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70 ans du décès de Staline : une déstalinisation manquée pour un dictateur aux méthodes similaires à Hitler

L'oeil dans le rétro

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Le 6 mars 1953, la nouvelle faisait la une du monde entier : Joseph Staline était décédé la veille au soir dans sa datcha des environs de Moscou. L'ancien Père des peuples a marqué l'Histoire, au point de devenir une des grandes figures du XXe siècle... mais plutôt dans le rang des dictateurs comme son contemporain et pourtant ennemi, Adolf Hitler. Si l'idéologie différait en apparence, les méthodes totalitaires et le système politique étaient quasiment identiques.

Le 1er février 2023, en présence de Vladimir Poutine, on inaugurait un nouveau buste de Joseph Staline à Volgograd, qui s’appelait autrefois Stalingrad. L’actuel chef du Kremlin était venu ranimer le fantôme de Staline dans la ville symbole du tournant de la Seconde Guerre mondiale : après d’effroyables combats pendant plus de six mois, faisant de cette bataille la plus meurtrière du conflit, l’armée rouge remporte une victoire marquante. Jusqu’au 2 février 1943, Staline avait subi les assauts de Hitler : à partir de cette date, ce sont les Soviétiques qui pourront passer à l’attaque. Mais il leur faudra plus de deux ans pour arriver à Berlin.

80 ans plus tard, Vladimir Poutine n’hésite pas à faire un parallèle entre la guerre en Ukraine et la Seconde Guerre mondiale. "Nous sommes à nouveau menacés par des chars allemands avec des croix dessus. Une fois de pus, ils se préparent à affronter la Russie sur le sol ukrainien, par le biais de disciples d'Hitler" a-t-il lancé lors des commémorations de la fin de cette bataille historique.

En résumé, on comprend que Vladimir Poutine se justifie d'agir comme son 'illustre prédécesseur' qui avait affronté Hitler. S'il se place en successeur de Staline, c’est parce qu’il sait que c’est porteur. En 2019, le centre Levada, un institut de sondage indépendant du pouvoir, demandait aux Russes ce que leur inspire Staline. Réponse numéro un : le respect. Deuxième question : quel rôle Staline a-t-il joué dans l'histoire de Russie ? 10% ne se prononcent pas, 20% estiment qu’il a joué un rôle négatif et 70% qu’il a eu un rôle positif. En précisant tout de même que c’est la réponse "plutôt positif" et non "totalement positif" qui l’emporte nettement. Pourtant, après sa mort, l'ancien leader soviétique a d'abord été pointé du doigt par ses prédécesseurs.

La déstalinisation n'a pas eu raison de l'image 'positive' de Staline pour les Russes

Trois ans après le décès du camarade Staline, on assiste à la déstalinisation, voulue par son successeur : Nikita Khrouchtchev. Lors du 20e congrès du parti communiste sont dénoncées les arrestations arbitraires et les déportations massives décidées par Staline. C’est à ce moment-là, fin des années 50, début des années 60 que l’on déboulonne les statues de celui qu'on surnommait le Père des peuples, qu’on retire son corps du mausolée de la Place rouge où il reposait aux côtés de Lénine et puis la ville symbole de la victoire sur l’Allemagne nazie, Stalingrad, est débaptisée et devient Volgograd.

Pour les soviétiques, et pour tous les communistes de l’époque, ce fut réellement un choc, parce que jusque-là, Staline apparaissait comme un bienfaiteur. Il est pour les Russes l’équivalent de Churchill pour les Britanniques, de Roosevelt pour les Américains ou de De Gaulle pour les Français : un héros national, auréolé de la gloire de vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, que l’on appelle en Russie "la grande guerre patriotique". Et au fil du temps, visiblement, cette image a perduré dans la mémoire collective des Russes. Au nom de l’orgueil national.

Un pouvoir totalitaire décidé par un homme sanguinaire

On ne peut pourtant pas, d'un point de vue empirique, donner raison aux personnes qui soutiennent l'image bienfaitrice de l'ancien dirigeant soviétique. 

Selon beaucoup d’historiens, Staline soutient parfaitement la comparaison par rapport à son ennemi Hitler pour plusieurs raisons : un cynisme absolu, un manque de considération pour la vie humaine, il a mis en place d’un système totalitaire qui broie les individus par la mise en place d’un régime de terreur. Ce sont là plusieurs points communs entre le nazisme et le stalinisme. Certes, il n’y a pas de chambres à gaz dans l’Union soviétique de Staline, mais il y a les goulags et parmi d’autres crimes, on pointera la Grande Terreur de 1937 et 1938, plus connue sous le nom des Grandes Purges. L’objectif est d’éliminer les éléments antisoviétiques et socialement dangereux. Au moins un demi-million d’exécutions, peut-être deux millions. Joseph Staline est un tyran, au même titre qu’Adolf Hitler et tous deux sont de grands paranoïaques qui ont une peur maladive d’être trahis par leur entourage.

Joseph Staline au 8e Congrès des Soviets.
Joseph Staline au 8e Congrès des Soviets. © Hulton-Deutsch Collection/CORBIS/Corbis via Getty Images

Staline, peu différent d'Hitler, à part sur l'un ou l'autre point

Vainqueur de l'Allemagne nazie, Staline s'est érigé à l'époque comme un leader charismatique. Mais c'est une 'qualité' commune à tous les dictateurs du monde qui parviennent au pouvoir et réussissent à s’y maintenir. Mais à quel prix ? Les purges éliminent de nombreux généraux et officiers, décapitant ainsi une partie de l'état-major de l’armée rouge. Ce n’était pas la meilleure manière de se préparer à la guerre avec Hitler.

Totalement confiant dans le Pacte de non-agression qu’il a passé avec lui, Staline néglige les nombreux avertissements qui lui parviennent au printemps 1941 : les Allemands se préparent à l'attaquer lui disent ses espions. "Foutaises", aurait rétorqué Staline. Résultat : en juin 41, l’Armée rouge est enfoncée et le chef du Kremlin n’en mène pas large. Si l’URSS l’a emporté, c’est avant tout grâce au dévouement extrême du peuple russe et à l’immense aide matérielle des Alliés, avant tout américaine. 

La vraie différence entre Hitler et Staline ? C’est que Staline se trouve dans le camp des vainqueurs. En outre, pour tous les communistes du monde, notamment ceux qui se sont engagés dans la Résistance en France, en Belgique, en Italie, il était alors vu comme le Père des peuples. Un surnom qui participe au culte de la personnalité, caractéristique des régimes totalitaires.

Pour beaucoup, il faudra du temps à admettre leur aveuglement. Comme l’écrit l’une d’entre elles, l’écrivaine Dominique Desanti : "La rupture était difficile. La passion politique ressemble à une passion amoureuse : on préfère ne pas voir, ne pas savoir, plutôt que d’être déçu…"

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