Droits des femmes

8 mars, journée des droits des femmes : radiographie du sexisme médical

© Getty Images

En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, nous nous sommes penchés sur cette question : faut-il toujours se battre pour l’égalité ou est-elle enfin acquise ? Il faut encore malheureusement répondre aujourd’hui par la négative à la deuxième partie de cette interrogation.

Un exemple très parlant de ce constat est à chercher dans le milieu médical. De nos jours, l’égalité face à la santé est loin d’être une réalité. Car certains stéréotypes ont la vie dure et dans ce cas-ci, ils peuvent mettre la vie des femmes en danger.

Des symptômes minimisés

Depuis Sigmund Freud et son étude sur l’hystérie, bien de l’eau a coulé sous les ponts. Aujourd’hui, on ne considère plus systématiquement les névroses ou ce qui y ressemble comme de l’hystérie chez les femmes. Cependant, cette approche de la psychanalyse a laissé des traces dans le monde médical. Les femmes ont tendance à être considérées comme trop sensibles et souffrent de ces préjugés.

On m’a vraiment laissée dans une salle en attendant que la crise d’angoisse se calme. Mais ce n’était pas une crise d’angoisse.

Certaines patientes y sont confrontées, comme Mathilda. Quand, à 23 ans, elle souffre d’un accident vasculaire cérébral, les ambulanciers sous-estiment ses symptômes :

Mathilda : "Ils se sont un peu jetés sur le fait que c'étaient des problèmes d'angoisses."

"Ils se sont un peu jetés sur le fait que c’étaient des problèmes d’angoisses surtout.", explique Mathilda en évoquant sa prise en charge à l’hôpital. "On m’a vraiment laissée dans une salle en attendant que la crise d’angoisse se calme. Mais ce n’était pas une crise d’angoisse. On m’a laissée là pendant une heure. Et c’est en me retournant sur la sonnette, sans faire exprès, que j’ai appelé les infirmières. Et c’est là que l’infirmière s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas. Si je ne l’avais pas fait, je n’aurais pas été prise en charge convenablement et je n’aurais pas pu bénéficier des traitements qui font qu’aujourd’hui, je n’ai pas de séquelles."

Une chance pour Mathilda, donc. Mais aujourd’hui, et cela est prouvé par de nombreuses études, pour une même douleur et une même façon de l’exprimer, la souffrance de la femme est sous-évaluée par rapport à celle de l’homme.

Qui est-on pour juger que cela se passe uniquement dans la tête de la femme, si la femme exprime clairement qu’il y a quelque chose qui ne va pas ?

Clarisse Portella est sage-femme. Cette forme de violence médicale, elle l’a constatée :

Clarisse Portella, sage-femme et sexologue : "Écouter la plainte, la patiente, c'est essentiel."

"Parfois, on avait des patientes qui avaient choisi d’avoir une péridurale. Et la péridurale, parfois, n’agissait pas bien, pour une raison ou l’autre. Le personnel soignant réagissait en disant 'Mais non, ce n’est pas possible, la péri est là.' ou encore 'Enfin, maintenant ça suffit !'", raconte-t-elle, "Mais finalement, qui est-on pour juger que cela se passe uniquement dans la tête de la femme, si la femme exprime clairement qu’il y a quelque chose qui ne va pas ? Donc écouter la plainte, la patiente, c’est essentiel. Parce que s’il y a une douleur quelque part, ça veut dire qu’il y a quelque chose qui dysfonctionne."

Une maladie mal diagnostiquée à cause de biais sexistes

Certaines pathologies, comme l’endométriose, sont longtemps restées dans l’ombre à cause de cette discrimination. Cette maladie gynécologique toucherait entre une et deux femmes sur dix. Ce qui, pour une affection aussi répandue, mériterait beaucoup plus d’attention et de moyens dans le chef des médecins spécialistes.

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Il m’aura fallu consulter vingt-deux gynécologues pour avoir un diagnostic de l’endométriose.

Pendant le mois de mars, des actions sont organisées pour sensibiliser à cette maladie. Car aujourd’hui, elle peine toujours à être diagnostiquée. Laura Lequeu est atteinte d’endométriose. A la suite de son vécu, semé d’embûches, face au monde médical, elle a décidé de fonder l’ASBL "Toi mon endo" pour aider d’autres femmes comme elles :

Laura Lequeu, atteinte d'endométriose et fondatrice de l'ASBL Toi mon endo : "Il m'aura fallu sept ans pour avoir mon diagnostic. Et je peux encore m'estimer, on va dire, chanceuse, parce qu'en Belgique, il faut entre 7 à 12 ans pour un diagnostic de l'en

"De mes douze à mes dix-huit ans, j’avais des règles extrêmement douloureuses, je m’évanouissais, entre autres choses. Il m’aura fallu consulter vingt-deux gynécologues pour avoir un diagnostic de l’endométriose, que j’ai en fait découverte via Google, à force de chercher." raconte-t-elle. "Et donc il m’aura fallu sept ans pour avoir mon diagnostic. Et je peux encore m’estimer, on va dire, chanceuse, parce qu’en Belgique, il faut entre sept et douze ans pour un diagnostic de l’endométriose. A partir du moment où l’on dit qu’on a mal pendant ses règles, ou qu’on s’évanouit, par exemple, et qu’on continue de nous répondre 'Mais vous êtes trop stressée mademoiselle, faut vous détendre !', c’est du sexisme. Je pense que c’est le meilleur exemple de sexisme."

Un sexisme systémique

Un sexisme bien réel donc, et que constatent aussi les professionnels de santé lors de conversations avec les patientes et sur leur lieu de travail. Le Docteur Maxime Fastrez, gynécologue et directeur de la clinique de l’endométriose, à l'hôpital Erasme (ULB), ne dit pas le contraire :

Dr. Maxime Fastrez, gynécologue et directeur de la clinique de l'endométriose : "Souvent dans ce métier, j'ai vu des comportements sexistes, autant de la part de femmes que d'hommes."

"Souvent dans ce métier, j’ai vu des comportements sexistes, autant de la part de femmes que d’hommes, au cours de ma formation, dans ma carrière." constate-t-il amèrement. "Mais oui, ça existe et ça existe encore, malheureusement. Dans les discussions entre collègues, il y a toujours certaines réticences à accorder, par exemple, un congé menstruel aux femmes."

Les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité chez les femmes en Belgique.
Les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité chez les femmes en Belgique. © RTBF

Ces biais sexistes s’étendent à toutes les pathologies, surtout quand les symptômes chez la femme sont spécifiques et diffèrent des symptômes les plus habituels chez l'homme, comme pour un infarctus, alors que les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité chez les femmes en Belgique.

L’impact sur la prise en charge est déterminant.

La Docteure Linda Tebachen, gynécologue et chirurgienne, est bien consciente des graves problèmes que cela peut soulever :

Dr. Linda Tebachen - Gynécologue et chirurgienne : "L'impact sur la prise en charge est déterminant."

"Cela a pour conséquence que toutes les maladies sont moins dépistées. Tout va se jouer dans l’interprétation des symptômes et, par ce biais de sexisme, dans la personne qui les rapporte. L’impact sur la prise en charge est déterminant."

Face à ces constats, le monde académique a commencé à inclure la prise en compte de la notion de genre dans les études de médecine. Mais comme pour tout changement systémique, il faudra du temps pour faire évoluer les mentalités.

 

Une autre discrimination qui a la vie dure : le "syndrome méditerranéen"


Sous ce terme barbare se cache la façon dont, à cause de préjugés racistes, du personnel soignant et des médecins traitent différemment les patients d’origine africaine ou maghrébine car ils les estiment prompts à l’exagération et donc peu fiables quant à l’expression de leur douleur. Ou à l’inverse, ils les considèrent comme "durs au mal", donc capables d’endurer plus et plus longtemps.

Cette vision raciste des choses prend racine dans la médecine française de la fin des années 70. Le fait de nommer cela un syndrome dénote une volonté de parer d’un aspect scientifique une prise de position xénophobe.

L’expression est moins utilisée aujourd’hui, mais ces clichés persistent à l’hôpital et dans les cabinets médicaux.

Les femmes sont cependant en première ligne car quand une femme est de l’une ou l’autre de ces origines, c’est encore pire pour elle. Le personnel médical a, consciemment ou inconsciemment, tendance à considérer que la femme noire ou maghrébine en fait trop, car jugée d’une part "robuste" et de l’autre "hystérique".


 

 

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