy que jamais, de promouvoir et de réaffirmer leurs codes, ceux de la rue et de la culture populaire.

La revanche de la cagole, du kéké des plages et du beauf a sonné, et avec elle, celle de toute une contre-culture, qui se réjouit aujourd’hui de donner des leçons de style à l’élite.

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