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Ahmed Salman Rushdie, auteur en danger !

Salman Rushdie, en 2018

© Photo by JOEL SAGET / AFP

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Par Gérald Decoster - Sous Couverture

Il faut arrêter l’aveuglement stupide face au djihadisme qui consiste à dire que cela n’a rien à voir avec l’Islam… (S. Rushdie)

Son écriture est qualifiée de "réalisme magique", son style narratif est un mélange de vie quotidienne, de fantaisie et de mythe. Né à Bombay le 19 juin 1947, le britannique d’origine indienne qu’est Salman Rushdie était loin de penser que l’un de ses livres allait lui valoir une condamnation à mort !

Après une maîtrise en histoire à Cambridge, au King’s College, Salman travaille quelques années pour l’agence de publicité Ogilvy & Mather. C’est la lecture du roman de Günter Grass, Le Tambour, qui va le conduire à l’écriture. Passé inaperçu dans les années 70, son premier roman augure pourtant parfaitement son style : Grimus, un conte fantastique édité en français en 1977. S’ensuivent Les Enfants de minuit (1981) – grand succès – et La Honte (1983)… jusque-là, tout va bien.

Les Versets sataniques paraissent en septembre 1988 : "à la suite de l’explosion d’un avion au-dessus de la Manche, Gibreel Farishta et Saladin Chamcha, se retrouvent sains et saufs sur une plage anglaise. Ils vont être les protagonistes de la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Tandis que les deux hommes rebondissent du passé au présent, se déroule un cycle extraordinaire de contes d’amour et de passion, de trahison et de foi avec, au centre, l’histoire de Mahound, prophète de Jahilia, la cité de sable, Mahound, frappé par une révélation où les versets sataniques se mêlent au divin."

La réaction outragée de la communauté musulmane est immédiate car, sous les traits de Mahound, c’est du prophète Mahomet qu’il s’agit ! L’Inde, l’Afrique du Sud, le Pakistan, l’Arabie saoudite, l’Egypte, la Somalie, le Soudan, la Tunisie, la Malaisie, l’Indonésie, et le Qatar interdisent le livre… En janvier 1989, l’ouvrage fait l’objet d’un autodafé au Royaume-Uni, à Bradford où résident nombre de Bangladais, Indiens et Pakistanais, tandis que l’on déplore plusieurs morts lors de manifestations à Islamabad et au Cachemire indien.

Il vivra sous protection des autorités britanniques, changeant 56 fois de domicile durant les cinq premiers mois de sa clandestinité.

Ayatollah Khomeini

Le 14 février, sur Radio Téhéran, l’ayatollah Khomeini proclame une fatwa, réclamant l’exécution de l’auteur, le livre étant considéré comme blasphématoire envers l’Islam. De plus, regardé comme ayant perdu la foi en sa religion, Rushdie est aussi condamné pour apostasie ! Le Guide de la révolution iranienne proclame qu’il est dès lors de la responsabilité de tout musulman à travers le monde, d’exécuter Rushdie et ses éditeurs, avec, à la clé, une récompense sonnante et trébuchante !

Les suites sont ahurissantes ! Des manifestants tués, des attentats contre des librairies, la tentative d’assassinat du traducteur italien des Versets, Ettore Capriolo et de leur éditeur norvégien, William Nygaard, l’assassinat du traducteur japonais, Hitoshi Igarashi… À Bruxelles, en 1989, le Grand Imam et le directeur de la bibliothèque du Centre islamique de Bruxelles sont assassinés. Abdullah al-Ahdal et Salem Bahri avaient dénoncé la fatwa… En 1993, en Turquie, la présence du traducteur turc de Rushdie dans un hôtel, Aziz Nesin, est l’un des éléments déclencheurs de l’incendie bouté au bâtiment par des islamistes radicaux, 37 victimes, Nesin échappant aux flammes ! Même Cat Stevens, devenu Yussuf Islam, marquera son accord avec la fatwa, sans pour autant appeler à la mort de Rushdie…

À la suite des problèmes posés par Les Versets sataniques, Rushdie adoptera le pseudonyme de Joseph Anton, qu’il abandonnera en 1998, tandis que, pendant une bonne dizaine d’années, il vivra sous protection des autorités britanniques, changeant 56 fois de domicile durant les cinq premiers mois de sa clandestinité.

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Tout en présentant ses excuses pour Les Versets sataniques, l’écrivain publie en 1990, un long texte, En toute bonne foi, destiné à apaiser les tensions. Le lendemain, l’ayatollah Khamenei renouvelle la fatwa. Rushdie retrouve la foi et réaffirme aussi son respect de l’Islam. Ce n’est qu’en 1999 que l’Etat iranien renoncera à l’application de la fatwa, ce qui n’empêchera pas la puissante Fondation paraétatique iranienne "15 Khordad" d’augmenter régulièrement la prime pour l’assassinat de Rushdie.

En 2007, la reine Elisabeth II élève l’auteur au rang de chevalier, engendrant une nouvelle déferlante de haine et de troubles, principalement au Pakistan où seront brûlées des images de la souveraine et de Sir Ahamed Salman Rushdie.

© Tous droits réservés

Habitant désormais à New York, Salman Rushdie est devenu le symbole de la liberté d’expression et de la lutte contre l’obscurantisme religieux. Docteur honoris causa de l’Université de Liège, il fait d’éminentes sociétés littéraires. En 2012 parait Joseph Anton : une autobiographie, où il explique le processus de création des Versets, tandis que son dernier ouvrage, Quichotte, vient de sortir chez Actes Sud… Aux dernières nouvelles, la récompense pour l’exécution de Rushdie est de 3,9 millions de dollars…

"Quichotte" de Salman Rushdie

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