Afghanistan: après le retrait américain, quel avenir pour l’aéroport de Kaboul ?

Des combattants des forces spéciales taliban Badri montent la garde à côté d'un avion de l'armée de l'air afghane à l'aéroport de Kaboul le 31 août 2021

© WAKIL KOHSAR / AFP

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Par Jean-François Herbecq avec AFP

En Afghanistan, une page est tournée. Les talibans paradent dans l’aéroport de Kaboul. Ils contrôlaient déjà la majeure du pays. C’est la fin de la plus longue guerre jamais menée par les Etats-Unis à l’étranger. Cette nuit, les tout derniers soldats américains ont quitté l’aéroport, avec 24 heures d’avance sur le calendrier initial fixé par le président Joe Biden. Que va-t-il se passer à présent ?

Ce mardi, à l’aéroport Hamid Karzai, plus rien ne bouge. Il n’est plus en état de fonctionner, une partie est détruite: le terminal passagers saccagé après la confusion de ces deux dernières semaines, la tour de contrôle à remplacer et les pistes en mauvais état, mais encore utilisables.
 

Des membres de l'unité militaire Taliban Badri 313 à l'aéroport de Kaboul

Pour les Américains, l’aéroport est rendu aux Afghans. En pratique, ce sont les talibans qui vont assurer sa sécurité. Les miliciens islamistes ont enfilé les tenues de combat abandonnées par les militaires américains dans les installations. Ce sont les forces spéciales talibanes, appelées "Badri 313", chaussures et gilets beiges immaculés sur leur tenue de camouflage, qui montent la garde sur le tarmac.

Un aéroport non sécurisé

Premier défi, c’est la sécurisation, car l’aéroport est une cible pour le groupe terroriste Etat islamique, au sol et dans les airs.

Les Américains ont bien sûr démantelé leur système de défense antimissiles C-RAM, comme ils l’ont fait avec leurs blindés, hélicoptères et avions abandonnés sur place à l’aéroport.

Un avion d'attaque A-29 de l'armée de l'air afghane dans un hangar à l'aéroport de Kaboul

Quelque 73 appareils ont été "démilitarisés", c’est-à-dire mis hors d’usage, selon le chef du commandement central de l’armée américaine, le général Kenneth McKenzie.

Pneus crevés, cockpits brisés. "Ces appareils ne voleront plus jamais", a-t-il expliqué. "Ils ne pourront être utilisés par personne".

Un véhicule résistant aux mines (MRAP) à l'aéroport de Kaboul

Septante véhicules blindés MRAP résistant aux mines, d’un coût d’un million de dollars pièce, et 27 véhicules légers Humvee ont également été mis hors d’usage par l’armée américaine au terme du pont aérien mis en place pendant deux semaines, et qui a permis d’évacuer quelque 123.000 personnes du pays, en grande majorité des Afghans. Par contre, ailleurs dans le pays, les milices talibanes ont pu mettre la main sur pas mal de matériel militaire moderne.

La Turquie s’est proposé d’assurer la sécurité des installations mais les talibans n’en veulent pas. Ils répètent qu’ils n’accepteraient aucun militaire étranger après le 31 août. Le Qatar aussi tente de persuader les talibans d’accepter une protection étrangère. Sans résultat jusqu’à présent. 

Et sans présence sécuritaire étrangère, peu de compagnies aériennes se risqueront à Kaboul.

Pas de personnel ni de moyens pour faire tourner les avions

L’autre question est de savoir si les talibans ont les moyens, l’expertise de faire fonctionner l’aéroport ?

Là aussi, la réponse est négative : manque de personnel qualifié pour le contrôle du trafic aérien, pénurie de carburant et communications déficientes rendront impossible l’exploitation de l’aéroport. Jusqu’ici, l’Otan a fait tourner les installations avec son personnel civil.

Outre la fuite des cerveaux, l’Afghanistan des talibans va aussi devoir faire face à des caisses de l’Etat vides, ou plutôt vidées. Beaucoup de membres du régime précédent ont en effet pris la fuite en emportant de l’argent. Sept des 9 milliards de dollars des réserves de la Banque centrale afghane sont aux Etats-Unis, hors de portée du pouvoir taliban.

Dans ces conditions, le redémarrage rapide d’un aéroport international semble difficile.

La Turquie proposait aussi son aide au niveau technique, mais vu le rejet de son assistance militaire, l’idée semble abandonnée.

Comment quitter l’Afghanistan ?

Et donc pour l’instant, plus aucun avion ne se pose à l’aéroport de Kaboul.

Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, juge pourtant "essentiel" de garder ouvert l’aéroport de Kaboul et a promis de ne pas oublier ceux qui cherchent à fuir le régime taliban en Afghanistan après le départ des derniers soldats américains. Les talibans aussi ont promis de laisser partir ceux qui le souhaitent.

De 100 à 250 ressortissants américains sont encore présents en Afghanistan, de même que plusieurs centaines de Britanniques, souvent des familles mixtes avec des personnes dépourvues de documents. Ce lundi, 125 Belges ou personnes sous protection belge qui se trouvent encore en Afghanistan étaient recensés sur la liste des personnes souhaitant être évacuées.

Il y a aussi de nombreux Afghans qui souhaitent partir… Parce qu’ils ont travaillé pour l’ex-gouvernement ou les forces étrangères et craignent des représailles. Parce qu’ils veulent fuir une situation économique catastrophique. Parce qu’ils n’imaginent pas vivre sous la loi islamique la plus rigoriste.

Même si l’aéroport reprend vite du service, il n’est pas sûr que ceux-là tenteront d’y passer pour quitter le pays…

JT du 31/08/2021 - Afghanistan : La fin de vingt ans de présence américaine

Afghanistan : la fin de vingt ans de présence américaine

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