Scandaleux mais malheureusement assez fréquent
Reste que le classement sans suite de la plainte d’Isabel ne surprend pas l’ASBL Vie féminine, mouvement qui lutte contre toutes les formes de violences touchant les femmes. Pour sa présidente régionale de Bruxelles, Louise Metrich, "malheureusement, c’est assez fréquent tant dans les questions de harcèlement, de viols, de violences sexuelles, de violences conjugales".
Louise Metrich juge "scandaleux que la victime elle-même n’ait pas été tenue au courant que sa plainte a été classée sans suite. Ce serait la moindre des choses que de tenir les victimes informées de l’état d’avancement des procédures. C’est une défaillance. Comment maintenant faire en sorte que ce type de plainte puisse aboutir ? Il faut bien sûr plus de moyens, une meilleure formation des magistrats, une prise au sérieux de ces plaintes…"
Le cas d’Isabel Morales Solis n’est pas isolé. "Nous parlons régulièrement de ce genre d’agressions dans nos groupes de discussions. Les femmes font face à du harcèlement, qu’il soit sexiste mais aussi souvent mêlés à du harcèlement raciste comme celui qui touche les femmes voilées. Souvent, les deux sont conjugués."
En tout cas, une enquête menée en 2017 par Vie féminine a indiqué que 98% des répondantes disent avoir déjà subi le sexisme (harcèlement verbal et physique) dans l’espace public dont les transports en commun… "Ce ne sont pas des phénomènes ponctuels. C’est quelque chose de récurrent qui survient aussi bien en soirée qu’en journée. Cela crée un sentiment d’insécurité pour les femmes et de devoir sans arrêt être sur ses gardes, dans l’espace public et en particulier dans les transports. Cela signifie devoir sans arrêt mettre en place des stratagèmes pour se protéger, se demander est-ce qu’on va atteindre ta destination sans être embêté. Le fait que les faits sont minimisés, le faible soutien obtenu sur le moment même et par la suite, le fait que la plainte n’aboutit très souvent à rien, qu’on n’est pas tenu au courant de son cheminement : tout cela rend les femmes impuissantes. C’est anormal."
Louis Metrich rappelle également l’existence, selon elle, "d’un système patriarcal" qui crée une atmosphère "faisant que les hommes qui se comportent de cette manière se sentent intouchables, en droit de faire ce qu’ils font, d’agresser et d’insulter des femmes".
Depuis 2014, une loi permet de sanctionner les gestes et les comportements à caractère sexiste commis dans l’espace public. "Mais cette loi reste inapplicable dans les faits. On ne peut pas mettre un agent de police en civil derrière chaque agresseur potentiel. Ce genre de comportement est donc rendu possible."