Bruxelles

A Ixelles, les dégonfleurs de pneus s’en prennent aux SUV pour défendre le climat

A Londres, Paris, Berlin et maintenant Bruxelles, les dégonfleurs de pneus s’en prennent aux propriétaires de SUV

© Tyre Extinguishers

Par Véronique Fievet

Au cours de la nuit du 28 février au premier mars, des activistes, militants pour la défense du climat, ont dégonflé les pneus de 41 voitures de type SUV (une soixantaine selon les Tyre Extinguishers) qui stationnaient dans les rues d’Ixelles. Sur le pare-brise des véhicules, ils ont laissé un flyer qui explique aux propriétaires les raisons de ce geste. Pas sûr que ces derniers apprécient ces efforts de transparence ! Plusieurs ont d’ailleurs déposé plainte à la police de la zone de Bruxelles-Capitale-Ixelles. Une enquête est en cours pour identifier ces "dégonfleurs". Elle porte sur les faits qualifiés de "vandalisme". Les activistes eux, parlent plutôt de désobéissance civile et non-violente. Nous avons rencontré deux représentants de ce collectif bruxellois.

Des véhicules SUV qu’ils jugent inutilement polluants

Ils souhaitent rester anonymes et se présentent comme des activistes engagés pour la justice sociale et climatique. Déçus par les manifestations en faveur du climat, par les sit-in, et le peu de résultats constatés, ils ont choisi de passer à un autre mode d’actions.

"Notre action consiste à "désarmer les SUV", à dégonfler les pneus mais de façon réversible puisque le pneu n’est pas endommagé. Notre action est non-violente et facile à mettre en œuvre par des citoyens qui ne voient pas l’intérêt de circuler dans un véhicule, plus lourd, plus polluant, dans une commune largement pourvue en transports en commun. Aujourd’hui, tout le monde doit pouvoir s’emparer de l’urgence climatique et agir d’une manière que certains jugeront peut-être radicale".

Ce mode d’action ne serait pas une spécialité bruxelloise. Il aurait démarré en Angleterre et plusieurs capitales européennes ont déjà constaté des "épidémies de pneus dégonflés".

Une forme de désobéissance civile et non-violente, née de l’essoufflement des marches pour le climat

Maxime Gaborit, politologue à l’université Saint-Louis et spécialiste des mouvements pour le climat en France et en Belgique, voit dans ces collectifs de "dégonfleurs de SUV" une forme de désobéissance civile et non-violente : "Ils gênent l’usage de la voiture mais les pneus peuvent évidemment être regonflés et cette non-violence est très ancrée dans le mouvement écologiste d’autant que les militants appartiennent souvent à des franges relativement aisées de la société". Le chercheur y voit la conséquence de la disparition du sentiment d’urgence climatique, dans l’esprit du grand public. La mobilisation est retombée depuis les grandes marches pour le climat de 2018 et 2019. Mais pour les militants, l’urgence est toujours là et ils doivent dès lors imaginer d’autres formes de mobilisation. "Et rien ne dit que certains n’en viendront pas à se détourner du principe de non-violence".

A l’automne dernier, d’autres collectifs avaient choisi de lancer de la soupe sur des œuvres d’art

Moins médiatisés que les lanceurs de soupe, les dégonfleurs de pneus ciblent directement des comportements jugés irresponsables. "Dans le débat sur le réchauffement climatique, l’adversaire est difficilement identifiable. S’agit-il des responsables politiques, des dirigeants d’entreprises ou des particuliers à travers leurs choix de modes de vie ? En général, les discours épargnent les gestes individuels. Les dégonfleurs, eux visent directement le comportement de certains citoyens. Mais il s’agit là d’une cible parmi d’autres…"

Pour Greenpeace, cette action remet dans l’actualité la crise du dérèglement climatique

Une bonne chose ! C’est ainsi que Carine Thibaut, la porte-parole de Greenpeace Belgique, qualifie l’action des activistes ixellois. "Nous pensons que les grandes mobilisations, comme les manifestations, le blocage des infrastructures de Total, le lobbying politique, restent nécessaires mais ces actions sont complémentaires à celles qui visent les pneus des SUV !".

Les dégonfleurs, une nouvelle génération d’activistes ? "Non ! Clairement, désobéir, face à la loi, cela traverse les décennies. Ce n’est pas une question d’âge mais cela s’exprime d’autant plus fort quand la crise est peu entendue et que le désespoir (ou le besoin d’agir) se fait sentir", précise encore Carine Thibaut.

Sur le même sujet (V. Fievet 08/03/23)

Pneus de SUV dégonflés à Ixelles (V. Fievet 08/03/23)

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous