500 policiers mobilisés sur le trafic de drogue "au détriment d’autres problématiques très importantes" déplore Frédéric Van Leeuw

Le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw

© RTBF

Une vaste opération policière a été menée mardi dans le milieu de la drogue. C’est grâce à l’infiltration par la police du réseau SKY ECC, et des informations recueillies qu’elle a pu avoir lieu. Interrogé sur La Première, le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw explique que les enquêteurs se sont rendu compte qu’il y a une telle masse d’argent qui est brassée par les réseaux de trafic que drogue que non seulement on peut acheter une série de personnes, mais qu’on peut aussi faire pression sur ces personnes, "c’est comme cela qu’on peut interpréter certains attentats à la grenade ou des tirs de Kalachnikovs sur les façades à Anvers, mais aussi à Bruxelles et dans le Limbourg. Le but est de faire peur à des gens qui a priori n’ont pas envie d’être corrompus pour qu’elles aident les organisations criminelles en cherchant dans des banques de données ou autres. Nous avons ouvert pas mal de dossiers de corruption ces derniers temps".

"Nous voulons empêcher que les méthodes des mafias d’Amérique latine soient importées en Belgique : nous avons eu des meurtres, des personnes découpées en morceaux et d’autres faits de violences assez affreux. Cette violence a un effet : contrairement à ce que nous espérions, aucun avocat n’ose proposer à un client d’être un repenti", dit-il. Dans ce domaine, "il nous faut une autre culture de la protection afin que les enquêteurs puissent travailler en toute sérénité".


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La population ne sent pas concernée par cette criminalité organisée comme lorsqu’il s’est passé à l’occasion des attentats et du terrorisme, regrette-t-il : "J’aimerais qu’on puisse réagir de manière efficace avant qu’il y ait un traumatisme collectif, comme l’assassinat du juge Falcone en Italie".

J’ai l’impression que la cocaïne n’est plus la drogue du riche

"J’ai l’impression que la cocaïne n’est plus la drogue du riche", dit-il en observant les sommes d’argent interceptées et les quantités de drogue saisies. "Ce qu’on parvient à intercepter n’est qu’une infime partie" de ce qui circule. "Cela veut dire que pas mal de gens ont besoin de cette crasse qu’est la drogue et la consomment. Les mafias sud-américaines ont vu une potentialité de croissance infinie en Europe. Le problème c’est qu’Anvers en est la principale porte d’entrée".

Le décryptage des conversations enregistrées grâce à l’infiltration du réseau SKY ECC "est une occasion unique, pour le moment on en est à 60% de possibilités de décryptage sur un milliard de communications qu’on a enregistrées sur deux ans. Cela concerne tous les étages de l’organisation et ses ramifications internationales. Les quatorze procureurs du Roi, les cinq procureurs généraux et le procureur fédéral travaillent ensemble dans ce dossier. Lors de l’intervention de mardi, 1100 hommes étaient sur le terrain mais cela va demander beaucoup de travail pour exploiter tous ces dossiers. Il est important de renforcer les effectifs de la police judiciaire. Les suites du dossier SKY ECC focalisent actuellement environ 500 policiers fédéraux judiciaires, soit un cinquième des effectifs, c’est clair que cela se fait au détriment d’autres problématiques très importantes", telles que le trafic des êtres humains ou la pédopornographie.

On a mis tous les moyens possibles et imaginables pour essayer de trouver Jurgen Conings

Frédéric Van Leeuw réagit aux propos tenus par le président du comité de suivi des services de renseignement, dit "comité R", Serge Lipszyc. Dans le magazine Wilfried, il mettait en cause la volonté de favoriser des mouvements extrémistes, notamment d’extrême-droite, dans certaines strates de l’État et s’interrogeait sur la façon dont le dossier Jürgen Conings a été suivi. "Si Jürgen Conings s’était appelé Mustafa, je pense que les choses se seraient déroulées autrement", avait-il déclaré.

"J’ai un peu avalé de travers sur certains points", dit-il. "On peut continuer à épiloguer sur le fait que le cadavre (de Jürgen Conings) se trouvait à 150 mètres de l’endroit où on s’est arrêté, mais on a mis tous les moyens possibles pour essayer de le retrouver. J’étais quand même à la tête des opérations. Il ne bénéficiait d’aucune protection. Les questions à se poser, c’est plutôt sur l’attitude par rapport à des signes extérieurs d’extrême-droite. Et là, il y a peut-être un recadrage à faire."

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