Belgique

A près d’un an des élections, les partis politiques belges francophones investissent les réseaux sociaux

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Par Jean-François Noulet

A un an du prochain scrutin électoral, quelle utilisation les partis politiques et leurs présidents ou présidentes font-ils des réseaux sociaux ? Utilisent-ils Facebook et Instagram, par exemple, pour y diffuser leur publicité ? Quel budget y consacrent-ils ? Certains partis, certains présidents ou certaines présidentes sont-ils plus présents que d’autres sur ces réseaux ?

Xavier Degraux, consultant en marketing digital et spécialiste des réseaux sociaux, s’est penché sur ces questions et a analysé la stratégie du monde politique belge, en particulier francophone, sur les réseaux sociaux au cours des 90 derniers jours. L’analyse est publiée sur son blog.

En trois mois, ce sont les Engagés qui ont dépensé le plus sur Meta

Ce n’est pas neuf, Facebook et Instagram sont utilisés par les partis politiques et les personnalités politiques pour véhiculer leurs points de vue. Un panel de citoyens s’est d’ailleurs récemment penché sur les dépenses des partis et a émis des recommandations notamment pour plafonner les dépenses sur les réseaux sociaux.

Sur Facebook et Instagram, il est possible d’acheter des espaces publicitaires. Dans cette pratique, ces trois derniers mois, du côté des partis francophones, ce sont les Engagés (ex-cdH) qui ont dépensé le plus en publicités ciblées sur les comptes officiels Facebook et Instagram du mouvement. D’après les données récoltées par Xavier Degraux, le mouvement des Engagés a dépensé 23.900 euros pour un total de 327 publicités différentes. Ces publicités visaient surtout des utilisateurs ayant des centres d’intérêt comme l’écologie, l’environnement, les produits durables et l’éthique.

Sur la deuxième marche du podium, le PTB a consacré 20.300 euros à 48 annonces ciblant davantage les professionnels de la communication, du journalisme et de la publicité, relève Xavier Degraux. En troisième position, Ecolo a dépensé 14.000 euros à 80 publicités en ciblant plutôt des militants intéressés par l’écologie, l’environnement, la santé, la question du genre, le bio ou les vélos électriques.

A côté de cette communication sur les comptes officiels des partis, l’étude s’est aussi penchée sur les comptes des présidents ou présidentes de partis. De ce côté-là, c’est le président du MR, Georges-Louis Bouchez qui, avec 15.500 euros dépensés au cours des trois derniers mois sur ses comptes Meta (Facebook et Instagram), supplante Raoul Hedebouw du PTB (8.250 euros) et Paul Magnette du PS (3.720 euros).

Si l’on cumule les dépenses sur les comptes officiels du parti et celles sur les comptes propres du président ou de la présidente de parti, c’est le PTB qui dépense le plus sur les réseaux sociaux du côté francophone. "C’est clairement le PTB qui ressort, avec plus de 29.000 euros (29.550 euros) dépensés au cours des 90 derniers jours, alors qu’un tout petit montant est dépensé par Défi (1450 euros)", souligne Xavier Degraux.

Dans certains partis, comme le PTB ou le MR, la communication sur les réseaux sociaux est très "incarnée". Elle passe par la personne du président de parti. A l’inverse, d’autres partis tels que Défi ou Ecolo mettent moins leurs présidents en avant.

Pour le moment, seul Meta, la maison de mère de Facebook et Instagram, communique des données chiffrées sur les dépenses en publicités sur ses réseaux. Pour les autres réseaux, comme TikTok ou même pour des applications comme le jeu "Candy Crush" qui véhicule aussi des publicités, les chiffres des dépenses publicitaires ne sont pas communiqués.

Sans commune mesure avec la Flandre

Les dépenses publicitaires des partis politiques et de leurs responsables sur les réseaux sociaux sont sans commune mesure avec les dépenses du même type réalisées par les partis politiques flamands. "Si on additionne les dépenses réalisées par les six principaux partis politiques francophones, on s’aperçoit que cela ne représente que 9,3% de l’ensemble des dépenses publicitaires des 13 principaux partis belges", explique Xavier Degraux. "La Flandre se taille la part du lion avec plus de 90% des dépenses", poursuit-il.

Les sept principaux partis néerlandophones ont ainsi dépensé, en trois mois, 1,053 million d’euros en publicité sur les réseaux sociaux, contre 108.190 euros pour les six principaux partis francophones.

Au nord du pays, ce sont surtout deux partis, la N-VA et le Vlaams Belang qui consacrent d’importants budgets à la publicité sur Facebook et Instagram. A eux deux, ils ont dépensé 642.300 euros, soit un peu plus de la moitié du budget des partis flamands pour ces publicités.

De tous ces partis, la N-VA est le plus gros annonceur sur les réseaux de Meta.

Plus le propos est clivant, plus il gagne en visibilité

L’analyse du consultant s’est aussi penchée sur ce qu’on appelle le "taux d’engagement organique" des partis. En résumé, cet indice de performance mesure l’efficacité des publications sur les réseaux sociaux. Ici, ce sont les "likes", les commentaires et les partages de publications qui sont pris en compte.

Sur Facebook, relève Xavier Degraux, ce sont, dans l’ordre, Les Engagés, Ecolo et le MR qui ont les meilleurs taux d’engagement. Sur Twitter, ce sont DéFI, le PTB et Les Engagés qui sont les plus performants. Sur Instagram, ce sont Ecolo, Les Engagés et DéFI qui sont les plus efficaces.

Le PTB, lui, règne sur TikTok largement devant Défi et le PS. Ecolo a démarré récemment un compte sur la plateforme chinoise, tandis que les partis MR et Les Engagés n’y ont pas de compte.

L’enjeu sur ces plateformes, c’est que les publications deviennent virales et que l’algorithme amène le plus grand nombre d’utilisateurs à la voir. Une façon efficace, "c’est de diffuser des contenus plutôt clivants, plutôt simplistes, pas spécialement dans la nuance", explique Xavier Degraux.

L’algorithme de ces plateformes "favorise les partis qui prennent la parole de manière très visuelle, très provocatrice. Je pense évidemment à la N-VA, au Vlaams Belang et au PTB", relève Xavier Degraux. L’efficacité de ces publications auprès du public aurait aussi tendance à amener les partis en question à faire davantage de publicité sur les réseaux.

Pas de désinvestissement de la plateforme TikTok

Les récents débats autour de la sécurité des données des utilisateurs de TikTok ne semblent pas avoir refroidi l’intérêt des partis politiques pour cette plateforme. Certes, des ministres se sont retirés de TikTok, mais "si on regarde uniquement les partis et leurs président(e) s, la présence sur TikTok est plus forte que jamais".

Beaucoup de présidents de parti ont en effet un compte TikTok. Tous n’ont pas le même nombre d’abonnés. Au PTB, Raoul Hedebouw compte 114.600 "followers". Paul Magnette, au PS, 20.400. Georges-Louis Bouchez, au MR, 10.500. La coprésidente d’Ecolo, Rajae Maouane comptabilise 1721 personnes qui la suivent officiellement et le président de Défi, François De Smet, 645.

Si l’on considère qu’en Belgique, on compte de plus en plus d’utilisateurs de TikTok âgés de 18 à 25 ans, être présent sur cette plateforme semble devenu une nécessité pour le monde politique. Cela lui assure "de la visibilité auprès d’un public qu’on a du mal à toucher sur les autres réseaux sociaux et dans les autres types de communication", estime Xavier Degraux. A condition de maîtriser les codes de la plateforme TikTok. Et pour cela, dans le monde politique, certains sont plus doués que d’autres.

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