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Afghanistan : les talibans ont pris le palais présidentiel de Kaboul, "ils ont gagné" reconnaît Ashraf Ghani

Le président Ghani le 4 août à Kaboul, hélicoptère américain à Kaboul ce 15 août et frontière de la "zone verte"

© AFP/BELGA

Des dizaines de combattants talibans ont pris le palais présidentiel à Kaboul, clamant leur victoire sur le gouvernement afghan, selon des images télévisées. "Notre pays a été libéré et les moudjahidine sont victorieux en Afghanistan", a déclaré du palais un insurgé à la chaîne de télévision Al Jazeera. Les combattants se sont emparés du bâtiment après la fuite à l'étranger du président Ashraf Ghani, qui a reconnu que les talibans avaient "gagné" .

Notre pays a été libéré et les moudjahidine sont victorieux en Afghanistan

Ce déclaré a déclaré dimanche avoir fui son pays pour éviter un "bain de sang".

Hélicoptère américain vole au dessus de l'ambassade américaine de Kaboul, le 15 août
Hélicoptère américain vole au dessus de l'ambassade américaine de Kaboul, le 15 août © AFP

Le président Ghani, qui n'a pas précisé où il était parti, s'est déclaré convaincu que "d'innombrables patriotes auraient été tués et que Kaboul aurait été détruite" s'il était resté en Afghanistan. 

Ils sont à présent responsables de l'honneur, de la possession et de l'auto-préservation de leur pays

"Les talibans ont gagné (...) et sont à présent responsables de l'honneur, de la possession et de l'auto-préservation de leur pays", a-t-il ajouté dans un message sur Facebook.


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Fuite 

Plus tôt dans la journée Ashraf Ghani, avait quitté l’Afghanistan, où les talibans étaient sur le point de prendre le pouvoir, avait annoncé ce dimanche l’ancien vice-président Abdullah Abdullah.

"L’ancien président afghan a quitté la nation", a déclaré Abdullah, qui est aussi le chef du Haut Conseil pour la réconciliation nationale, dans une vidéo publiée sur sa page Facebook. Il aurait pris la direction du Tadjikistan selon l’agence de presse Reuters.

Tirs à l'aéroport 

Des informations font état de tirs à l'aéroport international de Kaboul, rapporte dimanche la BBC sur base d'un avertissement de sécurité de l'ambassade américaine. Les citoyens américains encore présents ont reçu l'ordre de chercher refuge car "la situation sécuritaire à Kaboul évolue rapidement". Les Américains qui souhaitent toujours de l'aide pour quitter la ville ont été invités à s'inscrire en ligne, car les opérations à l'ambassade ont pris fin.

Afghanistan : entrée des talibans dans Kaboul

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Biden veut sécuriser l'aéroport

Le président américain Joe Biden a décidé dimanche d'envoyer 1.000 soldats supplémentaires à Kaboul pour sécuriser les évacuations de milliers de civils américains et afghans, a indiqué un responsable du Pentagone, alors que les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan.

Au total, 6.000 soldats américains devraient avoir rejoint la capitale afghane "dans les prochains jours", a précisé ce responsable ayant requis l'anonymat, alors que les images de panique à l'aéroport de Kaboul fleurissaient sur les réseaux sociaux.

Les talibans étaient aux portes de la capitale ce dimanche. Selon les informations de Reuters, il semble qu’ils soient désormais entrés dans Kaboul avec l’intention d’y reprendre le pouvoir. Ils adoptent, pour l’heure, un ton modéré alors que les Occidentaux et de nombreux habitants tentaient de quitter la ville. De nombreuses ambassades sont en train de fermer leurs portes et le personnel en train de se diriger vers les ambassades.

Palais présidentiel 

Les talibans ont annoncé dimanche être entrés dans de nombreux quartiers de Kaboul, tandis que trois de leurs hauts responsables ont affirmé à l'AFP que les insurgés s'étaient également emparés du palais présidentiel, après la fuite hors d'Afghanistan du chef de l'Etat.

Des unités militaires de l'Emirat islamique d'Afghanistan sont entrés dans la ville de Kaboul pour y assurer la sécurité

"Des unités militaires de l'Emirat islamique d'Afghanistan sont entrés dans la ville de Kaboul pour y assurer la sécurité", a annoncé sur Twitter un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, ajoutant : "Leur progression se poursuit normalement".


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Analyse de Nicolas Gosset, spécialiste de l'Asie centrale, dans notre 19h30

Situation en Afghanistan : l'analyse de Nicolas Gosset

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On a faire à une défaite complète. Une défaite politique, militaire, morale. 

Qui est Ashraf Ghani, symbole de la faillite de son pays ?

Le président afghan, Ashraf Ghani, que l'on a dit en fuite dimanche face à l'avancée des talibans, est un économiste longtemps présenté comme un expert en États faillis, mais qui sera devenu en quelques années l'image même de la faillite de son pays malgré l'aide internationale.

Après avoir été élu en 2014 sur la promesse de redresser l'Afghanistan et d'en finir avec la corruption qui gangrénait le pays, il n'aura finalement tenu aucune de ces deux promesses et aura été contraint de quitter le pouvoir alors que les talibans encerclaient la capitale.

Âgé de 72 ans, M. Ghani grandit en Afghanistan, avant de s'exiler en 1977 aux États-Unis, où il étudie à l'université Columbia de New York, pour devenir professeur de sciences politiques et d'anthropologie dans les années 1980. Il entre ensuite à la Banque Mondiale en 1991.

Il revient en Afghanistan juste après la chute des talibans à la fin 2001, d'abord comme conseiller spécial de l'ONU avant de devenir un des architectes du gouvernement d'intérim.

Entre 2002 et 2004, il est le très actif ministre des Finances du président Hamid Karzaï, installant une nouvelle monnaie, réformant la fiscalité, encourageant la diaspora afghane à revenir au pays et assurant le lien avec les bailleurs de fonds internationaux qui financent le gouvernement.

Il y fait également campagne contre la corruption qui gangrène déjà les nouvelles institutions du pays, et gagne une réputation d'homme inflexible mais aussi parfois caractériel.

Reclus dans son palais

"Il n'a jamais laissé personne l'approcher de trop près", a écrit l'essayiste pakistanais Ahmed Rashid qui le connaît depuis près de trente ans. Malheureusement, ses fréquentes explosions de colère et son arrogance vis-à-vis de ses compatriotes afghans ont fait de lui un personnage détesté".

Après avoir largement échoué lors de l'élection présidentielle de 2009, où il n'arrive que quatrième avec moins de 3% des voix, Ashraf Ghani fait campagne en 2014 sur fond de polémique. 

Il choisit parmi ses deux colistiers le très controversé Abdul Rashid Dostom, chef de guerre accusé d'avoir fait massacrer de centaines de prisonniers talibans en 2001.

Loin d'être donné gagnant après le premier tour, où il n'obtient que 31,6% des voix, loin derrière les 45% réunis par son adversaire Abdullah Abdullah, il sort finalement largement vainqueur du second tour (55% des votes) d'un scrutin entaché d'irrégularités.

Son accession au pouvoir se fera via un accord de partage du pouvoir avec M. Abdullah, devenu chef d'un gouvernement d'unité nationale sous l'égide de Washington, et qui conteste déjà sa réélection.

Avant de se lancer dans la course présidentielle, M. Ghani supervisait le transfert de responsabilité des troupes de la coalition de l'Otan aux forces afghanes.

Ses relations avec Washington, qui promettaient d'être bonnes, se sont envenimées après que les États-Unis ont décidé d'entamer des négociations bilatérales avec les talibans à Doha.

L'allié américain l'a exclu de ces pourparlers en raison du refus des talibans de le voir y prendre part, avant de le forcer à libérer 5000 insurgés dans le cadre de ces négociations de paix qui n'auront jamais abouti.

Sujet de notre journal de la mi-journée :

"Ceci n'est pas Saïgon" selon Blinken

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a fait savoir que l'alliance aidait à sécuriser et à faire fonctionner l'aéroport, où convergent Occidentaux et Afghans pour tenter de fuir l'Afghanistan.

Le président Joe Biden a défendu sa décision de mettre fin à 20 ans de guerre, la plus longue qu'ait connue l'Amérique.

"Je suis le quatrième président à gouverner avec une présence militaire américaine en Afghanistan (...) Je ne veux pas, et je ne vais pas, transmettre cette guerre à un cinquième", a-t-il lancé dimanche.

"Ceci n'est pas Saïgon", a quant à lui assuré le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken sur CNN, évoquant la chute de la capitale vietnamienne, en 1975, un souvenir encore douloureux pour les États-Unis.

Boris Johnson appelle à l'unité

Pressé d'agir face à l'arrivée des talibans à Kaboul, le Premier ministre britannique Boris Johnson a assuré dimanche que sa "priorité" était l'évacuation des ressortissants britanniques en Afghanistan, appelant les Occidentaux à adopter un front uni avant toute action.

Le chef du gouvernement conservateur a réuni dimanche après-midi une réunion interministérielle de crise, dite "COBR", la deuxième en trois jours sur le sujet.

La "priorité" de Londres, a-t-il expliqué après la rencontre, est de "remplir ses obligations vis-à-vis des ressortissants britanniques en Afghanistan et de tous ceux qui ont contribué aux efforts britanniques en Afghanistan depuis 20 ans".

"La situation reste très difficile et clairement, il y aura très prochainement un nouveau gouvernement à Kaboul", a-t-il constaté, sur les télévisions britanniques. "Ce que le Royaume-Uni va faire, c'est de travailler avec nos partenaires au Conseil de Sécurité de l'Onu pour faire passer le message que nous voulons que personne ne reconnaisse les talibans de manière unilatérale. Nous voulons une position commune (...) afin de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter que l'Afghanistan ne redevienne un terreau pour le terrorisme".

Il a répété le même message à l'occasion d'une conversation téléphonique avec les secrétaires généraux de l'Otan Jens Stoltenberg et de l'Onu Antonio Guterres, où il a "souligné le besoin d'un effort coordonné et concerté de la communauté internationale dans les mois à venir face à la menace extrémiste et l'urgence humanitaire", selon son porte-parole. 

A l'issue d'une première réunion de crise vendredi, Boris Johnson avait exclu en l'état une intervention militaire, expliquant que Londres comptait "faire pression" par la voie diplomatique.

 

Sujet Jt de ce 14 août :

Afghanistan : le visage des Talibans a-t-il changé ?

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Des Belges présents rassurants

Les Belges qui se trouvent actuellement en Afghanistan n'ont pas fait état de problème jusqu'à présent, a-t-on appris dimanche auprès des Affaires étrangères. Cinq ressortissants belges ont  quitté le pays samedi.

Une famille belge a cependant expliqué sur la chaîne privée flamande VTM être bloquée à l'aéroport de Kaboul et a demandé de l'aide. "Nous demandons à ces personnes de se faire connaître et de prendre contact avec nous", précisent les Affaires étrangères dimanche soir.

La Belgique avait conseillé à ses ressortissants de quitter l'Afghanistan où les talibans sont en passe de conquérir le pouvoir. Ces personnes, au nombre de 34, selon les Affaires étrangères, ont souvent la double nationalité. "Nous ne pouvons pas les forcer à partir. Mais il est important pour nous de savoir qu'elles n'ont pas rencontré de problème", précise-t-on au ministère. Les Belges qui travaillent pour des institutions internationales ont eux déjà quitté le pays. 

Des Belges sont également présents en Afghanistan de manière non-permanente. Onze personnes ont ainsi indiqué via le site Travelers Online qu'elles avaient l'intention de se rendre en Afghanistan. Il n'est cependant pas clair de savoir si c'est réellement le cas. Un groupe de cinq Belges présents sur place a toutefois pris contact avec les Affaires étrangères, craignant que leur voyage de retour ne soit compromis mais tous ont pu quitter le pays samedi, a confirmé le ministère.

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