Le premier long-métrage de la cinéaste franco-tunisienne Erige Sehiri est présenté en avant -première au Cinemamed, avant d’être distribué dans les salles belges. L’occasion de se pencher sur cette belle chronique d’une journée à l’ombre des figuiers.
Le soleil brille sur le verger, et les mots fusent de toute part. Entre les jeunes ouvrières qui s’activent à la récolte des figues, la parole n’a de cesse de se propager, avec son lot de confessions, de ragots, de flirts, de reproches, de rêves et de disputes. Deviendront-elles comme ces femmes plus âgées qui travaillent en leur compagnie, et les regardent d’un air de reproche ? Se lieront-elles à un de ces hommes qui leur tournent autour, par un mariage inévitable ? Ces questions resteront pour la plupart en suspens, le film ne s’attardant que sur une seule journée de leur existence – quelques heures à la fois anodines et singulières passées à la récolte des figues dans le nord-ouest de la Tunisie.
Débutant et terminant son récit sur le chemin qui mène à son décor principal, un verger, "Sous les figues" a des airs de huis clos, malgré son cadre à ciel ouvert. Liés et contraints par le travail, ses personnages s’entrechoquent les uns contre les autres, exposant par la force des choses leurs rudes conditions de vie. Sans misérabilisme et avec une certaine justesse, le film étale les mécanismes patriarcaux et sociaux qui enlisent ses protagonistes, et empêchent leurs rêves de se concrétiser.
Oscillant entre une apparente légèreté (les désirs adolescents, le verger baigné par les rayons du soleil) et une gravité étouffante (la précarité, l’injustice et les conflits intergénérationnels), le film nous fait vivre avec une certaine justesse les remous qui animent ses personnages au cours de ce qui ne pourrait être qu’une journée comme les autres. C’est sur les expressions de chacun que la caméra se concentre le plus souvent, voguant avec fébrilité de visage et visage, en quête d’un regard de jalousie, une moue de reproches ou un sourire qui éclate à l’ombre d’un figuier. Le dispositif cinématographique est assez modeste et dépouillé, mais il permet de mettre en valeur les performances des actrices et des acteurs (qui sont non-professionnels), tout en donnant une authenticité à l’ensemble de ce film chargé de drame et de disputes.
Simple dans sa mise en scène mais ambitieux dans son portrait d’une certaine jeunesse tunisienne, "Sous les figues" pourrait nous laisser un goût amer dans la bouche, tant il déborde de conflits. Mais le film réussit à trouver la douceur alors même que le soleil se couche, dans un chant collectif qu’on serait tenté de qualifier de sororal plutôt que fraternel. Rien ne dit que demain sera meilleur pour ces femmes, mais l’espace de quelques instants, c’est leur union qui triomphe.
"Sous les figues" est à découvrir ce vendredi 9 décembre à 21h au cinéma Palace dans le cadre du Cinemamed. Il sortira dans les salles belges ce mercredi 14 décembre.