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"À cœur ouvert" : l’histoire d’une transplantation cardiaque (partie 2)

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Par Olivier Nederlandt & Africa Gordillo via

C’est l’histoire de deux cœurs généreux. C’est aussi l’histoire d’une amitié. Le journaliste de La Première Olivier Nederlandt et le directeur du Théâtre de Poche Olivier Blin. Ils se sont connus sur les bancs de l’université. Les années passant, le cœur de l’un s’est affaibli au point qu’une transplantation cardiaque était devenue incontournable. Olivier Blin a attendu sa greffe pendant 2 ans. Et il lui aura fallu 10 mois pour se relever. Au bout du chemin, un lever de rideau extraordinaire sur une nouvelle vie. Cette attente et ce cheminement, c’est ce que vous propose Transversales, le magazine de reportages de La Première. Accessible ci-contre, en deux parties avec le récit d’Olivier Nederlandt.

Olivier Blin, avant sa transplantation cardiaque.
Olivier Blin, avant sa transplantation cardiaque. © Tous droits réservés

Nous avons longtemps joué au squash ensemble. Puis, un jour, il m’a dit : "J’ai un souffle au cœur. Je dois arrêter les matches, c’est trop violent pour moi". Nous sommes au début des années nonante. Olivier Blin est attaché de presse au Théâtre de Poche, dans le Bois de la Cambre, à Bruxelles. Je le retrouve à l’occasion d’une pièce, puis d’une autre… Nous étions à l’université ensemble.

Les années passent. Olivier reprend la direction du Poche début 2016. Il m’apprend que ses problèmes cardiaques se sont aggravés. Il vit avec un pacemaker depuis plusieurs années. Pire. Le voilà inscrit sur la liste des patients en attente d’une greffe de cœur… Nous sommes début 2020 et le Covid arrive.

"On estime que je suis à 40 % des capacités moyennes d’un homme de mon âge, c’est-à-dire 55 ans", me dit-il ce jour-là. Quelques mois plus tard, Olivier va faire un infarctus. L’ambulance, l’hôpital… puis un second infarctus aux cliniques universitaires Saint-Luc.

Cette fois, il n’a plus le choix. Il va devoir vivre avec un "heartmate" jusqu’à la greffe. C’est une pompe, une assistance qui va aider son cœur à battre à un rythme constant. Parce qu’il est devenu encore plus fragile. Alors pendant plus d’un an, il va vivre avec un câble qui lui rentre dans le ventre, et qui relie son cœur à des batteries externes. "Je ne peux pas me séparer de cette sacoche, sauf la nuit, quand je suis branché sur le secteur avec cette espèce de queue de Marsupilami" dit-il.

Deux ans sur la liste d’attente

Après la pose de cette pompe, Olivier va être mis "entre parenthèses" pendant quelques mois. On va provisoirement le retirer de la liste des patients qui attendent un nouveau cœur, histoire qu’il se retape avant l’opération. Il va faire du vélo, de la marche et de la gym plusieurs fois par semaine. Des séances de revalidation pour arriver en forme à la greffe. En attendant, il travaille. Il est plutôt en forme. La pompe l’a reboosté, c’est visible. Mais ce n’est qu’une étape.

En définitive, Olivier attendra 2 ans. C’est la moyenne pour une greffe cardiaque.

Le coup de téléphone qui le prévient qu’un cœur a été trouvé arrive le 24 février 2022. Il rejoint alors les cliniques universitaires Saint-Luc au plus vite. Ça tombe bien, il n’est pas loin. Il ne pouvait d’ailleurs pas quitter la Belgique.

Ce nouveau cœur, il ne saura jamais d’où il vient. Mais celui ou celle qui le lui a donné était en tout cas de son groupe sanguin, et à peu près de sa taille et de son poids. C’est aussi le cœur de quelqu’un qui est mort à l’hôpital, qu’on a "débranché". Pour que le cœur soit irrigué le plus tard possible avant la transplantation.

De nombreuses complications

Si tout se passe bien, un greffé cardiaque peut quitter l’hôpital après 3 ou 4 semaines. Olivier, lui, y sera resté 10 mois. Il faut dire que pour éviter au maximum le risque de rejet – c’est le risque principal lors d’une greffe cardiaque –, les patients prennent ce qu’on appelle des immunosuppresseurs. Des médicaments qui font baisser nos défenses immunitaires. Et il faut trouver le bon équilibre. Parce que faire baisser son immunité, c’est s’exposer davantage aux virus, bactéries et autres germes.

Et c’est ce qui est arrivé à Olivier, qui a fait complication sur complication. Il sortira finalement en décembre 2022, après que les médecins se seront assurés qu’il pouvait se débrouiller seul, chez lui, même si sa femme, ses enfants et beaux-enfants sont souvent présents.

Olivier Blin et son épouse Morgane Raoux.
Olivier Blin et son épouse Morgane Raoux. © Tous droits réservés

Une fonte musculaire impressionnante

Les premières semaines se font en mode mineur. Olivier est encore vite fatigué, mais il commence à marcher sans béquilles. Il vient pourtant de loin. Alité pendant des mois, ses muscles ont littéralement fondu. Alors à l’hôpital, et aujourd’hui encore, il suit des séances de kiné.

Il faut dire qu’il a perdu plus de 30 kilos, mais il appréhende l’avenir avec sérénité. Non, dit-il, je n’ai aucun regret, malgré les complications. "J’ai retrouvé une vraie fraicheur, et cette opération m’a libéré d’un poids à la fois physique et mental".

Olivier monte désormais les escaliers sans difficultés. Ça n’a l’air de rien, mais c’était une réelle épreuve avant la greffe. Alors il pense déjà à reprendre le badminton. Pas de suite, mais tout de même… dès que ce sera possible.

Depuis le début de l’année, il a repris son boulot de directeur de théâtre. Avec un élan retrouvé, dit-il. Et une envie décuplée. 

Anonymat et gratuité

En Belgique, la greffe d’organe répond à deux principes de base: anonymat et gratuité. C’est dans la loi. Pour éviter tout risque de chantage affectif ou financier. Pour éviter aussi les potentielles dérives qu’un commerce d’organes pourrait engendrer.

Et puis chez nous, tout le monde est présumé donneur potentiel en cas de décès. Mais parfois, la famille s’y oppose. Il est dès lors possible de dire officiellement, via un formulaire rempli à son administration communale, qu’on veut être donneur. Et là personne ne peut s’y opposer. Plus de 450.000 personnes ont déjà fait cette démarche chez nous. À l’inverse, 210.000 personnes ont fait savoir qu’elles ne voulaient en aucun cas donner leurs organes.  

Il y a pourtant chaque année de plus en plus de patients qui attendent une greffe. Début de l’année, 76 personnes attendaient un cœur en Belgique.

Olivier Blin, jeune greffé du cœur.
Olivier Blin, jeune greffé du cœur. © Tous droits réservés

Ce cœur reçu ne m’a pas simplement sauvé la vie. Elle l’a profondément changée. En bien.

Olivier Blin

Olivier ne saura donc rien de son donneur. Il ne le souhaite d’ailleurs pas. Il a malgré tout pu faire parvenir quelques lignes à la famille de son donneur, via Eurotransplant, la fondation qui gère le don d’organes à travers huit pays européens, dont la Belgique.

Voici ce qu’écrivait Olivier Blin au début de l’année :

"Madame, Monsieur,

Si je vous adresse ce courrier, c’est parce que je vis aujourd’hui grâce au don du cœur de votre parent. Le service cardiologique de mon hôpital m’autorise à vous adresser quelques mots. J’ai mis longtemps à prendre la décision de vous écrire, souhaitant éviter toute intrusion brutale dans votre deuil.

Je suis le papa d’une adolescente et le beau-père de deux jeunes gens. Je fais ce que je peux pour les accompagner dans leur vie et faire d’eux de chouettes jeunes adultes.

Il y a quelques mois encore, à cause d’une fatigue permanente, énormément de choses nous étaient interdites; je luttais quotidiennement contre une fatigue cardiaque qu’en outre il me fallait masquer pour ne pas les inquiéter. Aujourd’hui, avec la réussite de ma greffe, d’autres horizons s’offrent à nous: nous projetons notamment quelques voyages. La chape de plomb qui alourdissait tant notre quotidien a disparu. Et probablement de manière définitive.

Je me disais que peut-être vous seriez heureux de savoir que ce cœur reçu ne m’a pas simplement sauvé la vie. Elle l’a profondément changée. En bien.

Je vous souhaite le meilleur, à vous et à vos proches

Olivier"

Transversales, le magazine de reportages de La Première, le samedi à midi.

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