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Afghanistan : la persécution des femmes et des filles doit être reconnue comme un crime contre l’humanité selon Amnesty et de nombreux juristes

Afghanistan : la persécution des femmes et des filles doit être reconnue comme un crime contre l’humanité selon Amnesty et de nombreux juristes - RTBF

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La dégradation des conditions de vie des femmes et des filles en Afghanistan n’a de cesse d’être dénoncée depuis l’arrivée en août 2021 des talibans au pouvoir dans ce pays et cela notamment par de nombreux pays, et les États-Unis, l’Europe, les Nations Unies, et des ONG.

L’ONG Amnesty International et la Commission internationale des juristes publient aujourd’hui un rapport sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan et plus particulièrement sur le traitement infligé par les talibans à celles-ci. Le rapport est intitulé The Taliban’s war on women : The crime against humanity of gender persecution in Afghanistan (La guerre des talibans contre les femmes : Le crime contre lhumanité que constitue la persécution des femmes en Afghanistan) et a été rédigé sur base d’un nombre croissant d’éléments de preuves recueillis entre le mois d’août 2021 et le mois de janvier dernier.

Inclure le crime contre l’humanité de persécution sexiste dans l’enquête de la CPI

Rappelons qu’une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) est déjà en cours sur la situation en Afghanistan. Les deux organisations estiment que "les procureur·e·s de la CPI doivent inclure le crime contre l’humanité de persécution sexiste dans leur enquête en cours sur la situation en Afghanistan."

Nathalie Godard, directrice de l’action pour Amnesty International précise "qu’à partir du moment où on définit la situation que vivent les femmes en Afghanistan comme un crime contre l’humanité, on rentre dans la catégorie des crimes internationaux. Et donc, des crimes qui regardent la justice internationale et la communauté internationale." Cela pourrait permettre de procéder à un plus grand nombre de procédures judiciaires afin que les femmes afghanes obtiennent justice.

Et de rappeler que les États peuvent aussi agir de leur côté en exerçant "leur compétence universelle ou de recourir à d’autres moyens légaux pour traduire en justice les membres des talibans soupçonnés d’être responsables de crimes relevant du droit international."

Des libertés restreintes

Le rapport de ces deux organisations détaille sous forme d’une analyse juridique les restrictions imposées par les talibans aux droits des femmes et des jeunes filles dans ce pays. Les témoignages relèvent que les femmes subissent des obstacles majeurs dans leur liberté de mouvement : "Aucune femme ne peut se déplacer à plus de 72 km de chez elle, prendre un avion, traverser une frontière sans l’accompagnement d’un homme. Elles ont aussi l’obligation de couvrir le visage en public et la recommandation de ne quitter leur domicile que si cela est absolument nécessaire."

Ajoutons que le droit à l’éducation des filles dans ce pays est réduit à l’école primaire.

La possibilité de travailler est également réduite, "c’est une discrimination largement basée sur le genre", précise Nathalie Godard. Les femmes ne peuvent plus travailler dans les ONG, ni pour les Nations Unies. Elles ont été écartées des rôles politiques et de la plupart des emplois de la fonction publique. Sans oublier la réduction de leur liberté d’expression ou de manifester. "Elles sont pratiquement bannies de la vie publique", insiste la directrice de l’action pour Amnesty International.

"Ces restrictions s’accompagnent d’une répression féroce contre les femmes qui sont très nombreuses à être arrêtées pour ce qu’ils (les talibans) qualifient de délits moraux." Cela concerne, par exemple, les femmes sorties sans un homme, celles qui manifestent et certaines sont victimes de disparitions forcées.

"Ces femmes, qu’elles soient arrêtées pour des délits moraux ou pour des manifestations, sont emprisonnées dans des conditions extrêmement difficiles. Elles sont parfois victimes de tortures, victimes d’aveux forcés en détention." Face à ces nombreuses situations rapportées, Nathalie Godard estime que l’on peut effectivement parler "d’une guerre contre les femmes et d’une campagne de persécution sexiste qu’elles subissent au quotidien."

De son côté, Santiago A. Canton, secrétaire général de la Commission internationale de juristes a déclaré que "la campagne de persécution à motivation sexiste menée par les talibans est si étendue, si grave et si systématique que pris ensemble, ces actes et politiques constituent un système répressif visant à assujettir et à marginaliser les femmes et les filles dans tout le pays. Notre rapport indique que ces agissements remplissent les cinq critères relatifs au crime contre l’humanité qu’est la persécution fondée sur le genre."

Des réfugiées avec un statut de protection internationale

En raison des risques de persécution qu’encourent les femmes et les filles en Afghanistan, les deux organisations demandent également qu’elles puissent obtenir ce qu’on appelle la reconnaissance prima facie du statut de réfugié. Autrement dit, obtenir le statut automatiquement, sur le simple fait d’être une femme afghane, sans avoir besoin de passer un examen individuel précis et une instruction longue et complexe de la demande d’asile. "Ce qu’on demande c’est que les femmes et les filles afghanes puissent obtenir cette protection à partir du moment où elles la demandent dans un pays où elles souhaitent se rendre."

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