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Agressions sexuelles à l’Inc’Rock : comment mieux assurer la sécurité des festivalières ?

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Par Chloé Olivier pour Les Grenades

Ces 28, 29 et 30 avril derniers se tenait à Incourt une nouvelle édition du festival l’Inc’Rock. Si les festivités se voulaient de prime abord bon enfant, ce sont pourtant plusieurs agressions sexistes et sexuelles qui ont été recensées sur place. Des faits graves, qui soulèvent à nouveau la question de la prise en charge des victimes de violences sexuelles en milieu festif.

La saison des festivals musicaux belges a officiellement débuté en ce dernier week-end d’avril, avec l’ouverture à Incourt, dans le Brabant Wallon, de la 19ème édition du festival l’Inc’Rock. Un événement présenté comme festif et familial, à la line-up hétéroclite touchant tous les publics. Pourtant, sur le site du festival, l’ambiance prend un tout autre tournant lorsque sont constatées plusieurs agressions sexistes et sexuelles envers des jeunes femmes mineures.

"Quelque chose ne va pas"

C’est Félicien Bogaerts, présentateur à la RTBF, qui a dénoncé les faits ce lundi 1er mai dans un communiqué posté sur ses réseaux sociaux. Le samedi, il accompagne sa sœur cadette, âgée de 16 ans, afin qu’elle puisse assister à la "journée rap" avec quelques ami·es. Régulièrement, il prend des nouvelles d’elle par message, s’assurant que la soirée se déroule sans accroc. Cependant, peu avant 23h, la jeune femme lui répond que "quelque chose ne va pas" et lui demande de la rejoindre à l’entrée du festival.

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Lorsque Félicien Bogaerts la retrouve, elle lui indique s’être fait toucher de manière inappropriée et ce, à plusieurs reprises, par un inconnu. Des gestes obscènes – une agression sexuelle – que l’homme aurait par ailleurs répétés avec "trois autres adolescentes, au minimum".

La jeune femme, ayant pu apercevoir le visage de son agresseur, le désigne avec certitude, ce qui permet à son frère aîné d’attraper l’individu par le bras et de le conduire jusqu’à l’équipe de sécurité présente sur place. Cette dernière laisse pourtant l’homme repartir au bout de quelques secondes, ce qui interpelle particulièrement le journaliste, qui mobilise alors les forces de police. Même réaction de leur côté : l’agresseur est réhabilité au sein du festival sans plus de discussion, nullement inquiété pour ses agissements. Les victimes, en revanche, ne sont pas prises en charge ni redirigées vers une personne-ressource.

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Si Félicien Bogaerts a décidé de partager les faits sur les réseaux sociaux, c’est parce qu’il s’agit là "d’un événement public, avec des questions d’intérêt public, qu’il faut pouvoir traiter en public". Nulle volonté, selon ses dires, de nuire à l’image de l’Inc’Rock en particulier, mais bien le souhait de mettre en avant la problématique que représentent les agressions sexistes et sexuelles – et surtout leur prise en charge – au sein d’évènements de ce genre et d’induire "une réflexion à grande échelle, que l’on doit avoir à l’approche de la saison des festivals".

La sécurité représente 10% du budget que nous allouons au festival

Pour l’animateur, mobiliser d’importantes forces de sécurité et la vidéosurveillance ne suffit pas. C’est au niveau de la formation de ces gardien·nes de l’ordre qu’une sensibilisation à ce type de violences doit être effectuée. L'agence de sécurité présente sur place a été contactée et n'a pas répondu à nos questions.

Une formation incomplète des services de sécurité ?

Pour Benoît Malevé, directeur de l’Inc’Rock, tout avait pourtant été mis en place par le comité organisateur pour garantir la sécurité des festivalier·ères et leur prise en charge en cas de besoin. "La sécurité représente 10% du budget que nous allouons au festival. L’Aide à la Jeunesse en Milieu Ouvert (AMO) et un planning familial étaient sur place, de même que la Croix Rouge".

L’Inc’Rock s’inscrivait de surcroît dans la "dynamique Festi’Safe, avec une tolérance zéro en ce qui concerne la délinquance sexuelle". Une personne était d’ailleurs chargée de le rappeler au micro avant le début des concerts. Pour le directeur, l’intégrité des jeunes faisait partie des priorités absolues. Selon lui toujours, si les forces de police et de sécurité ne sont pas intervenues, c’est parce que l’individu interpellé "n’avait que 16 ans et semblait totalement déboussolé". La police aurait simplement relevé son identité et n’aurait pas jugé opportun de sanctionner le jeune homme. Edit du 6 mai 2023 : Contacté par nos soins, le chef de corps de la zone de Police Ardennes brabançonnes, Laurent Broucker, explique être en train de faire toute la lumière sur les événements, en contactant les agents qui étaient sur le terrain ce jour-là.

Se retrouver face à ce type de réaction de la part des figures d’autorité est malheureusement fréquent pour Éléonore Goffin, membre du collectif À Nous la Nuit – organisation veillant à la sécurité de tous·tes en milieu festif. Pour elle, le manque de prise en charge effective des victimes de violences d’ordre sexuel est dû à une formation incomplète des services de sécurité, qui font malgré tout leur travail.

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À Nous La Nuit a d’ailleurs participé à l’élaboration d’un projet de loi visant à mettre à jour la formation des vigiles. Le collectif assure aussi l’écolage de personnes-ressources au sein des équipes des festivals, mais cela prend du temps. Une prise en charge de qualité se prépare donc bien en amont, afin de pouvoir recevoir au mieux les victimes et leur témoignage.

Si cela n’a pas été le cas pour la jeune sœur de Félicien Bogaerts, cette dernière surmonte tout de même l’événement avec beaucoup de courage. Il concède cependant que cela peut ne pas être possible pour toutes les victimes. Par son intervention publique, l’animateur souhaite ainsi faire bouger les lignes et conscientiser le grand public, afin que cet été, la fête puisse être plus folle, et surtout plus safe, pour tout le monde.

Cet article a été écrit lors d'un stage au sein de la rédaction des Grenades.

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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

 

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