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60 ans d’indépendance de l'Algérie: ces Belges qui au péril de leur vie ont aidé les Algériens

Par Mehdi Khelfat via

L’Algérie fête ses 60 ans d’indépendance vis-à-vis de la France le 5 juillet 1962. Le pays d’Afrique du Nord a obtenu son indépendance après une guerre exténuante de huit ans qui s’est terminée par la signature en mars 1962 des accords d’Evian.

À l’occasion de cet anniversaire, nous remettons en lumière un pan de l’histoire entre la Belgique et l’Algérie que l’on connaît assez mal. A la fin des années 50, des réseaux de soutien au Front de Libération Nationale algérien se créent en Belgique.

Un Front du Nord regroupant des dizaines de militants de l’ombre des Belges qui agissent. C’est notamment le cas de l’avocat Serge Moureaux qui d’abord tente de donner une vision juste de la situation en Algérie : "Nous avons jeté les bases. Mais à quelques heures d’une tentative de remonter le courant de l’opinion belge qui était à 99,99% favorable à la France dans cette affaire, mais nous l’avons éclairé sur la réalité de la répression en Algérie, sur les ratissages, sur les tortures. Ensuite de quoi, très naturellement, les Algériens, très peu nombreux, qui se trouvaient ici, nous ont demandé de faire un peu davantage."

L’avocat Serge Moureau, membre des réseaux de soutien aux indépendantistes algériens
L’avocat Serge Moureau, membre des réseaux de soutien aux indépendantistes algériens © Tous droits réservés

Il fallait faire un peu davantage que simplement plaider la cause algérienne

Cette photo d’archive prise le 22 juillet 1962, de jeunes Algériens brandissant des drapeaux nationaux, défilent entre les quartiers européen et musulman d’Alger, au lendemain du référendum d’autodétermination sur l’indépendance de leur pays. – L’Algérie
Cette photo d’archive prise le 22 juillet 1962, de jeunes Algériens brandissant des drapeaux nationaux, défilent entre les quartiers européen et musulman d’Alger, au lendemain du référendum d’autodétermination sur l’indépendance de leur pays. – L’Algérie © AFP or licensors

Faire davantage, cela se traduit par plusieurs actions concrètes. Des avocats défendent des Algériens qui ne sont plus défendus ou qui sont mal défendus pour leur éviter la guillotine. Des Belges portent des valises d’argent de l’autre de la frontière pour mettre des fonds à la disposition des indépendantistes algériens.

Des fonds récoltés en France au sein de la communauté algérienne mise à contribution notamment en région parisienne et dans le nord de la France. Certains Belges permettent aussi à des militants algériens de fuir l’oppression française de l’époque en les accueillant chez eux. Une histoire méconnue du grand public mais cruciale mise en lumière par le journaliste Hugues Le Paige dans son documentaire "Le front du nord" disponible sur le site de la Sonuma.

Le Front du Nord - Algérie/Belgique

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Parmi les militants interrogés dans le documentaire, Luc Somerhausen. Il explique ce qui l’a poussé, lui qui n’avaient rien à voir avec la cause algérienne à s’engager : "La terre entière avait les yeux braqués sur l’Algérie. Nous étions en fait juste à côté. L’Algérie, c’était la France et nous, en Belgique francophone, nous étions de culture française. On ne se sentait pas impliqués de la même façon, mais on savait quand on voulait bien tourner les yeux de ce côté-là, un peu ce qui se passait. Et on était naturellement de plus en plus solidaires avec le peuple algérien parce que c’était manifestement une guerre populaire de gens qui avaient été poussés à bout. Ma conviction politique à ce moment-là, et peut-être encore maintenant, c’est surtout l’antiracisme".

"Dans la guerre d’Algérie, outre le caractère de répression affreuse et brutale et massive dont on ne parle toujours pas. Ce qui me frappait, c’était l’attitude méprisante du colonisateur vis-à-vis des colonisés. Si on arrive à tirer sur des gens, sur des civils sans défense et sans aucune culpabilité et sans avoir soi-même le moindre réflexe de honte ou de culpabilité aussi, c’est vraiment qu’on le méprise et qu’on le considère comme un sous humain. Les plus anciens d’entre nous avaient fait de la résistance antinazie, avaient évidemment le même état d’esprit, comme ceux d’entre nous qui étaient juifs. Il y en avait quand même un ou deux rescapés des camps de concentration. C’était l’aspect raciste et destructeur du colonialisme qui nous heurtait."

Des Belges qui parfois au péril de leur vie ont aidé les Algériens

Des femmes comme l’avocate Cécile Draps, des hommes aux profils et motivations différentes mais tous avaient la foi en une cause juste. Au sein même de cette maison la RTB des personnes se sont engagées. Robert Stéphane futur Administrateur général de la RTBF va accueillir et soutenir des Algériens en exil.

Les analyses d’Henry Mordant ne plairont pas à la France qui prononcera une interdiction de séjour contre notre journaliste ou René Thierry présentateur du JT qui se battra pour que l’on parle de "Guerre d’Algérie" et non d’évènements d’Algérie contrairement à ce que disait l’ORTF en France tenue par la censure. Ce qui poussera la RTB à produire elle-même son information télévisée internationale.

René Thierry, ancien présentateur du JT de la RTBF
Robert Stéphane, ancien Administrateur général de la RTBF

Une mémoire entretenue

Bernard Dobbeleer est coordinateur musical sur les radios de la RTBF et son père George a été engagé dans cette cause algérienne. L’histoire de la guerre d’Algérie s’est invitée récemment dans la vie de notre collègue : "J’ai eu la surprise de voir débarquer aux funérailles de mon père, un représentant de l’ambassade d’Algérie, tout timide, qui demande si j’accepterais qu’il prenne la parole et je lui dis oui, bien sûr, j’ai été au courant que mon père avait eu un rôle. À l’époque, il avait rencontré Ben Bella, des gens comme ça. Mais je ne m’attendais vraiment pas à ça. Forcément, les circonstances faisaient que j’étais dans l’émotion, bien entendu".

"Mais j’étais particulièrement surpris, touché de ce que ce représentant de l’ambassade algérienne a dit en parlant de gens comme mon père, comme étant des justes et il était lui-même très ému. Il devait avoir, je ne sais pas, 35, 40 ans maximum, donc très éloigné aussi évidemment des événements d’Algérie. Mais la manière dont il en a parlé m’a beaucoup, beaucoup touché. Et après on a un peu discuté. Ce qu’il m’a dit m’a vraiment bouleversé. Il était lui-même bouleversé en disant qu’il était extrêmement admiratif et surtout, il était presque dans l’incompréhension de ces gens qui n’avaient aucun lien ni familial ni culturel avec l’Algérie, qui ont risqué leur vie à l’époque pour défendre la cause algérienne. Donc ça, c’était assez touchant."

 

Alger : situation après l'indépendance

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Une conférence pour entendre les derniers témoins

Une histoire méconnue mais exemplaire de ces Belges qui se sont engagés pour des valeurs universelles. Plus les années passent, moins de témoins de l’époque peuvent en parler. Moment rare mercredi 6 juillet à 14h30 au palais d’Egmont, ces derniers témoins seront réunis pour une conférence – Algérie Belgique une mémoire partagée

Cette conférence dans le cadre de la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance évoquera cette partie de l’histoire commune entre l’Algérie et la Belgique. Elle évoquera les Belges qui ont soutenu la Révolution algérienne et mettra en évidence leurs contributions sur plusieurs fronts : politique, médiatique, humanitaire, médical et judiciaire. Elle permettra de jeter la lumière sur le contexte de l’époque.

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