Belgique

A qui profitera le projet de réforme fiscale du ministre des Finances ?

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Le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V) a présenté les grandes lignes de son projet de réforme fiscale. Outre des changements du côté des taux de TVA et une augmentation de la taxe sur les comptes titres, le ministre met aussi en avant un gain de 835 euros par an grâce à l’augmentation de la quotité exemptée d’impôt. A qui profitera cette réforme de l’imposition des revenus ?

La quotité exemptée d’impôts passerait de 10.000 à 13.500 euros

En Belgique, la taxation des revenus varie selon des tranches. La première tranche est taxée à 25%, la deuxième à 40%, la troisième à 45% et la quatrième à 50%.

Dans la première tranche, qui va grosso modo de 0 euro à un peu plus de 15.000 euros, une partie du revenu est exonérée, c’est ce qu’on appelle la quotité exemptée d’impôts. C’est cette partie non imposée, qui est aujourd’hui d’environ 10.500 euros que le ministre souhaite augmenter pour la faire passer à 13.500 euros. Au-delà de ce montant, ce sera 25% d’impôt jusqu’à l’entrée dans la deuxième tranche d’imposition. "Vous allez économiser 25% d’impôt sur 3000 euros. On arrive aux fameux 835 euros du ministre", explique Me Sabrina Scarnà, avocate fiscaliste chez Tetra Law. "Donc, on va tous éviter de payer 835 euros par an, qu’on paierait si on laissait tout comme aujourd’hui", poursuit-elle.

Tout bénéfice pour tout le monde ? Pas forcément…

Cette réforme annoncée de la quotité exemptée d’impôts ne profiterait pas à tout le monde de la même manière. C’est en tout cas ce qu’estime l’économiste Philippe Defeyt, ancien secrétaire fédéral d’Ecolo et ancien président du CPAS de Namur. Pour lui, les plus bas revenus ne verraient pas la couleur de cette réforme fiscale. Il donne ainsi l’exemple d’une mère isolée, avec deux enfants et un travail à temps partiel, par exemple un 3/5e temps dans les titres-services et qui gagnerait 1500 euros brut. Actuellement, "elle ne paye pas de précompte", explique Philippe Defeyt. Et donc pour elle, augmenter la quotité exemptée d’impôt ne rapportera rien de plus. "Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, elle ne gagne rien à la réforme fiscale", ajoute Philippe Defeyt.

Les statistiques récentes ne permettent pas de savoir combien de personnes ne seraient ainsi pas concernées par le volet "quotité exemptée d’impôt" de la réforme fiscale proposée par le ministre. 

A partir de quel niveau de salaire pourrait-on prétendre à ces 835 euros d’impôts en moins par an ? "On va prendre le salaire minimum qui est de 2100 euros pour un temps plein", explique Philippe Defeyt. Une telle personne, avec deux enfants, "paye 9 euros de précompte par mois", ajoute-t-il. "Elle gagnera un peu à la réforme, mais beaucoup moins qu’un autre travailleur", ajoute-t-il. Et d’ajouter : "c’est une réforme fiscale pour les classes moyennes" car "la modification de la tranche d’impôt vise des travailleurs qui ont déjà un salaire correct et pas ceux qui ont des petits salaires".

La réforme prévoit aussi que la taxation à 50% des revenus interviendrait plus tard

Le projet de réforme fiscale du ministre des Finances prévoit aussi de retarder le passage dans la quatrième tranche d’imposition, celle où les revenus sont taxés à 50%.

Actuellement, dès 46.000 euros, les revenus sont taxés à 50%. Si la réforme est approuvée, ce sera à partir de 60.000 euros. "Cela veut dire que sur ce différentiel, arrondissons-le à 15.000 euros, on va gagner 5%. Cela fait 750 euros de différence", explique Me Sabrina Scarnà. Celle-ci trouve cependant que le passage dans la tranche imposée à 50% devrait intervenir plus tard. "En France, c’est 100.000 euros plus tard que dans la version corrigée du ministre", argumente-t-elle.

"Surtout, on a des taux de 40% (et 45%) qui sont beaucoup trop élevés trop vite", ajoute l'avocate fiscaliste. "Si on voulait vraiment impacter les plus bas salaires, c’est vraiment les taux des tranches en dessous qu’il faudrait protéger. On est trop vite à 40%. On est à 40% à 15.000 euros. Il y a des gens qui gagnent entre 15.000 et 30.000 euros qui sont déjà à 40 ou 45%", explique Me Scarnà. Si la part des revenus taxée à 30% était plus grande, "c’est clair qu’on aurait mieux impacté les vraiment bas salaires et aussi les moyens salaires", estime Me Scarnà.

L’augmentation de la déductibilité des frais de garde d’enfants : une amélioration

Autre point à mettre dans la balance, celui de la réduction d’impôt pour la garde d’enfant qui passerait à 24,7€, contre 14€ actuellement. "C’est pas mal, parce que 14 euros par jour, ce n’est pas grand-chose quand on compare au coût réel", réagit Sabrina Scarnà. "On commence à se rapprocher du coût que cela représente et donc à avoir un gain net plus important", ajoute-t-elle.

La fin annoncée du quotient conjugal : une perte pour certains contribuables

Le projet de réforme fiscale du ministre des Finances prévoit aussi de faire disparaître progressivement le quotient conjugal. Il permet, par exemple dans les couples où un seul des deux conjoints travaille, d’attribuer une partie des revenus à celui ou celle qui ne travaille pas et donc, de diminuer la charge fiscale sur le ménage.

La réforme du ministre cherche à atteindre plus d’égalité entre les couples et les personnes isolées. C’est dans l’air du temps, mais pour certains couples, cela changera beaucoup de choses. Imaginons dans un couple que 6000 euros du revenu d’un conjoint étaient attribués fiscalement à l’autre conjoint et tombaient dans la quotité exemptée d’impôts. Si cela n’est plus possible à l’avenir, "sur ces 6000 euros, on paiera 50% d’impôt. Donc cela fera 3000 euros de plus", explique Me Sabrina Scarnà.

L’avocate fiscaliste s’inquiète toutefois d’un point de la réforme qui manque encore de précisions. Il concerne les rentes alimentaires qui pourraient ne plus être déductibles. "Si on va vers ça, il y a beaucoup de couples qui seront dans des difficultés terribles au moment d’une séparation et qui n’auront peut-être pas les moyens économiques de se séparer, certainement dans les cas où on sera sur des bas salaires", estime Sabrina Scarnà.

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