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Adem Zorgane (Charleroi) sur le Gril : "Je quitte Charleroi cet été, je veux jouer la Champions League"

Sur le Gril

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© Adem Zorgane (Charleroi) en mode selfie

Du haut de sa grande carcasse, il règne sur l’entrejeu carolo en multipliant les écrans, les assists et les caviars. Prochain gros transfert sortant du Pays Noir, le colosse de Sétif évoque la CAN, les datas, Islam Slimani, le bling-bling, Damien Marcq, le foot offensif, Barcelone, l’humilité, Edward Still et la Coupe du Monde du Maroc. Mais aussi le VAR, la sale image de Charleroi, Riyad Mahrez, le racisme, Felice Mazzù, le leadership, Courcelles, son père international et YouTube. Et bien sûr… Zinedine Zidane. Adem Zorgane (Charleroi) passe " Sur Le Gril ".

Il s’installe en salle de presse du Stade du Pays de Charleroi, avec le sourire retenu des grands timides : on l’entend rarement à l’interview, une discrétion inversement proportionnelle à son radius sur le terrain. Partout où il est passé, il figure parmi les premiers noms couchés dans leur compo par ses coaches successifs.

"C’est vrai que je suis de nature plutôt réservée, c’est mon caractère et le fruit de mon éducation" pose calmement, et de sa voix douce, Adem Zorgane. "Mon père Malik est un ancien international algérien, je crois qu’il a une vingtaine de sélections (ndlr : en fait, il en a 9). Aujourd’hui encore, sa réputation est plus grande que la mienne (sic) : il faisait partie de l’équipe qui a gagné la CAN en 1990... mais il s’est disputé avec le coach, alors il n’a pas joué la phase finale (clin d’œil). Je ne l’ai jamais vu jouer en vrai, car j’avais trois ans quand il a arrêté. Mais je l’ai vu taper la balle au quartier avec ses potes… et j’aimais trop son style ! (sic) Mes parents m’ont transmis la modestie et le sens du travail, et mon père ne m’a jamais fait de compliment sur mes matches : on a trop vu de parents qui portaient leur fils au pinacle... Après les matches, mon père me dit toujours : ‘Normal, t’a joué normal, continue… " Par contre, sur l’hygiène de vie et la rigueur, il a toujours été derrière moi… et c’est aussi grâce à lui que j’ai percé dans le foot. Même si c’était dur au début : je jouais dans son club formateur, à Sétif, et les gens disaient que j’étais favorisé car j’étais son gamin. Alors, je suis parti dans un autre club : je n’avais que 11 ans… "

" Charleroi ? Je connaissais la ville avant de connaître le club… "
" Charleroi ? Je connaissais la ville avant de connaître le club… " © BELGA

"Charleroi ? Je connaissais la ville avant de connaître le club..."

Arrivé en toute discrétion à Charleroi durant l’été 2021, Adem Zorgane a rapidement fait l’unanimité : il est aujourd’hui coté à 4 millions d’euros sur les sites de transfert… mais les clubs étrangers se pressent pour l’acquérir pour bien plus cher. Avec les années, Charleroi a acquis l’habitude de bien revendre…

"Si je pars cet été ? (Il marque une pause) Je ne vais pas vous mentir, c’est le plan : j’ai toujours rêvé de jouer la Champions League. Petit, je supportais Barcelone comme tout le monde, et aujourd’hui je vise un transfert en France, en Espagne ou en Angleterre. Mais je ne serai jamais celui qui dira qu’il est trop fort pour son équipe ! J’ai de l’ambition, comme tout joueur professionnel… mais si je dois rester encore un an à Charleroi, il n’y aura pas de problème. Je peux encore y progresser et aider l’équipe à grandir. Vous savez, je connaissais le nom Charleroi… avant d’avoir vu le moindre match du Sporting : le meilleur ami de mon père habite ici depuis 25 ans ! J’habitais Gosselies et maintenant je suis à Courcelles : j’ai mes potes, les gens sont charmants ici. On est loin des clichés habituels sur l’insécurité de Charleroi."

" Le vestiaire carolo est plein d’amour "

Auteur de 3 buts (dont le doublé salvateur à Malines voici deux semaines) et 7 assists, Zorgane a déjà, aux deux tiers de la saison, égalé son rendement de l’an passé.

"J’aime trop ce vestiaire ici (sic) : personne ne fait la star ou ne se croit plus important qu’un autre. On est tous pareils, on est comme une famille. Il n'y a pas des clans comme on en voit dans les autres clubs : il n’y a pas les Africains entre eux, les Belges entre eux ou les Français entre eux, on est tous ensemble ! Il y a de l’amour ici (sic) et quand je partirai, je n’oublierai jamais Charleroi ! La Belgique est un très bon championnat, trop souvent sous-estimé : il y a de très bons jeunes, on leur donne du temps de jeu et on joue vers l’avant. Et c’est un très bon tremplin. C’est ce qui m’avait décidé à signer ici !"

" Le vestiaire carolo est plein d’amour "
" Le vestiaire carolo est plein d’amour " © BELGA

"Felice Mazzù nous a libérés"

Avec 3 victoires, 3 partages et deux courtes défaites (0-1 contre Anderlecht et l’Union), Charleroi s’est ressaisi depuis l’arrivée de Felice Mazzù. Et retrouvé un fond de jeu alliant combinaisons et jeu vertical.

"On n’a jamais douté de la qualité de notre groupe. Mais l’arrivée de Felice nous a libérés : il apporte sa grinta et sa volonté de gagner tous les matches… car on sait qu’on est capable de battre tout le monde ! Mais Mazzù nous laisse libre offensivement, sans nous inonder de consignes. Il nous motive avec ses speeches et nous encourage à prendre du plaisir. Mais le constat est là : on perd trop de points à cause d’un manque de constance. On joue de bonnes mi-temps… puis on flanche dans d’autres. Je crois que c’est un problème mental : dès que l’adversaire a une ou deux occasions, on commence à paniquer (sic) et on fait un blocage. On manque de maturité pour garder notre niveau durant 90 minutes : c’était le cas à Bruges, à Gand et contre Anderlecht. Mais le football, c'est ça : il y a des temps forts et des temps faibles, et il faut apprendre à gérer cela. On a des joueurs expérimentés, qui sont des leaders : Damien Marcq, Marco Ilhaimaritra, Joris Kayembe, Jules Van Cleemput et… moi évidemment ! On a de beaux joueurs, très doués techniquement… et parfois, c’est vrai qu’on soigne le jeu, genre tiki-taka (sic). Mais on doit aussi être plus dur et plus agressif sur l’adversaire !"

" Felice Mazzù nous a libérés "
" Felice Mazzù nous a libérés " © BELGA

" L’égoïsme n’est pas en moi… "

Formé comme n°10, Adem Zorgane a reculé dans le jeu pour se fixer aux postes 6 et 8, aux côtés du capitaine Marco Ilhaimaritra.

"Depuis tout jeune, mes entraîneurs me disent que je suis plus mature tactiquement que les autres. Peut-être parce que je regardais beaucoup de matches avec mon père présent pour m’expliquer. J’écoutais tout ce qu’il me disait. (Il réfléchit) Dans mon jeu, je suis aussi très collectif. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours préféré faire une passe à un pote que tenter de marquer moi-même… Je n’ai jamais été trop intéressé par le fait d’inscrire des buts, je préfère les assists… Tous les joueurs du monde, ils veulent marquer des buts, moi pas… (Il fait une pause) Le football mondial est devenu trop statistique (sic) : les clubs regardent les joueurs qui ont des stats. Mais ce n’est pas ma nature profonde : l’égoïsme n’est pas en moi, il n’est inscrit ni dans mon corps, ni dans mon cerveau (sic). Moi, j'essaie toujours de faire le meilleur choix pour l’équipe : c’est ma mentalité, je ne vais pas me changer et devenir un égoïste (sic). C’est un peu mon souci : j’ai toujours été pote avec les joueurs… qui jouaient à ma place ! Et même si je suis sur le banc, je suis leur premier supporter ! Je fais un peu tache dans le foot d’aujourd’hui, non ? (clin d’œil) Mais je me dis toujours que les vrais connaisseurs du football remarqueront ces qualités et que ma chance viendra."

" Comme tout le monde en Algérie, je voulais être Zidane "
" Comme tout le monde en Algérie, je voulais être Zidane " © BELGA

"Comme tout le monde en Algérie, je voulais être Zidane"

Sélectionné 8 fois pour l’Algérie (à une cap de son père !), Adem Zorgane a participé à la CAN 2022… sans gratter la moindre minute. L’avenir est en lui.

"J’étais déçu, forcément, mais j’ai appris à toujours respecter le choix des coaches. (Il marque une pause) Comme tous les Algériens, quand j’étais petit, je voulais être Zinedine Zidane… J’ai regardé au moins mille fois (sic) le match France-Brésil de la Coupe du Monde 2006 sur YouTube : j’imitais ses roulettes avec mes potes… et j’en fais encore parfois aujourd’hui pendant les matches (clin d’œil). Mais chacun doit trouver son style ! Je n’ai jamais rencontré Zidane, des équipiers en Equipe Nationale l’ont croisé et m’en ont parlé : il est très humble et a toujours le mot pour pousser les jeunes. Dommage qu’il n’ait pas porté le maillot des Fennecs ! (NDLA : le surnom de l’équipe d’Algérie). Mais on respecte son choix sportif. Moi aussi, quand je rentre en Algérie pour voir ma famille, je passe par mon club formateur et je dis aux jeunes que s’ils travaillent, ils auront leur chance en Europe. J’essaie de leur donner de la force (sic) et qu’ils suivent leurs rêves. Riyad Mahrez nous dit pareil lors des stages de l’Equipe Nationale : ce n’est pas difficile de jouer à Manchester City, il faut juste s’appliquer et ne jamais lâcher."

" L’égoïsme n’est pas en moi… "
" L’égoïsme n’est pas en moi… " © BELGA

LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers-mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PAPIER 1 : ISLAM SLIMANI (NDLA : l’attaquant algérien qui vient de signer à Anderlecht). " Lui, c’est mon copain ! C’est le meilleur buteur de l’histoire du foot algérien et je suis très heureux qu’il ait signé en Belgique. Je suis allé voir son match contre Saint-Trond… et il a marqué : on s’est vu après la rencontre, c’est un très bon renfort pour Anderlecht. Une très bonne personne aussi, toujours là pour aider les jeunes. Moi, il m’a aidé à rejoindre l’Equipe Nationale car il avait fait mon éloge auprès du Sélectionneur. Avec les journalistes, il parle toujours en bien de moi (clin d’œil). Sur le terrain, tu ne vois pas qu’il a 34 ans : il est toujours très performant. En football, d’ailleurs, il n’y a pas d’âge ! (sic) Le championnat algérien est assez loin des radars, et donc très méconnu : il est très technique, mais il manque d’infrastructures de qualité. Du coup, les joueurs ne progressent pas tactiquement et physiquement. Moi, j’ai été élu 3 saisons de suite meilleur joueur de mon club et ça m’a permis de sortir du pays (sic). La réussite de certains ici en Europe a ouvert des portes. On se fréquente souvent avec Abdelkahar Kadri et Nayel Mehssatou, ainsi que mon équipier carolo Nadhir Benbouali : j’ai invité les deux Courtraisiens lors du ramadan. C’est un mois toujours compliqué… mais tout se passe dans la tête : avec le mental, vous tirez toujours votre plan. L’année passée, j’ai fait quatre matches à jeun… et j’ai couru 11 km de moyenne ! "

 Islam Slimani
Islam Slimani © BELGA

"Edward Still était très centré sur les datas…"

PAPIER 2 : DATAS. (Il fait la moue) " Les datas sont devenues très importantes dans le foot moderne : il y a de plus en plus de coaches qui préfèrent aligner des joueurs en fonction de leurs chiffres de course… Je suis mitigé sur la question car quand tu as le ballon, forcément tu vas moins courir. Tu n’as pas de bonnes datas alors que tu as dominé le match techniquement ! Moi, je ne vais pas rentrer sur un terrain pour faire mes 12 ou 13 km… Si je dois faire 10 km mais que je suis bon pour l'équipe, je le ferai. Mais si le jeu demande de courir plus, je le ferai aussi… Edward Still focalisait beaucoup sur les datas, Mazzù moins. Sur ce point, il nous a un peu libérés… "

PAPIER 3 : ARBITRES.Ici, en Belgique, je trouve les arbitres plutôt bons. Évidemment, quand on joue contre un grand club, on sent que leurs décisions sont… un peu différentes (sic). Mais c’est pareil dans tous les championnats ! C’est un métier très difficile, sans doute le plus difficile en football : les arbitres sont sous pression de tout le monde… Mais ils sont bien aidés aujourd’hui par le VAR, parce que décider en une fraction de seconde reste très compliqué. Même si le VAR qui dure 4 ou 5 minutes, ça peut aussi casser le rythme d’un match : vous êtes dans un temps fort, vous dominez votre adversaire… puis la longue pause permet à celui-ci de se réorganiser et de changer de tactique. C’est parfois un peu chelou (sic)… Mais moi, j’essaie d’être toujours respectueux et poli sur un terrain. (Il réfléchit) Non, je ne me souviens pas à avoir jamais engueulé un arbitre (clin d’œil). En Belgique, ils expliquent aussi leurs décisions : je les trouve plutôt ouverts au dialogue. "

" Je veux que le nom de mon père reste propre… "
" Je veux que le nom de mon père reste propre… " © BELGA

"Je veux que le nom de mon père reste propre…"

PAPIER 4 : RACISME. " Ça, par chance, c’est un fléau que je n’ai jamais subi, vraiment ! Pour cela, la Belgique est un pays magnifique (sic) : les supporters sont derrière vous, ils aiment le football et ils sont là pour leur club. Quand les autres sifflent, c’est parce qu’ils jouent leur rôle… mais jamais parce qu’on est noir, arabe ou autre chose. En tout cas, je ne peux parler que pour mon cas ! Je suis de nature positive : je pars du principe que ceux qui insultent, c’est pour déstabiliser, pas pour de vrais motifs racistes. Ils exploitent peut-être la loi du nombre… mais si vous les croisez hors du stade, dans la rue ou au magasin (sic), ils ne vont jamais le faire. Moi, de toute façon, sur le terrain, je suis dans mon match et je n’entends personne… hormis mes équipiers et les consignes du coach. Mais c’est clair que le sport est aujourd’hui très multiculturel et qu’il peut être un vecteur de tolérance. "

PAPIER 5 : BLING-BLING. Aujourd’hui, le monde du foot est devenu un univers très commercial, l’image est importante. Mais je n’aime pas trop ces joueurs qui exhibent leur argent et leur luxe. Il faut être modeste : si Dieu t'a donné la chance d'avoir de l'argent, c’est pour aider les autres, ceux qui n’en ont pas. (sic) Pas pour exhiber ta richesse. Mais pour certains, ce n’est sans doute pas facile de garder les pieds sur terre : tu peux tout t’offrir du jour au lendemain… C’est une question d’éducation : ma famille m’a donné les bonnes valeurs et je me sens loin de tout ça… Mon père a aussi un nom très connu en Algérie, et je veux que son nom reste propre (sic). "

" Quand je perds, je pleure "
" Quand je perds, je pleure " © BELGA

"Quand je perds, je pleure"

Avec sans doute la perspective de se faire un prénom en Equipe Nationale…

"Je veux devenir un joueur de base des Fennecs, et pour cela, je dois travailler chaque jour, sans relâche. Car je suis convaincu que nous aussi pouvons réaliser un parcours en Coupe du Monde comme le Maroc l’a fait au Qatar. Le Maghreb a de bons joueurs et a la qualité pour aller plus loin. (sic) J’ai faim de victoires. (Il marque une pause) Je suis très mauvais perdant. Quand je perds, je pleure… Enfin, c’est une façon de parler. Quand j’étais petit, je pleurais vraiment après chaque défaite. Avec de vraies larmes. (sic) Aujourd’hui, les larmes ne coulent plus… Mais si je perds, même à l’entraînement, disons que je ne vais pas passer une bonne journée…" (clin d’œil)

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