Ce 26 août, le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) a 50 ans. En France, ce mouvement féministe autonome et non-mixte a revendiqué la libre disposition du corps des femmes et a questionné la société patriarcale.
Il est créé le 26 août 1970, lorsque neuf femmes essaient de déposer, sous l'Arc de Triomphe à Paris, une gerbe pour la femme du Soldat inconnu. Elles seront arrêtées par la police. C’est la première action du groupe féministe, une action médiatique. “Il y a encore plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme” est depuis devenu un slogan… bien connu dans les milieux féministes. Elles utilisent également un slogan qui fera du bruit : "Un homme sur deux est une femme".
Libérer les femmes
“La presse prend ainsi conscience de l’existence d’un mouvement qu’elle baptise "Mouvement de libération de la Femme française". Les actrices de cette première apparition publique ne rectifieront qu’une chose : il s’agit bien d’un Mouvement de libération, mais de libération des femmes et non de la Femme et encore moins de la femme française. En ce temps-là, le langage était celui de la libération, il était celui de la révolution”, écrit la philosophe et autrice française Martine Leibovici dans un article sur le sujet.
Un homme sur deux est une femme
La nuance est importante car “la” femme n’existe pas, les femmes, dans leur pluralité, sont touchées par des discriminations sexistes. A cette époque, juste après mai 68, c’est (déjà) la non-mixité du MLF qui marque, on dit qu’elle est “une révolution dans la révolution”.
“Durant les années 1960, des mouvements contestataires éclatent un peu partout dans le monde. Ils dénoncent les inégalités sociales, le racisme, le colonialisme, l’impérialisme ou les atteintes à l’environnement. Surtout chez les jeunes, l’espoir est grand d’un monde nouveau, libéré des anciennes relations d’autorité et des tabous liés au corps et à la sexualité. Ces remises en question stimulent les femmes à rejeter leur condition. Parti des États-Unis, un féminisme radical gagne de nombreux pays. Dénommé ‘néo-féminisme’ ou ‘féminisme de la deuxième vague’ (pour le démarquer du féminisme né au 19e siècle), il exige la “libération des femmes” et une société juste et solidaire”, écrit l’historienne belge Claudine Marissal dans un article.
Trois lettres qui en imposent
MLF, trois lettres qui vont s’imposer par la suite dans la lutte pour le droit à l’avortement et le droit à la contraception. Le 5 avril 1971, de nombreuses militantes du Mouvement de Libération des Femmes signent le "Manifeste des 343", publié dans le Nouvel Observateur. Autant de femmes, parmi lesquelles des personnalités comme Catherine Deneuve ou Simone de Beauvoir, affirment avoir avorté. L’avortement est illégal, elles s’exposent donc à des potentielles poursuites pénales.
Durant les années 1960, des mouvements contestataires éclatent un peu partout dans le monde [...] Ces remises en question stimulent les femmes à rejeter leur condition. Parti des États-Unis, un féminisme radical gagne de nombreux pays
Les militantes françaises seront également impliquées dans au moins deux procès importants, selon France Inter. Le 8 novembre 1972, à Bobigny, le Mouvement de Libération des Femmes manifeste lors du procès en correctionnelle de Michèle Chevalier dans l'affaire de l'avortement clandestin de sa fille, Marie-Claire, enceinte à la suite d'un viol. C’est Gisèle Halimi, avocate et figure féministe décédée en juillet, qui assure la défense de ce procès dit "de Bobigny". Michèle Chevalier ne sera pas condamnée. En 1973, la loi Veil légalise l'interruption volontaire de grossesse. En Belgique, il faut attendre 1990 pour une dépénalisation partielle de l’avortement.
En 1974, deux touristes belges en voyage en France, Anne Tonglet et Araceli Castellano, sont violées par trois hommes. Le procès qui s’ouvre en 1978 permet d’ouvrir largement les discussions sur le viol dans la société. Les deux femmes sont défendues par Gisèle Halimi. Le MLF se mobilise pour faire du bruit autour de ce procès. Elles sont accusées d'avoir été "consentantes" et "provocantes" durant le procès. L'un des auteurs, le meneur, est condamné à 6 ans de prison, les deux autres à quatre ans. La circonstance aggravante de crime en réunion n'est pas retenue par le jury. Deux ans plus tard, en France, une loi reconnaît le viol comme un crime passible de 15 ans de prison.
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