Un coefficient utilisé à Bruxelles
Selon le cabinet du ministre de la Fonction Publique de la région de Bruxelles-Capitale, Sven Gatz, cet indice n’est plus utilisé depuis la fin de l’année 2019. "Nous n’utilisons plus la méthode Bradford dans la gestion des ressources humaines des services publics régionaux et Organismes d’Intérêt Public (OIP) bruxellois. En effet, l’utilisation du facteur Bradford est fortement remise en cause par la justice européenne et l’autorité de protection des données", indique Amil Djellal, l’un des porte-parole du ministre.
"L’autorité belge de protection des données ne semble pas encore avoir remis un avis sur ce sujet. Néanmoins, en concertation avec notre Data Protection Officer et l’organisme de contrôle médical externe, la Région de Bruxelles-Capitale a décidé de ne plus prendre en compte les résultats de ce facteur dans sa politique de gestion des ressources humaines."
Pourtant, cet avis n’est pas respecté partout puisqu’un service public bruxellois bien connu l’utilise encore aujourd’hui : la STIB.
Sa porte-parole, Françoise Ledune, confirme l’utilisation du facteur de Bradford depuis une petite dizaine d’années par les ressources humaines de la STIB. "C’est un critère qui est souvent utilisé dans les grandes entreprises car c’est difficile de suivre l’absentéisme de 10.000 travailleurs. Il s’intéresse à la récurrence des absences plutôt qu’à leur durée car de nombreuses petites absences désorganisent davantage l’entreprise que des absences plus longues. Elles sont imprévues et c’est plus compliqué de remplacer le travailleur au pied levé."
Elle ajoute que ce n’est pas le seul indicateur utilisé par l’entreprise. "On se compare à l’indice des absences moyen des entreprises de plus de 1000 personnes, on fait la différence par métier, etc. qui peuvent donner une indication sur les causes de l’absentéisme."
Dérives
Les syndicats de l’entreprise de transport public, quant à eux, pointent du doigt les dérives de l’utilisation du facteur de Bradford et, plus largement, du Plan absentéisme de la STIB.
Selon un représentant des travailleurs au sein du Comité pour la protection et la prévention au travail (CPPT) qui préfère garder l’anonymat, une centaine d’agents de la STIB ont été licenciés en 2021 de manière abusive et discriminatoire, sur base de leur seul état de santé.
Des accusations que Françoise Ledune réfute : "On ne licencie pas sur base de l’indice Bradford. C’est juste un indicateur qui permet de dire : 'là, il y a un souci'. Quand un indice Bradford est très élevé, le supérieur hiérarchique convoque l’agent et va essayer de savoir pourquoi il y a ces absences récurrentes. Ces dernières peuvent parfois être de l’absentéisme gris, c’est-à-dire que l’absence va être une conséquence de quelque chose qui n’a peut-être rien à voir avec l’état de santé de la personne, par exemple une mésentente avec son chef, une situation familiale difficile, etc. On va essayer d’identifier le problème et éventuellement le régler."
Le représentant des travailleurs du CPPT de la STIB propose une autre version de ces entretiens. "Un agent de la STIB qui atteint trois périodes d’incapacité de travail sur les douze derniers mois – un certificat médical d’un jour ou d’un mois comptant pour une période – se voit convoqué pour un premier entretien absentéisme", explique-t-il.
"Lors de cet entretien, des intrusions dans le secret médical sont inévitables, mais il est surtout signalé au travailleur à quel point son 'absentéisme fréquent engendre une désorganisation du travail'. Il est demandé au travailleur de signer un document dans lequel l’agent s’engage à faire des efforts. Cette signature est alors utilisée soit pour mettre la pression pour que l’agent diminue son absentéisme, soit pour justifier un licenciement en prétendant que l’agent était prévenu et qu’il s’était engagé à faire des efforts."