On n'est pas des pigeons

A la poursuite du pire entrepreneur : il sévit toujours et la justice pourrait se mettre sur l'affaire

L'arnaqueur de Ransart toujours en activité!

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Par C. Dath via

Fin février 2023, nous avions tenté de rencontrer un entrepreneur de Ransart pour lui remettre le Pigeon d’Or du pire entrepreneur. Un prix décerné par la rédaction d’On n’est pas des Pigeons lors d’une soirée spéciale, pour sa mauvaise gestion des chantiers. Dans sa commune et ailleurs, il a fait plusieurs "victimes". Celles-ci ont payé plusieurs acomptes pour des travaux qui n’ont jamais été terminés.

© Getty Images

Les faits

Il a pris l’habitude de commencer les travaux en cassant tout, voire plus que ce que ses clients avaient demandé au départ, et de se faire plus discret au fil des semaines jusqu’à ne plus venir.

"Il se présentait un jour ou deux, puis de nouveau, il ne venait plus. Ça ne permettait pas de se dire qu’il avait arrêté le chantier", explique Sarah qui a perdu 15.000 euros dans cette affaire. Nous avions aussi rencontré Raphaël et Mouloud pour notre reportage et nous avions parlé à Marie, une quatrième victime de Braine-L’Alleud.

Nous avions échoué dans notre mission de lui remettre le prix, mais surtout de le rencontrer pour avoir des explications. Lors de l'émission spéciale Cérémonie des Pigeons d'or des Pigeons, nous avions même sonné à sa porte, sans succès.

Pigeon d'Or du pire entrepreneur

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Rien n’est à son nom

Mais c’était sans compter sur notre détermination. Nous avons poursuivi la recherche avec de nouvelles informations et surtout une nouvelle adresse. Ici, le but n’est pas vraiment de lui donner le Pigeon d’Or, mais plutôt de comprendre son comportement et pourquoi, malgré les conciliations et les condamnations, il ne rembourse pas.

Nous sommes donc allés à 15 kilomètres de Ransart. Annie Allard nous a rejoints. Elle connaît bien le dossier. Nous y allons en caméra cachée puisqu’au téléphone, il avait refusé de nous rencontrer. A l’adresse, son nom ne figure ni sur la sonnette ni sur la boîte aux lettres, mais nous connaissons le nom de sa compagne. Personne ne répond…

Un hangar vide

Nous continuons donc nos recherches dans un hangar de la région carolo, dont l’adresse nous a été communiquée par les victimes et où l’entrepreneur aurait entreposé, à l’époque des travaux, son matériel. Il se situe dans la campagne, à côté d’une ferme.

Le bâtiment appartient d’ailleurs au même propriétaire. Le nom de l’entrepreneur ne leur dit rien. Par contre, dans notre conversation avec le propriétaire, nous apprenons qu’une connaissance louait le lieu et sous-louait à quatre autres personnes, dont un entrepreneur. " Il est parti parce qu’il devait de l’argent à tout le monde ", confie le fermier. Ce dernier ne connaît pas le nom, mais il promet de se renseigner auprès de son ancien locataire. A l’heure d’écrire ces lignes, et malgré plusieurs relances par messages, toujours aucune nouvelle.

Nous le croisons par hasard

Nous terminons notre périple dans la nouvelle commune de l’entrepreneur, à quelques centaines de mètres du domicile de sa compagne. Nous savons qu’il passe beaucoup de temps dans un café du centre-ville. Nous y entrons en fin de journée, espérant le croiser. Malheureusement, il y a des gens, mais nous faisons chou blanc avec cette piste, car il n’est pas là. La serveuse nous confirme tout de même le connaître. A la question " Travaille-t-il toujours comme entrepreneur ? ", elle répond par l’affirmative.

Quelques minutes plus tard, nous sortons et, alors que nous réfléchissons à retourner chez lui une dernière fois, nous croisons la camionnette avec laquelle il circule. Elle n’est pas au nom de sa société. Il l’aurait eue à prêter. Nous démarrons rapidement pour le suivre, dans l’idée de le croiser et de lui parler, mais il a plusieurs centaines de mètres d’avance sur nous, ça ne sera pas facile. Arrivés à un carrefour, nous devons choisir entre tourner à droite ou à gauche. Nous choisissons la gauche, mais nous nous rendons vite compte qu’il a certainement tourné à droite. Ce jour-là, la chance ne nous sourit pas. Nous repartons donc bredouilles, non sans avoir sonné une dernière fois chez lui. Il n’y a toujours personne.

Les 3 clés d'Annie Allard pour éviter les entrepreneurs malhonnêtes

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Mais que fait la justice ?

L’homme est donc toujours en activité. Nous nous en doutions puisqu’il est toujours inscrit à la Banque Carrefour des Entreprises (BCE). " Je trouve ça assez affolant de se dire que ce monsieur peut encore sévir à l’heure actuelle ", réagit Sarah, l’une des personnes lésées par l’entrepreneur.

... pour poursuivre du chef d’escroquerie, je dois prouver les manœuvres frauduleuses

C’est donc avec cette question en tête que nous partons à la rencontre de Daniel Marlière. Travaillant dans la section économique et financière, le premier substitut du Procureur du Roi du Parquet de Charleroi a bien conscience des techniques frauduleuses utilisées par certains entrepreneurs. Sans juger ce cas précis, car il ne connaît pas les éléments et que la présomption d’innocence reste d’application, il confirme que " pour poursuivre du chef d’escroquerie, je dois prouver les manœuvres frauduleuses […] Il est possible que quelqu’un travaille mal et donc ce sera plutôt les tribunaux civils ou commerciaux. Si on peut prouver qu’il y a manœuvre frauduleuse, alors c’est notre compétence "

 Les soupçons ne sont pas suffisants.

Mais comment prouver qu’un entrepreneur a agi intentionnellement ? " Par des faits ", appuie le substitut."  Les soupçons ne sont pas suffisants. Il faut des éléments pour pouvoir l’interpeller, aller devant le Juge d’instruction et éventuellement le priver de liberté. Je dois réunir les preuves de ce que j’avance. "

Plus une situation est récurrente, plus il est possible de démontrer le modus operandi. " On va aussi vérifier tous les documents […] Les victimes, c’est important qu’elles portent plainte. Si je ne connais pas, je ne peux rien faire. Et puis c’est important aussi de garder tous les documents : factures, devis, e-mails, messages, échanges avec l’entrepreneur ", poursuit Daniel Marlière. Si un entrepreneur a commis des faits similaires dans d’autres arrondissements judiciaires, il faut aussi prendre le temps de vérifier si des plaintes ont été déposées.

Une longue attente pour les victimes

Le premier substitut du Procureur du Roi du Parquet de Charleroi a mis en place une méthode d’enquête à destination de la police carolo afin de déterminer s’il peut s’agir d’escroquerie et de manœuvres frauduleuses. Mais encore faut-il que les policiers soient formés à ces matières économiques souvent complexes.

Et puis, on le sait, la justice manque de moyens et d’effectifs. Une enquête peut durer entre six mois et un an. Si le parquet désire poursuivre, alors il faut aller devant le tribunal et cela peut encore prendre plusieurs mois, voire années.

Et le temps de la justice n’est bien souvent pas le temps des victimes qui souhaitent des réponses bien plus rapides.

Retrouvez "On n’est pas des pigeons" du lundi au vendredi à 18h30 sur la Une et en replay sur Auvio.

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