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40 ans de la mort d’Hergé : pourquoi le créateur de Tintin n’a-t-il jamais été publié chez Dupuis ?

© Studio Hergé

Par Valentin Lecocq

Il y a 40 ans, le 3 mars 1983, disparaissait le père de la bande dessinée moderne : Hergé, de son vrai nom Georges Remi. Le succès d’Hergé est principalement celui de son personnage phare, Tintin. Ses aventures ont été vendues à plus de 200 millions d’exemplaires, et traduites dans une quarantaine de langues.

Hergé est évidemment associé à Bruxelles, sa ville de naissance. C’est aussi là qu’il va lancer dès 1946 Le Journal de Tintin, un magazine hebdomadaire publié par les éditions du Lombard. Ce journal entrera en concurrence avec Le Journal de Spirou des éditions Dupuis, basées à Marcinelle. Pourtant, c’est bien dans Le Journal de Spirou que Hergé devait au départ être publié.

Durant la seconde guerre mondiale, Hergé publie ses dessins dans le journal Le Soir, alors aux mains des Allemands. À la libération, Hergé, accusé d’avoir collaboré avec les nazis, voit sa carrière décliner. Sa collaboration avec Le Soir prend fin. Hergé recherche alors une maison d’édition. Il décide de frapper à la porte des éditions Dupuis à Marcinelle. Objectif : publier Tintin dans Le Journal de Spirou. Mais sa demande est refusée.

"Il y a deux versions à cette histoire. La première, c’est que Paul et Charles Dupuis auraient catégoriquement dit non à Hergé. Il était hors de question qu’un "collabo" soit publié chez Dupuis. La seconde version, elle, raconte que les éditeurs ont été tentés de l’engager mais qu’un certain nombre d’auteurs et de rédacteurs en chef ont dit qu’il était hors de question qu’Hergé soit publié chez Dupuis. Ceux-ci auraient menacé de quitter la maison d’édition en cas de publication d’Hergé", explique Benoît Fripiat, l’actuel éditeur chez Dupuis.

La 1er couverture.

À la suite de cet échec, Hergé retourne à Bruxelles. Il croise la route de Raymond Leblanc, ancien résistant, qui s’apprêtait à lancer une maison d’édition et un magazine de bande dessinée. "Ensemble, ils créeront en 1946 le Journal de Tintin et la maison d’édition Le Lombard grâce au refus des frères Dupuis de publier Hergé", ajoute-t-il.

Une concurrence saine

Pour le bien de la bande dessinée, je pense que finalement, c’était très bien qu’il y ait deux journaux.

Dans les années 50 et 60, les deux journaux coexistent. Ils entretiennent une certaine forme de rivalité. La concurrence est, en effet, rude entre les deux éditeurs belges, mais on se respecte, on ne débauche pas de dessinateurs de l’autre camp. Parfois, ce sont les dessinateurs qui font la démarche de changer de maison.

Du côté des lecteurs, on choisit son camp : on achète soit Tintin, soit Spirou… Car chaque journal a son propre style.

Spirou est plus axé sur la fantaisie et l’humour, avec des personnages plus proches de la caricature. C’est l’École de Marcinelle.

Tintin a de son côté une ligne éditoriale plus sérieuse, avec des dessins plus réalistes. C’est l’avènement de la ligne claire de l’École de Bruxelles.

Pour Benoît Fripiat, ce sont justement ces différences de style qui auraient permis autant de création. "C’était une concurrence qui était très saine et d’un excellent niveau. Pour le bien de la bande dessinée belge, je pense que finalement c’était très bien qu’il y ait deux journaux qui permettaient de lancer beaucoup plus d’auteurs. Peut-être que Tintin à l’intérieur de Spirou aurait phagocyté tout le journal", explique-t-il.

Dans les années 80, les deux magazines déclinent. Le Journal de Tintin disparaît en 1988. Quant à celui de Spirou, il est encore publié chaque semaine.

Dupuis est passé à côté d'Hergé

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