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Affaire Michel De Herde à Schaerbeek : ce que révèle l’analyse sur les risques psychosociaux dans l’administration

© Belga

Par Karim Fadoul

Nouvel élément dans l’affaire Michel De Herde, échevin de Schaerbeek inculpé de viol : les conclusions du rapport Cohezio, service externe de prévention au travail, sont tombées. Harcèlement sexuel, moral, violences verbales ou physiques : ce rapport, commandé en juillet dernier par le collège après la plainte pour attentat à la pudeur de l’échevine Sihame Haddioui (Ecolo) contre son collègue Michel De Herde (DéFI) était destiné à analyser les risques psychosociaux au sein de l’administration communale, notamment dans les départements dont l’échevin avait la tutelle (Enseignement et Budget).

Verdict, à l'issue de cette analyse au cours de laquelle 81 membres du personnel (sur 96 questionnaires envoyés) ont été interrogés de manière confidentielle? 

Des propositions déplacées de l'autorité politique

"Il ressort", indique le cabinet de la bourgmestre faisant fonction Cécile Jodogne (DéFI), "dans ses considérations générales, que les problématiques et les enjeux soulevés sont identiques à ceux observés lors de la précédente analyse sur l’ensemble des services communaux et sont par ailleurs similaires aux situations observées dans d’autres communes bruxelloises."

"Cependant", ajoute le cabinet, "au niveau des relations interpersonnelles et particulièrement de la confrontation à des comportements inadaptés, il ressort que 32,10% des répondants considèrent avoir été confrontés directement à des comportements inadéquats. Parallèlement, 13,6% des répondants déclarent avoir constaté de tels types de comportements sans pour autant en avoir été directement la cible. Par ailleurs, quatre répondants indiquent avoir été confrontés à des propos et des comportements déplacés de l’autorité politique sous la forme de gestes "tactiles" et de propositions déplacées." Un membre du personnel signale des gestes ou propositions émanant d'une direction.

Tolérance zéro

De quelle autorité politique parlent les témoignages? Le rapport ne le dit pas. Les noms de Michel De Herde, d'un autre échevin et d'une autre échevine, bourgmestres, actuels ou passés ne sont pas cités.

Cris, menaces, paroles dénigrantes, incitation à la délation, non respect de la législation sur le bien-être, manque de respect et impunité de l'autorité politique et de certains membres des directions: ces comportements sont par ailleurs signalés à 17 reprises dans l'enquête Cohezio. Dans dix cas, il est fait état de népotisme et favoritisme. Dans sept témoignages, il est évoqué des propos et des comportements déplacés de type mise en échec professionnel et racisme de la part de collègues.

"Ce rapport confirme donc une situation très difficile dans ces services, qui est interpellante et qui démontre d’un mal-être parmi les travailleuses et les travailleurs, auquel une réponse forte doit être apportée. Cette réponse sera élaborée en suivant les recommandations énoncées par Cohezio à la fin du rapport, et notamment en adoptant un niveau de tolérance 0 à l’encontre des comportements inadéquats."

Nous avons conscience de la gravité des faits relatés

"Nous avons conscience de la gravité des faits relatés", ajoute Cécile Jodogne. "Des personnes ont souffert et souffrent encore au sein des services. Cette situation dure sans doute depuis longtemps et on s’inquiète du fait que rien ne soit ressorti de l’enquête générale, auprès de l’ensemble de l’administration, ni que les systèmes d’alertes mis en place pour veiller au bien-être du personnel n’aient fonctionné. Nous allons maintenant faire nôtres ces recommandations afin de pouvoir apporter des solutions concrètes aux travailleuses et travailleurs de la commune.

Un groupe de travail sera donc mis en place au sein de l'administration en vue de l'implémentation des recommandations de Cohézio. Lesquelles? Définir des modes de réactions s’ils ne sont pas encore déterminés, lors de signalements. Ou encore communiquer aux agents la position des autorités concernant ce type de comportement. Il est aussi question de "montrer l’exemple du haut au bas de la ligne hiérarchique" mais aussi "sensibiliser et former les responsables hiérarchiques à la prévention et à la gestion des risques psychosociaux".

Le rapport sera également transmis au parquet de Bruxelles.

L'invitée: Cécile Jodogne, bourgmestre Défi de Schaerbeek

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Pour rappel, Michel De Herde, échevin depuis près de 30 ans à Schaerbeek, avait une première fois été inculpé en novembre d’atteinte à l’intégrité sexuelle de majeure (au singulier) et atteinte à l’intégrité sexuelle de majeures (au pluriel) par personne ayant autorité. Il faisait alors l’objet de deux plaintes, une pour viol déposée en septembre 2022 précédée, en mai, par celle de sa collègue échevine Ecolo Sihame Haddioui.

Celle-ci l’accusait de propos sexistes répétés et de lui avoir mis la main dans l’entrejambe lors d’une séance du conseil communal en octobre 2021. Des accusations rejetées avec la plus grande fermeté par Michel De Herde, évoquant déjà une cabale politique lors d'interviews.

Depuis, des témoignages parlant des gestes déplacés de la part de l’échevin ont été versés au dossier. Selon nos informations, la majorité proviennent de membres d’Ecolo Schaerbeek ou proches de mandataires Ecolo de la commune. Deux des personnes concernées ont été invitées ces jours-ci par la police fédérale à une confrontation avec Michel De Herde. Une confrontation avec Sihame Haddioui a également eu lieu.

La justice traite également une plainte pour viol remontant aux années nonante, lorsque Michel De Herde était en charge de la Prévention, ainsi qu’un témoignage émanant d’un homme, proche de la première plaignante pour viol. Celle-ci a refusé toute confrontation avec l'échevin désormais sans attributions.

Une entreprise de démolition

Après saisie de l’ordinateur de l’échevin, au cours d’une perquisition, les enquêteurs y auraient retrouvé du matériel pédopornographique. A aucun moment, le parquet n’a communiqué sur la quantité de matériel retrouvé.

De son côté, le 17 février dernier, Michel De Herde a diffusé une vidéo sur Facebook dans laquelle il déclare être convaincu d'avoir "affaire à une entreprise de démolition". "Ce n’est pas parce que je parle peu que je me sens coupable. Je démens les accusations portées contre moi", avait-il également dit ajoutant : "Je voudrais vous inviter à ne pas croire ce qu’écrivent certaines personnes. Elles soutiennent et défendent une version et elles ne connaissent rien, ou ne veulent rien connaître, de l’autre version. Un jour, la vérité judiciaire sera connue.

Michel De Herde avait également porté plainte contre X pour harcèlement suite à une campagne d’affichage contre sa personne dans les rues de Schaerbeek. Une plainte contre X même si l’échevin, aujourd’hui suspendu par son parti DéFI, ciblait explicitement le collectif féministe Les Sous-entendues, proche de Sihame Haddioui et de plusieurs plaignantes.

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