Médias

Affaire Sanda Dia : en taisant le nom des coupables, les médias ont-ils commis une faute ?

Le débat

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Par L.R. sur base de la séquence de Déclic via

Dans le débat de ce mardi, Déclic revient sur l’affaire Sanda Dia, ce jeune étudiant de la KU Leuven décédé lors de son baptême en 2018 au sein du Cercle Reuzegom. La semaine dernière, la cour d’appel d’Anvers a condamné les 18 prévenus à des travaux d’intérêt général et à 400 € d’amende. Une décision très commentée et qui a fait l’objet d’une manifestation ce week-end. Les critiques s’adressent notamment aux juges, mais aussi aux médias, qui auraient trop protégé les coupables en choisissant de ne pas dévoiler leur identité. Alors, faute journalistique ou pas ?

Marc De Haan président du Conseil de déontologie journalistique, souligne qu’il faut prendre en compte plusieurs paramètres avant d’identifier quelqu’un dans la presse. A priori, on ne peut le faire que lorsqu’on a le consentement de la personne. "Ou quand une autorité, comme une autorité judiciaire, communique le nom", détaille-t-il.

A cela s’ajoute le critère de l’intérêt général : "Il faut démontrer que c’est utile à l’intérêt général de révéler ce nom, que ça va apporter quelque chose. Alors, qu’est-ce que c’est l’intérêt général ? Et c’est là toute la difficulté : il faut démontrer qu’on est sur une question de société majeure."

Dans ce cas, la presse a dit vouloir protéger l’âge et la réinsertion des coupables. Certains médias flamands ont évoqué le caractère non volontaire de l’homicide ou le fait que le racisme ne faisait pas l’objet du procès.

Pourtant, Jacques Englebert, avocat spécialiste du droit des médias, trouve "incompréhensible" que la presse n’ait pas révélé leurs noms. Et s’il entend bien le motif de la réinsertion, il estime que ce critère devrait alors être appliqué pour d’autres types de condamnations. "Je comprends que dans l’opinion publique, il y ait un malaise et qu’on se dit qu’on apporte de l’eau au moulin à ceux qui se disent il y a une justice de classe", clame-t-il.

A cela s’ajoute également le fait que certains de ces coupables ont pu continuer leurs études à l’étranger, selon l’avocat et professeur à l’ULB. "Il faut quand même se rappeler l’ignominie des faits. Ces jeunes ont continué leurs études à l’étranger et maintenant disent 'on voudrait bien pouvoir se réinsérer'. Je trouve que dans une société, il n’est pas anormal que le public soit informé complètement avec l’identité. Je ne vois pas en quoi cela pose un problème."

© AFP or licensors

Pour sa part, nuance Marc De Haan, tout réside dans la justification. C’est-à-dire qu’on peut décider de donner ou non le nom des coupables, mais il faut garder une cohérence. "Si vous suivez un peu la presse, vous remarquerez qu’en Flandre il y a énormément d’incohérence par rapport à cette ligne-là. Alors, c’est un jugement d’opportunité avec des éléments de contexte."

Si on peut dès lors comprendre que taire le nom des coupables suive une certaine logique, "c’est une incohérence par rapport à la révélation d’identité de personnes qui ont été reconnues coupables de faits moins graves que ça et qu’on va donner, dont on va néanmoins communiquer", ajoute le président du Conseil de déontologie.

Le comportement de la justice en cause

En revanche, note Jacques Englebert, la presse aurait pu s’intéresser au fait que ce seul décès était celui d’un garçon d’origine étrangère et d’un niveau social qui n’était pas le même que celui des autres étudiants.

Pour finir, il pointe un autre aspect lui qu’il juge interpellant, à savoir, la manière de la justice de procéder dans le cadre de cette affaire. Tout d’abord, "Ce n’est pas tous les jours que le juge condamne à des peines moins élevées que ce qui était requis. Le parquet requérait de 18 à 50 mois de prison. Une chose pareille n’arrive jamais en correctionnelle, par exemple en matière de stupéfiants", souligne-t-il.

Ensuite, "il arrive encore moins souvent que le Collège des Cours et Tribunaux s’exprime par voie de communiqué de presse.De quoi donner matière à réflexion pour traiter ce genre de dossier dans les médias.

Entre-temps, l’affaire continue de susciter la polémique et, parfois, de la violence. Ce mardi, l’un des avocats des membres du cercle Reuzegom poursuivis dans le cadre de l’affaire, a reçu une lettre de menace.

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