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Afghanistan : les Américains ont quitté Kaboul, les talibans paradent dans l'aéroport

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Les talibans, nouveaux maîtres de l'Afghanistan, ont marché triomphalement mardi matin dans l'aéroport de Kaboul après le départ des derniers soldats américains, accompagnés de leurs hommes en tenue des forces spéciales et brandissant leur drapeau.

Le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, a mené un groupe de responsables sur le tarmac, son expression généralement impassible remplacée cette fois-ci par un large sourire.

Les forces spéciales talibanes, appelées "Badri 313", chaussures et gilets beiges immaculés sur leur tenue de camouflage, posent pour des photos, lèvent des fusils américains et agitent leur drapeau blanc sur lequel est inscrit en noir le début de la chahada.

Longtemps considéré comme l'un des endroits les plus sûrs du pays, l'aéroport civil de Kaboul, a été saccagé. Des cartouches vides jonchent le sol près de toutes les entrées.

L’armée américaine s’est totalement retirée d’Afghanistan dans la nuit de lundi à mardi, un départ salué par des tirs victorieux à Kaboul et des critiques véhémentes à Washington, qui met fin à vingt ans de guerre contre les talibans, l’ennemi désormais maître du pays.

Accompagnant ce moment historique, douloureux pour le président Joe Biden, des coups de feu victorieux ont éclaté à Kaboul, les talibans célébrant leur prise de contrôle de l’aéroport de la capitale afghane.

Nous avons écrit l’Histoire

"Nous avons écrit l’Histoire", s’est félicité Anas Haqqani, un responsable du mouvement fondamentaliste, une fois parties les dernières forces américaines après deux semaines d’opérations d’évacuations précipitées, voire chaotiques.

"Le dernier avion (de transport militaire) C-17 a décollé de l’aéroport de Kaboul le 30 août" à 19H29 GMT, juste avant minuit à Kaboul, a déclaré à Washington le général Kenneth McKenzie, qui dirige le commandement central américain dont dépend l’Afghanistan.

Femme afghane dans les rues de Kaboul, le 30 août 2021

Le retrait militaire américain s’est donc achevé 24 heures avant la fin de la journée du 31 août, date butoir fixée par le président Biden. Le président s’adressera mardi à ses concitoyens, nombreux à se demander à quoi auront finalement servi ces deux décennies d’engagement en Afghanistan.

Le Pentagone a reconnu lundi n’avoir pas pu faire sortir d’Afghanistan autant de personnes que voulu.


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Abandon d'Américains ?

De vives critiques de l’opposition républicaine ont suivi l’annonce de cet échec.

Le président a abandonné "des Américains à la merci de terroristes", a ainsi déclaré le chef des républicains à la Chambre des représentants Kevin McCarthy.


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Washington continuera à "aider" tous les Américains qui veulent quitter l’Afghanistan, a assuré lundi soir le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken. Les Etats-Unis "travailleront" avec les talibans s’ils tiennent leurs engagements, a-t-il ajouté. "Les talibans veulent la légitimité et le soutien internationaux. Notre message est que la légitimité et le soutien doivent se mériter", a-t-il encore dit.

La légitimité et le soutien doivent se mériter

De 100 à 200 Américains seraient encore en Afghanistan, selon Anthony Blinken, qui a annoncé un transfert à Doha, au Qatar, des activités diplomatiques et consulaires de l’ambassade des Etats-Unis à Kaboul.

L’armée américaine a par ailleurs indiqué avoir détruit des aéronefs, des véhicules blindés et un système de défense anti-missiles avant de quitter l’aéroport de Kaboul.


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Pont aérien géant

Depuis le 14 août, sur une période de 18 jours, les avions des Etats-Unis et de leurs alliés ont évacué par un gigantesque pont aérien plus de 123.000 civils de l’aéroport international Hamid Karzai, selon le Pentagone.

Ces opérations risquées ont été endeuillées le 26 août par un attentat-suicide, revendiqué par l’Etat islamique au Khorasan (EI-K), qui a fait plus d’une centaine de morts, dont les 13 militaires américains.

Jeune vendeur de ballons à Kaboul, le 30 août 2021

L’urgence dans laquelle s’est opéré le retrait américain -ainsi que le rapatriement des diplomates et des ressortissants de nombreux pays- s’explique par le fait que les talibans ont pris de court l’Occident dans une offensive éclair pour reprendre possession de l’Afghanistan.

Le gouvernement central et l’armée régulière de ce pays, instable depuis des décennies, se sont effondrés en une dizaine de jours. Kaboul est tombée le 15 août. Washington a admis ne pas avoir anticipé cette débâcle.


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Sujet dans notre JT de 19h30 de ce lundi 30 août :

Octobre 2001 / août 2021

Les forces américaines étaient entrées en Afghanistan le 7 octobre 2001 pour chasser du pouvoir les talibans, en raison de leur refus de livrer le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, après les attentats du 11 septembre. Même si l’objectif de supprimer Ben Laden a été réalisé le 2 mai 2011, elles sont restées, notamment pour former une armée afghane finalement mise en déroute.


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Mi-août, la victoire des talibans et la fuite du pays du président Ashraf Ghani avaient provoqué la panique à Kaboul. Des milliers d’Afghans avaient envahi le tarmac de l’aéroport de Kaboul pour fuir, certains s’agrippant follement à des avions militaires en train de décoller, pour tomber dans le vide quelques minutes plus tard.

Le retour des islamistes au pouvoir a obligé les Occidentaux à évacuer aussi les Afghans susceptibles de subir des représailles, notamment pour avoir travaillé pour les forces étrangères.

L’armée américaine, qui a dit avoir déjoué dimanche un attentat à la voiture piégée et contré lundi des tirs de roquettes sur l’aéroport de Kaboul, est restée très discrète sur la fin du retrait, par souci de sécurité. Le dernier appareil américain a décollé en pleine nuit, loin des caméras.


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Le président Biden avait dû, pour ces évacuations, renvoyer des milliers de soldats dans la capitale afghane.

Il a continué à justifier sa décision de retirer les troupes américaines par son refus de faire perdurer plus longtemps cette guerre.

Des coups de feu ont célébré le départ des Américains à l'aéroport de Kaboul
Le secrétaire d'Etat amricain Antony Blinken fait son entrée pour un discours après des discussions sur la situation en Afghanistan au Département d’Etat, à Washington, le 30 août 2021

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