Exposition - Musées

À Florence, des conservateurs déshabillent un nu censuré d’Artemisia Gentileschi

En 1616, Artemisia Gentileschi a peint l'"Allégorie de l’Inclinaison" sur le plafond de la Galleria de la Casa Buonarroti à Florence.

Photographie Courtesy of Casa Buonarroti ©

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Par Caroline Drzewinski

Cela fait quelques années que les historiens de l’art manifestent un regain d’intérêt pour les œuvres d’Artemisia Gentileschi, après qu’elle soit tombée dans l’oubli pendant des siècles. L’une d’entre elles intéresse tout particulièrement les conservateurs du musée Casa Buonarroti. La raison ? Elle a été censurée par un autre artiste.

Le peintre en question n’est autre que Baldassare Franceschini, dit il Volterrano. Il a fait des changements sur une œuvre qu’Artemisia Gentileschi avait peinte en 1616 sur le plafond de la Galleria de la Casa Buonarroti à Florence. Cette huile sur toile, intitulée Allégorie de l’Inclinaison, représente une figure féminine nue assise sur un nuage et tenant dans ses mains une boussole.

Pendant sept décennies, les habitants et les visiteurs de la Galleria de la Casa Buonarroti ont pu admirer les courbes de ce personnage dénudé. Mais un descendant de Michelangelo Buonarroti le Jeune, probablement son neveu Leonardo Buonarroti, a demandé à il Volterrano de peindre un drap bleu autour de l’Inclinaison pour la rendre moins sensuelle.

Des siècles plus tard, une équipe de scientifiques cherche à "restaurer virtuellement l’apparence originale" de cette œuvre de l’une des premières femmes peintres de l’Histoire, dans le cadre du projet Artemisia Unveiled. Ils s’appuient sur des techniques d’imagerie telles que la réflectographie infrarouge, l’examen sous lumière rasante et les rayons X pour examiner des coups de pinceaux vieux de plus de 400 ans. Le but : déterminer s’ils proviennent de la main d’Artemisia Gentileschi ou de celle d’il Volterrano.

 

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Mais pas question de modifier l’Allégorie de l’Inclinaison, selon Elizabeth Wick, la restauratrice à la tête du projet Artemisia Unveiled. "La première raison est que les repeints d’Il Volterrano sont considérés comme historiques et font partie du décor et de l’histoire de la vie du tableau. Deuxièmement, il n’y a que 70 ans de différence entre le tableau d’Artemisia et les draperies et le voile 'censurés'. Il s’agit d’une épaisse couche de peinture, avec des empâtements. Il peut s’avérer que les couches des deux artistes sont très fortement liées, et si c’est le cas, nous ne pouvons absolument pas mettre le tableau en danger", a-t-elle expliqué à The Florentine.

Il faut dire que les toiles d’Artemisia Gentileschi ont considérablement pris de la valeur ces dernières années. L’une d’entre elles, Lucrèce, a même été vendue pour la somme record de 4,8 millions d’euros en 2019 chez Artcurial.

L’Allégorie de l’Inclinaison n’a pas vocation à être vendue : elle sera au centre d’une exposition sur le projet Artemisia Unveiled que la Casa Buonarroti accueillera en septembre 2023. À cette occasion, les amateurs d’art pourront découvrir une reproduction numérique de la version d’origine. Les plus impatients peuvent se rendre tous les vendredis dans le musée florentin, jusqu’en avril prochain, pour suivre l’état d’avancement du projet de restauration et poser des questions aux conservateurs qui y participent.

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