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70 ans du Parlement européen : "DEUX sites pour le Parlement européen ? C’est du gaspillage !" Vrai ou faux ?

DEUX sites pour le Parlement européen ? C’est du gaspillage !

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.Article mis à jour et initialement publié en décembre 2021
Il y a, à Bruxelles, un bâtiment surnommé le "caprice des dieux", allusion à la forme du camembert : c’est le Parlement européen.  Strasbourg, en Alsace, a un bâtiment dont l’aile emblématique est ronde comme un munster : c’est le Parlement européen… Aussi. Le Parlement européen a deux sites, espacés de plus de 400 km.

Et les députés européens font une fois par mois le trajet Bruxelles-Strasbourg et retour, puisque leur travail parlementaire quotidien se déroule à Bruxelles (pour préparer la législation européenne), mais leurs débats et votes en grande assemblée, les "sessions plénières", se déroulent à Strasbourg, quatre jours par mois.

Ce déplacement est un grand déménagement mensuel : hors période de Covid, quelque 2000 personnes font la navette.

Ces allers-retours, c’est du gaspillage ? VRAI

La Cour des comptes européenne avait estimé en 2014 le coût de ce déménagement d’un site à l’autre. Selon cette estimation, supprimer ces navettes mensuelles d’un site à l’autre permettrait d’économiser 113,8 millions d’euros par an.

Cette estimation inclut les frais de transport des personnes et de dossiers, les frais de communication et tous les équipements aujourd’hui pourvus en double : il y a 2 hémicycles (l’un à Strasbourg, l’autre à Bruxelles), des bureaux en double, des salles de réunion en double, du matériel informatique en double.


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Le bâtiment le plus emblématique du Parlement européen à Bruxelles, surnommé le "caprice des dieux".
Le bâtiment le plus emblématique du Parlement européen à Bruxelles, surnommé le "caprice des dieux". © Santiago Urquijo – Getty images
Le bâtiment le plus emblématique du Parlement européen à Strasbourg, en Alsace.
Le bâtiment le plus emblématique du Parlement européen à Strasbourg, en Alsace. © European Union 2021 – Source : EP

Strasbourg compte cinq bâtiments liés au Parlement européen (sur les 27), à chauffer et entretenir pour quatre jours de session mensuelle.

Opter pour un seul siège permettrait aussi d’éviter la perte de milliers d’heures de travail : celles des parlementaires, mais aussi des collaborateurs qui les accompagnent, des membres de la Commission européenne qui proposent les lois à débattre et peuvent être présents aux sessions plénières.

"Ces allers-retours, ce n’est pas très 'Green Deal'!" VRAI

Un siège unique éviterait aussi la pollution qui accompagne ce déménagement. Selon une estimation du groupe des verts européens, il représenterait une émission inutile de 20.000 tonnes de CO2 par an. Une pollution des élus européens au moment même où l’Union européenne promeut son "Green Deal", ses objectifs de réduction de CO2.

Ce paradoxe, ce côté "faites ce que je dis, pas ce que je fais", rend une majorité des députés européens mal à l’aise. Ils sont conscients de l’impact de leurs déplacements et de l’image négative que cela renvoie. En novembre 2013 déjà, ils ont voté à large majorité une résolution pour demander un siège unique pour le Parlement européen. La plupart des élus demandent de disposer de ce siège unique à Bruxelles pour des raisons pratiques : c’est là que se fait une grande partie du travail législatif puisque c’est à Bruxelles que se trouvent les deux autres institutions européennes, le Conseil et la Commission, avec lesquelles il faut dialoguer pour rédiger les lois européennes.

Mais cette décision de passer à un seul siège ne dépend pas des parlementaires.

"Il suffit de supprimer un des deux sites !" FAUX

Pour supprimer un des deux sites, il ne "suffit" pas d’écouler des bâtiments et des meubles ou d’un vote des parlementaires européens. Il y a plusieurs freins solides qui verrouillent le changement depuis des années.

Il faudrait d’abord lever un frein juridique : les traités européens (les textes fondateurs de l’Union européenne) fixent ce travail dans 3 villes. Strasbourg a été désigné comme siège officiel, Bruxelles comme ville de travail parlementaire et la ville de Luxembourg (où se situent 5 autres bâtiments du Parlement aussi) comme centre administratif.

L’idée initiale avait du sens : les pionniers de l’Europe ont d’emblée choisi d’éviter de centraliser dans une seule ville, un seul quartier, toutes les institutions. Ils voulaient au départ au contraire répartir aux quatre coins du territoire ces lieux où se fabrique l’Europe, pour qu’ils soient visibles et accessibles d’un maximum de citoyens européens. Les fondateurs de l’Europe, en dispersant la Commission, le Parlement, la Banque centrale européenne,… voulaient au départ éviter l’image d’une grosse machine décisionnelle lointaine et inaccessible.

Quant au choix de Strasbourg comme siège officiel, il a été guidé par l’histoire : cette ville frontalière a été tantôt allemande tantôt française au fil de l’histoire. Elle symbolise la réconciliation France-Allemagne, la paix sur laquelle repose le projet européen.

A la loi et au symbole s’ajoutent encore les retombées économiques de la présence d’un siège européen dans une ville : des dizaines de milliers de nuitées d’hôtel, de courses de taxis, de réservations de restaurants dans la région, un rayonnement international. Pour une région, pour un Etat, renoncer à ces bénéfices ne se fera pas sans âpre négociation, et sans contrepartie qui soit à la hauteur de cette présence du Parlement européen, par exemple un autre siège ou une autre fonction européenne pour la ville.

Pour un seul siège, il faut 27 Etats unanimes

Pour passer à un seul siège, il faudrait donc renoncer au symbole, négocier des contreparties et modifier les traités. Pour cela, le vote des députés européens ne suffit pas : si c’était le cas, le changement se serait produit il y a des années déjà. Pour changer les traités européens, il faut l’accord unanime des 27 Etats membres de l’Union européenne. Or la France, au moins, n’est pas d’accord.

La France a toujours voulu maintenir le symbole de paix que représente Strasbourg et le rayonnement international et économique de cette présence européenne, dans la logique des traités des débuts de l’Europe. La négociation sur ce siège n’est plus à l’agenda aujourd’hui.

Mais fera-t-elle son retour bientôt ? Les pertes financières liées à la pandémie et la crise climatique rendent ce gaspillage de plus en plus gênant et pourraient ressortir cette vieille question du tiroir où elle a été fourrée.

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