8 ans après le drame du Rana Plaza qui a mis en lumière l'exploitation des ouvriers du textile au Bangladesh, le parlement se penche sur une proposition de loi sur le "devoir de vigilance des entreprises". Syndicats, ONG et acteurs de la société civile font du plaidoyer depuis des années sur cette problématique. On en débat dans CQFD avec Santiago Fischer, chargé de recherche à WSM (We Social Movements) et Philippe Lambrecht, administrateur-secrétaire général de la FEB.
Rana Plaza: malgré un tournant, un bilan négatif
C'est un drame qui a mobilisé les consciences, l'effondrement du Rana Plaza dans la banlieue de Dacca le 24 avril 2013 a fait 1 138 morts et plus de 2 000 blessés et a marqué un tournant: "Ca a été une lunette grossissante sur des mécanismes qui étaient déjà dénoncés depuis des années par l'ensemble de la société civile dans le monde: un modèle de globalisation qui met la pression sur les travailleuses et travailleurs, et n'est pas tenable. Les consommateurs ont compris et sont depuis en demande de changement eux-mêmes", explique Santiago Fischer, qui précise que le secteur du textile est loin d'être le seul touché par cette problématique: "on peut parler des minerais, de l'agriculture, il y a énormément de secteurs à risque qui connaissent des violations massives des droits humains".
Le chargé de plaidoyer et de recherche à WSM regrette que malgré un "Accord sur la sécurité" mis en place après le drame par l'Organisation Internationale du Travail, malgré les engagements de nombreuses entreprises, "après 8 ans, le bilan est assez négatif. Une étude de 2020 de la Commission européenne le dit: il n'y a que 16% des entreprises qui disent faire du devoir de vigilance sur l'ensemble de la chaîne de valeurs".
Seuls 16% d'entreprises européennes font du devoir de vigilance complet
Alors de quoi parle-t-on? "Le devoir de vigilance", c'est l'obligation pour les entreprises de mettre en œuvre des processus permanents, pour "identifier, prévenir, atténuer, faire cesser et réparer tout abus potentiel ou effectif des droits humains, sociaux et des normes environnementales", et ce tout au long de leur "chaîne de valeur". Cette expression désigne toutes les entités avec lesquelles l’entreprise entretient une relation commerciale: les sous-traitants, les fournisseurs de biens comme de services, y compris financiers. Bref, il s'agit de rendre les entreprises plus responsables sur le plan des droits humains et de l'environnement.
Aujourd'hui, la plupart des initiatives en la matière sont le fruit des entreprises elles-mêmes et généralement sur base volontaire. Outre les principes directeurs non contraignants de l'OCDE et de l'ONU, un traité international des Nations Unies tente d'aboutir depuis des années, sans succès. Au niveau européen, une directive est sur les rails. Et au niveau national, la France est devenue en 2017 le premier pays à instaurer un devoir de vigilance complet.