Football

Affaire Vinicius vue d’Espagne : les grands clubs ont-ils vraiment envie de faire avancer les choses ?

L’impuissance de Vinicius face aux cris racistes

© AFP or licensors

Par Lise Burion

La nouvelle affaire Vinicius Jr va-t-elle (enfin) faire bouger les lignes en Espagne ? Les réseaux sociaux ont chauffé ce dimanche soir après le match Valence-Real Madrid à Mestalla, nouveau théâtre d’insultes racistes en direction du Brésilien (finalement exclu). Entre messages de soutien venant de plusieurs (anciens) joueurs et échange entre Vini Jr lui-même et le président de la Liga Javier Tebas par tweets interposés, on pourrait croire que le dossier "racisme" va avancer en Espagne. Mais cela n’est pas sûr, loin de là. Ainsi par exemple, comme nous l’explique notre consultante Liga Tracy Rodrigo, l’affaire fait parler mais… pas trop : "A Barcelone, c’est Messi qui fait la Une des quotidiens sportifs et à Madrid, Marca et As mettent en avant la victoire du Real… en Euroligue de basket. Mais on en parle tout de même, bien entendu, à l’image de Xavi, le coach du Barça, qui a été très cash en conférence de presse ce lundi en estimant clairement qu’il fallait arrêter les matches quand ces insultes font surface."

Le coach catalan n’est pas le seul à demander cette sanction. Mais jusqu’ici, le seul exemple de match arrêté en Espagne vient de la deuxième division, quand une rencontre opposant le Rayo Vallecano et Albacete avait été stoppée à la mi-temps parce qu’un joueur avait été traité de nazi. "Mais pour insulte raciste, cela n’est jamais arrivé", précise Tracy Rodrigo, qui craint que cette nouvelle affaire ne soit encore une fois noyée dans les guéguerres entre instances ou entre clubs. "Tout le monde se renvoie la balle. Le président de la Fédération, Luis Rubiales, a bien admis qu’il y avait un problème de racisme dans le football espagnol mais Javier Tebas, le président de la Liga, est lui un peu plus mesuré et estime avoir déjà fait ce qu’il fallait. Tout cela ne fait pas beaucoup avancer les choses." 

Immobilisme et "clubisme"

Un immobilisme que beaucoup fustigent, sans réelle solution, même si cette fois le club de Valence a annoncé avoir identifié et exclu à vie l’un des auteurs des insultes envers Vinicius. De quoi faire avancer ? "C’est une décision qui n’est pas si courante que cela en Espagne. Souvent, on exclut pour 6 mois ou 3 ans, des sanctions minimes qui n’empêchent pas ce genre d’acte de se reproduire… Et puis il y a aussi un certain flou artistique sur la question du "qui doit prendre les sanctions". Les clubs peuvent mener des enquêtes, mais est-ce que la justice ordinaire ne pourrait pas, elle aussi, prendre des sanctions ? Toutes ces questions sont ouvertes."

Autre problème très présent en Espagne, un sentiment de "clubisme" : certains préfèrent ne pas soutenir Vinicius pour la simple raison qu’il évolue dans un club rival. "C’est pour ça que c’est très bien que certains joueurs prennent parti en faveur du Brésilien après cette nouvelle affaire, comme Mouctar Diakhaby le joueur de Valence. Mais jusqu’ici, certains ont l’impression que même le Real lui-même n’a pas fait grand-chose pour aider son joueur. En début de saison, le club a mis très longtemps à sortir un communiqué pour le soutenir. Ici Carlo Ancelotti a été plus ferme mais il y a quelques mois il était plus modéré, plus en retrait. Donc on a l’impression que le club lui-même a mis du temps avant de prendre les choses en mains, alors que c’est son joueur qui est concerné. Preuve que tout cela avance vraiment très très doucement."

Les sanctions, seul levier à activer ?

Voilà donc où se trouve l’Espagne : à un carrefour autour, sans doute, de la question des sanctions : "Les sanctions sportives, c’est une solution. Avec une gradation. Et si on enlève des points aux clubs, cela fera peut-être réfléchir les supporters. C’est malheureux d’en arriver là, parce que c’est avant tout une question d’éducation, plus que de football… C’est triste de devoir brandir une menace pour que les gens s’arrêtent… Mais si c’est la seule chose qui fonctionne, il va falloir prendre des décisions", ajoute Tracy Rodrigo. "On attend de voir si ça va évoluer. Cela pourrait changer parce que ça touche le Real Madrid, et que si les grands clubs veulent faire bouger les choses, on se dit que ça pourrait peut-être avancer. Mais en ont-ils vraiment l’envie ? Vont-ils mettre les guéguerres de côté, entre eux mais aussi avec la Fédération et la Liga, s’asseoir réellement et discuter des solutions ? Beaucoup de gens en doutent. Dans le foot espagnol, les petites affaires de pouvoir prennent toujours le pas sur ce genre de choses…"

Et avec une saison qui s’achève très bientôt, le temps presse, sous peine de partir en vacances en enfouissant le problème du racisme sous un château (de sable) en Espagne.

Affaire Vinicius vue d'Espagne : l'avis de Tracy Rodrigo

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