J’avais commencé l’année avec un sentiment qui m’était jusque-là inconnu, mélange de gêne dans l’accomplissement, enfin j’allais pouvoir briser cette identité d’imposture, de pas entendu, de pas légitimes. Je me suis sentie seule ce début d’année, malgré l’entourage grandissant, je devais comprendre pourquoi, c’était violent de recevoir des titres, des prix, une reconnaissance, qui en réalité se base sur des critères subjectifs comme l’art l’est, naissant du laid qui reste à contempler à l’intérieur, là où ça suinte et ça pue l’escarre, on apprécie une douleur qui s’extirpe et se traduit par le mot le plus fidèle à l’émotion.
Une année commencée en boule, giflée par des énergies que je ne connaissais pas, depuis un espace que je ne connaissais pas. Gagner, je ne connaissais pas.
À cet endroit, je venais me tester, et partager un moment Peace, love Unity and having fun. Mantra, qui ne me quitte pas. Grand remue-ménage et accélérateur de particules, dans un collectif où on ne s’excuse de rien, où ensemble le mot nous rassemble, les mains se serre et accompagnent, toujours un peu plus loin jamais dans l’ombre, jamais seule.
Là où ça fait sens. Accomplissement, de plein de souhaits de gosse de quartier, sans rien attendre, car trop conscientes des réalités dans lesquelles je vivais. Comme un kiss and Fly cookies, dérouler le message, transmettre, permettre à d’autres de pouvoir décadenasser ce qu’on s’interdit de dire, de ressentir, de vivre, voir que ça peut chémare à condition de tout mettre en place pour y arriver. Accepter, les recalcules d’itinéraire, tant que la destination est inscrite, se laisser porter, se focaliser sur nos ressources, en découvrir de nouvelles et accepter aussi qu’on y arrive, sans se poser de question. Ne jamais oublier depuis où on parle, d’où on vient et être dans la bienveillance pas de washing avec soi.
Quand on n’a pas grandi avec les codes de ce beau monde de l’art et des lettres, des Musées Royaux, dans lequel je preste mes textes, quand on n’a pas été éduqué, à comment se comporter avec des gens un peu champêtres, on se sent en violence par moment, retour aux réalités, case départ, système violent, comme le droit de vote et la démocratie dans un pays aux politiques corrompus, inutile. Violent comme ces 3 crânes humains aux enchères, c’est quel manque de respect ça, qui valide ça encore depuis la Belgique, honteux et violent.
Comme les hommes qui continuent de penser à la place des femmes en questionnant la place du corps dans la cité, inutile et violent, comme une promesse d’empreinte écologique aux dépits de vies humaines qu’on pense ne pas voir, depuis l’occident, violent et impuissant, comme la collection de boite à gâteaux famille royale sur l’étagère de la vieille, qui n’est pas raciste, mais qui ne peut pas accueillir la misère du monde, comprenez bien, c’est violent. Depuis mes premières scènes, 4100, chambre d’enfant refuge, où je pouvais m’évader et rêver à ces planches starisées. J’ai réussi à faire voyager ma poésie, 15 787 KM parcourus depuis la Belgique, l’Allemagne, La France, le Sénégal et la Tchéquie. Performances et transmission, rencontre de sœurs à l’international. Je me vois en train de creuser avec une cuillère dans le fond du jardin, pour fuir loin et rêver au voyage qui apaise, c’est chose faite, petite.
Une année de leçon, d’humilité, pour tester tes limites, mais aussi de violence et d’apnée, une apnée télécommandée par une fatigue inconsolable, des insomnies, charges mentales et 12 fois le regard sec d’incompréhension, dans une chambre, froide, aseptisé blanche, avec vue sur le nouveau parking du CHU, pourquoi moi, section hémato-rhumato-IRM cérébral, c’est moche.
2022, en Belgique, c’est toujours 174 féminicides sur ces six dernières années, chiffre en hausse, c’est moche, c’est aussi 797 personnes portées disparues avec des noms familiers qui s’ajoutent à la liste, des familles pressées jusqu’à la moelle de ne plus pouvoir vivre sous les bombes capitalistes de notre société pyramidale, où maintenant nous pouvons digitaliser nos corps en chaire pixels et monétiser nos regards, c’est moche.
Mais Dieu merci, à mes côtés, et quelle chance, il y a Charly et Nina et ça, c’est beau. C’est beau de se rappeler que nos vies et celles de nos enfants nous sont précieuses et inestimables, que l’on vit deux fois et que l’on commence à vivre sa vie quand on l’a compris. Grande embrassade collective sur mon entourage et une entrée dans plus sereine en 2023.