50 ans de MSF : "Aider des êtres humains qui ont la malchance de naître au mauvais endroit"

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Par W. Fayoumi et JF. Herbecq, avec agences

L’ONG Médecins Sans Frontières souffle ce mercredi 22 décembre ses 50 bougies, et en un demi-siècle d’existence, la petite organisation s’est muée en organisme international. L’ONG emploie aujourd’hui 65.000 personnes, déployées au sein de divers projets présents dans 71 pays. "Ramener un peu d’humanité dans des situations qui en sont dépourvues […] C’est ce qui nous motive", explique aujourd’hui sa directrice générale, Meinie Nicolai.


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Face aux morts des guerres

MSF est fondée en 1971 par un groupe de médecins et de journalistes, en réaction à la guerre qui détruit le Biafra, une province du Nigeria, une guerre qui va occasionner d’énormes dégâts humains, avec la mort d’un à trois millions de personnes.

Choqués par les atrocités vécues par la population au Biafra, plusieurs médecins et journalistes créent en France une nouvelle organisation : Médecins Sans Frontières. MSF se distingue alors de la Croix Rouge, présente sur place, de par son action qui ne dépend pas de l’autorisation des gouvernements.


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L’objectif de la nouvelle ONG est double : veiller à ce que les victimes de guerres, catastrophes et épidémies aient accès à des soins – contre la volonté des gouvernements, si nécessaire – tout en éveillant les consciences grâce aux témoignages recueillis sur place.

Malgré tous les canaux d’information actuellement disponibles, ces témoignages restent importants en 2021, souligne Meinie Nicolai. "Il y a encore tant de 'crises oubliées', de problématiques qui passent sous le radar comme le combat contre le virus de l’immunodéficience humaine (HIV) et le sida, la rougeole, la malnutrition chronique et la mortalité maternelle", pointe-t-elle. "C’est notre mission de rester vigilants sur ces questions."

La motivation des bénévoles

À ses débuts, MSF rassemblait quelque 300 bénévoles, principalement des médecins et infirmières. Sa première grande opération est lancée dès 1972 pour venir en aide aux victimes d’un tremblement de terre au Nicaragua, au cours duquel 2000 personnes ont perdu la vie. L’ONG prend de l’envergure dans les années 80, grâce à plusieurs missions en zones de conflit aux quatre coins du globe et l’ouverture de sections locales. L’antenne belge voit ainsi le jour en 1980.

L’une des plus importantes missions intervient en 1994, pendant le génocide rwandais. "À mon arrivée sur place, fin août, je découvre une véritable catastrophe, c’était hallucinant", raconte Meinie Nicolai, active depuis 30 ans au sein de l’organisation, d’abord sur le terrain puis en tant que directrice générale. "Nous avons aussi, malheureusement, perdu beaucoup de personnel. Mais je suis fière que MSF soit restée active au Rwanda jusqu’en 2017."

Séverine Calluwaert elle, est gynécologue. Elle fait aujourd’hui partie des médecins de l’ONG, et a choisi de s’investir, entre autres, en Afghanistan. "J’ai fait ma formation en Belgique, j’ai étudié à l’université de Louvain, et depuis 12 ans je fais de courtes missions pour MSF".


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Ses missions durent en général entre 3 et 6 mois, qu’elle alterne avec son emploi à l’Institut de médecine tropicale à Anvers. Elle est rentrée d’Afghanistan, où elle travaillait à l’hôpital de MSF dans la région de Khost, il y a une semaine. Un travail habituel de médecin gynécologue, à gérer les grossesses compliquées, les naissances prématurées, à pratiquer des césariennes… dans cette maternité ouverte par l’ONG il y a maintenant 9 ans, et qu’elle connaît bien pour y avoir été en mission 10 fois au total.

"Quand j’avais 18 ans je voulais déjà travailler, pas forcément pour MSF, mais comme médecin dans un pays où les besoins sont importants. La vie m’a amenée un peu par hasard chez MSF il y a 12 ans, et l’organisation de travail me plaît. J’ai toujours senti que je pouvais faire du travail utile sur le terrain et je continue à partir chaque année 6 semaines ou 2 mois."

Séverine Caluwaert, avec une patiente dans la maternité de MSF à Khost
Séverine Caluwaert, avec une patiente dans la maternité de MSF à Khost © Tous droits réservés

La gynécologue a maintenant ses habitudes dans cette maternité, qui emploie 450 personnes, et qui voit 20.000 naissances par an, et, dit-elle ; les liens sont forts avec le personnel sur place, avec les habitants et les patientes. On ne sort pas totalement indemne de ces expériences, témoigne-t-elle : "Ce sont des femmes et des bébés qui ont vraiment besoin d’interventions médicales, car il y a tellement peu de médecins et de médicaments, il y a carence de tout dans le pays. L’Afghanistan est un pays qui est très proche de mon cœur je dirais, parce que si on retourne 10 fois, on commence à avoir des amis… Je suis en contact avec les médecins locaux par WhatsApp par exemple. Et comme femme, je me sens particulièrement touchée avec tout ce qui s’est passé avec l’arrivée des Taliban en août dans le pays. Je vois aussi que les femmes souffraient déjà avant, mais la situation des femmes s’est encore dégradée".

Séverine Caluwaerts parle maintenant la langue pachtoune, ce qui l’aide beaucoup à tisser des liens avec ses patientes. "Je me sens connectée avec les femmes afghanes, des femmes comme moi, des êtres humains comme moi, mais qui ont juste la malchance de naître au mauvais endroit du monde", dit-elle.

C’est pour ça que je continue à partir, parce que je sens que le travail que je fais en Afghanistan est un travail utile.

Une motivation et un engagement que partagent sans doute les autres membres de l’ONG, mais qui parfois peut comporter des risques. Mais Severine estime que l’organisation fait tout ce qui est nécessaire pour garantir la sécurité de son personnel, présent parfois sur les terrains de guerre ou d’instabilité.

L’organisation dispose d’importants moyens, dont près de 98% viennent de dons privés. "J’espère que le public a confiance dans ce que l’on fait sur le terrain. C’est pour ça que je continue à partir, parce que je sens que le travail que je fais en Afghanistan est un travail utile, et que je le fais pour les plus vulnérables de la planète".

"En tant que bénévole chez Médecins Sans Frontières, il ne faut pas croire que l’on va changer la face du monde. Nous essayons surtout d’apporter un peu d’humanité dans des situations qui en sont dépourvues. C’est ce qui nous motive à, par exemple, soigner une mère et son enfant et à les assister dans des moments difficiles. Nous ne pouvons pas résoudre à la racine les situations d’urgence, ce n’est pas notre mission, mais nous pouvons aider autant que possible", ajoute la directrice générale de MSF, Meinie Nicolai.


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L’action de Médecins Sans Frontières est couronnée en 1999 d’un Prix Nobel de la paix "pour son travail humanitaire pionnier sur plusieurs continents".

Aujourd’hui, après 50 ans d’existence et sans oublier ses missions premières, l’organisation veut embrasser de nouveaux défis. "Le changement climatique en est un, car il touche principalement les personnes les plus vulnérables", souligne sa directrice générale, Meinie Nicolai. "La crise des réfugiés en reste un également, tout comme l’apparition de nouveaux besoins sur le terrain, conséquences de la pandémie de coronavirus par exemple."

 

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