Les Grenades

À Bruxelles, les femmes au cœur de la solidarité après le séisme en Turquie et en Syrie

© Tous droits réservés

Des pantalons, des pulls, des vestes, toujours plus nombreux à arriver dans de grands sacs. Celui-ci contient des vêtements pour enfants. Il est envoyé à un stand de l’autre côté de la salle. Un groupe de jeunes y trie les habits reçus ce matin. Pas de tâche ni de trou, alors cette petite chemise est soigneusement pliée et posée dans un carton déjà bien rempli. Un carton qui en rejoindra d’autres, beaucoup d’autres, dans un camion en partance pour la Turquie.

Le 6 février dernier, le pays et son voisin, la Syrie, sont frappés par un violent tremblement de terre en plein milieu de la nuit. Un mois plus tard, plus de 50.000 personnes ont perdu la vie, plus de 105.000 personnes sont blessées et les dégâts matériels dépassent les 100 milliards de dollars, selon l’ONU.

A Bruxelles, quelques heures suffisent pour qu’un élan de solidarité voit le jour. Des associations de quartier lancent des appels aux dons et organisent leur acheminement jusqu’aux régions touchées par le séisme. En parallèle, sur demande du conseiller communal Sevket Temiz (PS) et avec l’accord du bourgmestre de la Ville de Bruxelles, le Palais 11 du Heysel est mis à disposition du consortium "Aide pour la Turquie".

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Sur place, la masse de dons est impressionnante, comme le nombre de personnes venues apporter leur aide. "Nous avons eu jusqu’à mille bénévoles par jour", détaille Ugur Caliskan, chargé de communication pour le consortium. Très vite, le mouvement s’organise. Des dizaines de stands sont créés pour trier au mieux l’aide matérielle offerte par des particuliers et des entreprises.

La grande majorité se charge des textiles : vêtements pour femmes, hommes et enfants. Certaines équipes s’occupent des dons alimentaires, d’autres des appareils électroniques. "En moins d’une semaine, nous avons fait partir quarante-neuf semi-remorques et deux avions cargos. Près de cinquante tonnes de vêtements d’hiver ont été transportées."

© AFP

Une forte présence des femmes

Une aide considérable, fruit d’un long travail de tri, notamment fourni par des femmes. Elles représentent plus de la moitié des bénévoles qui ont donné de leur temps au Palais 11. "Je pensais ne rester que deux ou trois jours. Finalement, j’ai aidé pendant plus de deux semaines. Il y avait tellement de dons, on ne se rendait pas compte de l'ampleur du travail nécessaire pour tout trier, emballer et envoyer", raconte Nazife (prénom d’emprunt), qui préfère rester anonyme pour ne pas se mettre en avant "alors qu’on est tellement nombreuses à s’être relayées". Comme d’autres, elle a découvert l’initiative sur les réseaux sociaux et n’a pas hésité une seconde à apporter son soutien.

Certaines ne parlent pas français mais on se débrouille

Un soutien parfois à temps plein : si les équipes sont logiquement plus nombreuses après les heures de bureau et les week-ends, certaines bénévoles sont présentes dès 10h du matin et jusqu’à 21h. "J’ai délaissé ma maison et mon travail. Je suis indépendante donc j’ai pris des congés sans soldes auprès de mes client·es."

A la maison, c’est son mari qui prend le relai. "J’ai eu de la chance à ce niveau-là", précise-t-elle en riant. D’autres femmes adaptent leur engagement à l’horaire de leurs enfants. Elles arrivent après les avoir déposés à l’école, s’éclipsent à la sortie des cours et reviennent ensuite avec eux. "Je salue leur courage ! Et souvent, leurs enfants triaient aussi."

Et les mères de famille ne sont pas les seules à se mobiliser. Les plus jeunes générations donnent aussi de leur temps.

C’est le cas de Betül, une étudiante de 19 ans. "C’était la semaine blanche, juste après les examens, donc on n’a pas raté trop de cours avec mon frère. On s’organisait pour ne pas trop tarder parce qu’on avait quand même quarante minutes de trajet. Et on rattrapait les cours qu’on avait ratés le soir.” Des journées chargées qu’elle ne regrette nullement. La jeune femme a besoin de se sentir utile. “Ça m'a vraiment touchée parce que c’est la première fois que je vis un événement aussi dramatique. Aider à trier nous soulageait parce qu’on est loin de la zone concernée et qu’on ne pouvait pas faire grand-chose d’autre."

© AFP

"Ça réchauffe le cœur"

D’abord perdue devant l’agitation des centaines de bénévoles, Betül devient rapidement responsable du stand pour bébés. Elle y croise des dizaines de visages, dont certains très inquiets pour les membres de leurs familles vivant en Turquie. "Je me souviens d’une dame qui s’arrêtait tout le temps pour regarder son téléphone au cas où elle aurait des nouvelles de ses parents. J’avais la chair de poule en la voyant."

Je ne m’attendais pas à rencontrer autant de femmes et à assister à un tel élan de solidarité. C’est très émouvant

Les premiers jours, les nouvelles des victimes sorties en vie des décombres donnent de l’espoir aux bénévoles. Les encouragements sont permis. Mais plus le temps file et plus l’optimisme cède du terrain. "Après une semaine, on ne savait plus quoi dire, c’était triste de voir qu’il n’y avait plus d’espoir."

Du côté du stand alimentaire, Nazife fait la connaissance d’une autre volontaire sans nouvelles de ses parents. "Elle a pleuré à chaudes larmes pendant trois jours." Présente malgré l’inquiétude et la douleur, la malheureuse est réconfortée par ses collègues bénévoles. "L’ambiance était très chaleureuse. Ça réchauffe le cœur de voir des personnes qui ne sont pas directement concernées par le séisme se mobiliser pour nous soutenir."

Parmi les centaines de petites mains au grand cœur, beaucoup de Turques et de Syriennes, mais pas seulement. Des volontaires, seules ou avec leur association, originaires du Maghreb, d'Afrique sub-saharienne et d'Asie. "Il y avait des femmes d'Azerbaïdjan, du Pakistan. Certaines ne parlent pas français mais on se débrouille."

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Des Bruxelloises d’origine palestinienne et marocaine ont aussi répondu à l’appel. "Dimanche, nous avons eu la surprise de voir des femmes belgo-marocaines apporter de la soupe et du couscous pour soutenir les bénévoles", explique Ugur Caliskan.

Au-delà de l’aide considérable apportée aux victimes directes du tremblement de terre, le Palais 11 a été le théâtre d’une entraide globale, avec et entre les bénévoles. Deux semaines après la fermeture du lieu au consortium "Aide pour la Turquie", Nazife est toujours aussi impressionnée : "Je ne m’attendais pas à rencontrer autant de femmes et à assister à un tel élan de solidarité. C’est très émouvant. Moi qui ai déjà été bénévole, je n’avais jamais vu ça."

Séisme en Syrie : la mobilisation en Belgique

Séisme en Syrie : la mobilisation en Belgique

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous