40 ans de la mort d’Hergé : une histoire d’amour avec le Brabant wallon, qui a beaucoup inspiré "Les bijoux de la Castafiore"

La Ferrière est une villa blanche aux pignons crénelés à l’espagnole, typique des constructions de cette époque dans la région, et entourée d’un vaste parc. Aujourd’hui rachetée par un privé, on peut encore l’apercevoir dans la rue qui porte désormais le nom d’Hergé. Les paysages qui l’entourent sont ceux qu’on retrouve dans de nombreuses cases des albums, du "Secret de la Licorne" à "Tintin et les Picaros".

"On n’est pas en Campine, on n’est pas en Flandre, on n’est pas en Ardenne. Non, on est vraiment en Brabant wallon, confirme Dominique Maricq. Il y a le doux vallonnement, il y a toute une série d’essences d’arbres et des paysages qui sont ceux de notre région". Hergé y vivra dix ans, jusqu’en 1960, quand il se sépare de sa première épouse, Germaine.

Mais il a fréquenté le Brabant wallon depuis bien plus longtemps : "Jeune adulte, il venait déjà à Sart-Moulin, entité de Braine-l’Alleud, puisqu’un de ses associés dans son agence de publicité, José De Launoit, y habitait". Sart-Moulin inspirera plus tard le nom de… Moulinsart.

Toute une série d’anecdotes que l’on retrouve dans "Les Bijoux de la Castafiore" sont liées à sa vie personnelle

Sur sa table à dessin à la vue champêtre, Hergé imaginera les aventures de Tintin sur la lune, au Tibet ou encore "L’Affaire Tournesol".

Mais l’œuvre la plus ancrée dans le terroir local – et au château de Moulinsart – c’est sans conteste "Les Bijoux de la Castafiore". "C’est vraiment un hommage appuyé au Brabant wallon, à la région où il habitait et à la localité de Céroux-Mousty. Toute une série d’anecdotes que l’on retrouve au fil des pages et des cases de cet album sont liées à sa vie personnelle", note l’auteur.

Hergé y règle ses comptes avec les médias, avec Germaine, à qui il donnera les traits de la cantatrice, mais aussi avec les corps de métier qui ont un peu trop traîné à son goût pour rénover la villa. Le marbrier Monsieur Boullu en est l’incarnation dans l’album. "Le plus important dans cet album, c’est peut-être aussi l’histoire des gitans. Il y avait un camp non loin de là, à Limelette, que j’ai moi-même connu. Ces gens étaient parqués dans des conditions d’hygiène assez déplorables et Hergé s’en est beaucoup ému", ajoute Dominique Maricq.

Dans l’album, les gens du voyage sont injustement soupçonnés du vol des bijoux et Tintin et Haddock feront tout pour prouver leur innocence.

Pendant les dix années qu’il a passées à Céroux-Mousty, Hergé s’impliquera dans la vie locale. Il participera aux fêtes du village. Il sympathisera avec le baron qui habitait la ferme du château de Moriensart, avec le curé local, passionné d’archéologie… Le créateur, à la recherche de contact avec la nature, ira jusqu’à donner un coup de main au fermier du coin pour les moissons. "Hergé n’était pas là simplement pour profiter de sa résidence secondaire. Il adorait rencontrer les fermiers locaux, discuter avec eux, apprendre le nom des arbres, la faune et la flore locale".

Un ressourcement dont il voudra faire profiter ses amis dessinateurs. "C’est comme ça que peu après sa domiciliation effective en 1953, des gens comme Jacques Martin, le créateur d’Alix, viendra habiter à 500 mètres de chez lui. Un peu plus loin dans les bois, à Lasne, il y aura également Edgard-Pierre Jacobs, le créateur de Blake et Mortimer, pour ne citer que les deux plus grands". Le calme de cette campagne brabançonne, proche de la capitale, continue d’ailleurs d’attirer les auteurs et dessinateurs de BD.