Accord wallon sur l’aéroport de Liège. Le gouvernement wallon a traversé ce week-end une crise importante. Entre le MR et Ecolo, les divisions étaient profondes et publiques. A la fin, un compromis où chacun dit sortir gagnant. Mais qui sera plus difficile à assumer pour les verts.
Un aéroport open bar ?
En quelques mots, tout l’enjeu était la limitation dans le permis d’environnement (pour les 20 prochaines années) du nombre de mouvements à l’aéroport. L’administration avait fixé la limite à 50.000 mouvements par an (avions de plus de 34T). Aujourd’hui l’aéroport tourne autour de 39.000.
Stupeurs, cris, lobbying et recours de l’aéroport de Liège et des entreprises qui y sont actives et en plein boom. La Wallonie signerait là la mort de l’aéroport. 10.000 emplois seraient menacés, il y aurait déjà des offres d’aéroports flamands concurrents, bref un suicide économique.
Stupeurs, cris et mobilisation de riverains et d’associations environnementales qui considèrent que le développement de l’aéroport doit être stoppé, au nom du climat et de la qualité de vie. Voilà en traits grossiers, les divisions, classiques, entre emplois et environnement.
Conflit
Evidemment, entre libéraux et Ecologistes le conflit a éclaté. De manière assez classique, les Écologistes ont relayé des demandes des riverains et associations environnementales. Tout aussi classique, le MR a relayé les demandes de l’aéroport et des entreprises.
Deux positions antagonistes qui, nous dit-on des deux côtés, ont suscité une crise profonde, une des plus profondes que le gouvernement Di Rupo ait traversée.
Ha oui, Elio di Rupo et les socialistes me direz-vous ? Ils ont joué banquette, assez largement à regarder le duel Ecolo/MR. A première vue, l’écosocialisme de Paul Magnette n’a visiblement pas, ou pas encore percolé jusqu’à l’Elysette ou à Liège. Dans leur majorité les élus liégeois du PS et leurs relais soutenaient l’aéroport et donc la position du MR. Mais il faut noter une évolution notable. Il y a encore 10 ans les élus PS auraient publiquement pris fait et cause pour l’aéroport Liégeois. Le soutient socialiste à l’aéroport était plus discret et plus timoré.
Guère loquace à s’exprimer dans ce dossier épineux, le PTB dans l’opposition a largement défendu le développement de l’aéroport, au nom de l’emploi. Cette attitude explique le vote par le PTB et du PS d’une motion déposée par le MR au conseil communal de Liège fin de l’année passée. La motion soutenait les arguments de l’aéroport et des entreprises actives contre la limitation de l’activité.
Pour être complet, Les Engagés défendaient une position d’équilibre. Résultat, de manière très classique dans ce genre de conflit, Ecolo se retrouvait largement isolé.
Compromis
Au bout du compte, un compromis donc au sein de la majorité PS-MR-Ecolo. Il y aura finalement une limite (un point pour Ecolo), mais de 55.000 vols par an (un point pour le MR). Il y aura aussi une interdiction en 2030 des avions les plus bruyants. Politiquement, le MR se réjouit, Ecolo aussi.
Dans les faits, la position écologiste est beaucoup plus difficile à assumer. Car si l’aéroport et les entreprises sont plutôt satisfaits de l’accord, les riverains et les comités de type "Stop Alibaba", qui remettent en cause le modèle économique de l’aéroport, jugent très sévèrement Ecolo.
Ainsi, Céline Tellier, ministre de l’environnement se retrouve en opposition frontale avec Inter-environnement, dont elle fut la secrétaire générale avant de monter au gouvernement. Dans une chronique publiée le 22 avril dernier Inter-environnement écrivait avec plusieurs associations que seul le déni ou l’ignorance peuvent faire dire que le développement du fret à Liège Airport est compatible avec les engagements pris lors de l’accord de Paris sur le climat au niveau international. Ce projet est également aux antipodes des objectifs que notre gouvernement s’est donné dans sa Déclaration de politique régionale pour la Wallonie 2019-2024.
Cette affaire démontre la difficulté, encore aujourd’hui pour le politique, d’intégrer la contrainte climat face aux enjeux de l’emploi et de l’économie au niveau régional. Même en Wallonie et même à Liège, où on a pourtant été durement frappé par les catastrophes climatiques, on continue à développer un secteur totalement dépendant du pétrole.