Hadja Lahbib s’est également confiée au journal Le Vif sur la situation actuelle et l’avenir des femmes sous les talibans. Des propos recueillis par Charly Pohu.
Peu optimiste, Hadja craint que les femmes journalistes afghanes ne puissent plus exercer leur métier : "Non je ne pense pas qu’elles pourront continuer, ça va être très compliqué. Et en même temps, je dirais que la meilleure réponse c’est de continuer à travailler. Mais à quel prix ? Il y a toujours une balance, il n’y a pas de réponse simple." Tiraillée entre sa compréhension face à la fuite, la peur, et l’importance de continuer à se battre, Hadja demande qu’on les aide pour éviter le pire :
C’est capital de les aider à poursuivre leur travail. Il y a la nécessité de continuer à témoigner, de ne pas laisser ce pays formidable et cette population plongée dans le noir sans communication possible, sans témoin, sans relais, sans personne qui puisse alerter la communauté internationale de ce qui se passe. Ce serait dramatique.
Pourtant, ce pays était en proie à une belle évolution :
Il y avait un vrai mouvement de prise de conscience, de volonté de se faire entendre de la part des femmes afghanes. Le parlement afghan était un des plus féminins au monde avec 27% de représentation de femmes. Mais il y a eu des attentats ciblés qui visaient ces femmes après. Il y en a toujours eu, j’ai suivi les dépêches ces derniers temps. Ça n’a jamais cessé, et ça n’a fait qu’empirer.
Une évolution qui a pris du temps, qui fut difficile, mais qui était bel et bien présente : "L’Afghanistan reste un pays qui est en queue de peloton en matière d’égalité des genres, et des libertés et droits humains. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu un travail et une volonté politique."
Finalement, Hadja garde un doux souvenir des moments passés sur place, des personnes qui y vivent, qu’on oublie facilement derrière l’actualité et les enjeux politiques. L’Afghanistan, ce sont les Afghans avant tout, ce sont ces enfants, ces vieillards, ces femmes et ces hommes qui essayent tant bien que mal de vivre :
Personnellement je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces femmes et ces hommes, de pensées et d’ethnies diverses, rencontrés au cours de mes périples à travers l’Afghanistan depuis 2001, avec dans leurs yeux, qu’ils avaient souvent beaux et lumineux, une envie de vivre, de rire, d’aimer, d’avoir des enfants et de les voir grandir. Une envie de vivre heureux sur terre, comme vous et moi.