Longtemps abondante dans le monde entier et même parfois considérée comme nuisible, l'anguille est aujourd'hui menacée de disparition à cause de l'activité humaine.
En quelques décennies, "on est passé d'un statut où on pensait que l'anguille était nuisible à un statut où l'on craint pour l'avenir de l'espèce", explique à l'AFP Eric Feunteun, professeur en écologie marine du Muséum national d'histoire naturelle français.
Son apparence serpentiforme lui a longtemps donné une mauvaise réputation en Europe. Parfois accusée à tort de manger les saumons, l'anguille est même classée comme nuisible en France jusqu'en 1984. "Il faut attendre 2007 pour que l'Union européenne adopte un règlement obligeant les Etats membres à mettre en place un plan de gestion de l'anguille".
Pourquoi sa population décline?
"On a accusé la pêche professionnelle d'être à l'origine de ce déclin, mais c'est une erreur scientifique et politique. Les raisons sont multiples et la pêche n'est pas le facteur principal", note M. Feunteun.
"La pollution a des effets bien supérieurs à la pêche sur le stock: les pesticides issus des activités humaines, les médicaments, les plastifiants, les métaux, responsables d'une perte de taille" et donc de fertilité des anguilles femelles.
"On a détruit l'habitat de l'anguille, c'est ça qui l'a vraiment tuée", enrage Andrew Kerr, président de l'organisation Sustainable Eel Group. L'Europe a perdu les trois quarts de ses zones humides en moins d'un siècle, et compte plus d'un million d'obstacles en tout genre (barrages, écluses, gués...) perturbant les migrations et décimant les populations d'anguilles.
M. Feunteun évoque aussi "les courants marins (qui) changent avec le réchauffement climatique notamment".
Comment sauver l'anguille?
Divers moyens ont été mis en place, comme des programmes de restauration de l'habitat dans les cours d'eau, de repeuplement, des adaptations des barrages ou des systèmes améliorant la traçabilité de l'anguille, dont la raréfaction alimente un juteux trafic à destination de l'Asie.
Des chercheurs japonais planchent depuis les années 1960 sur la reproduction artificielle de l'anguille, qui a la particularité de ne pas se reproduire en élevage.
"C'est une famille qui existe depuis 60-70 millions d'années, qui a survécu aux dinosaures, et qui paradoxalement s'est très peu diversifiée", souligne Eric Feunteun. Il n'existe en effet que 19 espèces et sous-espèces d'anguilles.
Si l'anguille a peu évolué c'est parce qu'elle est très performante: elle naît dans des zones où d'autres poissons ne peuvent pas se développer car leurs larves n'y trouvent pas à manger, note le scientifique.
Mais la survie de l'espèce est "aujourd'hui mise à mal par les pressions humaines: 70 millions d'années d'existence et quarante années de déclin", résume-t-il.