Santé & Bien-être

Alors que les annonces se succèdent, quelles sont les promesses des implants dans le cerveau ?

Par Daphné Van Ossel et Johanne Montay

Un paraplégique qui retrouve le contrôle de la marche par la pensée grâce à un implant dans son cerveau et dans sa moelle épinière ; Elon Musk (ou plutôt son entreprise Neuralink) qui, après avoir testé ses implants sur des cochons, s’apprête à les implanter dans la tête d’un humain. Le secteur des interfaces cerveau-machine est en plein bouillonnement.

C’est formidable", réagit Steven Laureys, neurologue à l’ULiège. "Tout le domaine de la rééducation neurologique est en train vraiment de changer.

Gert-Jan, le paraplégique, était atteint d’une lésion de la moelle épinière suite à un accident de vélo, il y a une dizaine d’années. Des électrodes ont été implantées au-dessus de la région de son cerveau qui est responsable des mouvements des jambes, pour décoder les signaux électriques générés par le cerveau lorsqu’il pense à marcher. Parallèlement, un neurostimulateur a été positionné sur la région de la moelle épinière qui contrôle le mouvement des jambes. Le contact entre les deux était coupé, le voilà rétabli grâce à ce pont digital. Les données sont transmises via un système portatif placé sur un déambulateur ou dans un petit sac à dos.

Jusqu’à présent, l’installation d’un seul implant stimulant électroniquement la moelle épinière avait permis à des patients paraplégiques de remarcher. Mais le contrôle de cette marche n’était pas naturel. C’est donc une première.

“On voit qu’il est possible d’avoir vraiment un impact significatif", se réjouit le neurologue, "même des années après l’accident. Ce genre de techniques pourraient aussi être utilisées après un AVC, un infarctus cérébral, ou d’autres lésions du système nerveux central. Je pense que c’est très important de donner ce message d’espoir.”

Steven Laureys précise qu’une grande motivation, un mental fort, est nécessaire au patient pour arriver à dépasser ses limites. Et il ajoute tout de suite : "Je ne veux pas non plus donner de faux espoirs. Tout le défi maintenant c’est d’offrir cette technologie de pointe, qui devient de plus en plus performante et de plus en plus simple à utiliser, au plus grand nombre."

Parler par la pensée

Olivier Coquoz, Directeur des Opérations du Wyss Center, à Genève (un centre de recherche et de technologie en neurosciences) évoque aussi la nécessaire démocratisation de ce type de technologies. Elles sont encore chères, bien sûr, mais elles doivent surtout encore évoluer.

"Le pas qu’on doit encore faire", dit-il, c’est "d’avoir des dispositifs qui soient utilisables à la maison. Ce sont des dispositifs qui sont encore lourds, difficiles à utiliser par le patient lui-même, ou sa famille et ses soignants."

L’équipe d’Olivier Coquoz est en train de développer un dispositif complètement implantable, c’est un aspect important. "Complètement implantable, cela veut dire qu’il n’y a pas de partie qui traverse la peau. Ce n’est pas encore le cas pour ce patient paraplégique."

Bien sûr, les communications de Neuralink attirent l’attention des médias. La start-up d’Elon Musk vient donc d’annoncer qu’elle avait obtenu l’approbation des autorités sanitaires américaines pour tester ses implants cérébraux connectés, a priori non visibles et de la taille d’une pièce de monnaie, sur des humains. Pour autant, "en Europe, on n’est pas forcément en retard."

En collaboration avec des chercheurs situés aux Pays-Bas et en Autriche, le Wyss Center va procéder à l’implantation d’une interface cerveau-ordinateur pour restituer la communication chez des patients qui souffrent de sclérose latérale amyotrophique (des patients tout à fait conscients, mais qui sont complètement paralysés, qui ne peuvent plus parler, qui sont enfermés dans leur corps).

Le centre a déjà travaillé avec ce type de patients, mais il s’agirait donc cette fois-ci d’un dispositif beaucoup plus léger, utilisable à la maison avec l’aide de la famille ou de soignants mais sans l’aide de personnel scientifique. "On est encore au stade de la recherche, mais on va commencer avec deux patients en Europe", détaille Olivier Coquoz.

Les algorithmes vont aussi venir en renfort. Pour le patient auquel ils avaient pu rendre la possibilité de communiquer, les chercheurs avaient réussi, grâce à des micro-électrodes implantées sur la surface du cortex moteur, à traduire les signaux électriques générés par son cortex en mots.

Les chercheurs vont maintenant travailler avec des patients qui sont capables de parler, pour préparer un algorithme qui décode les mots pensés et pouvoir ensuite utiliser cet algorithme chez les patients qui ne peuvent pas parler. "L’idée est d’accélérer la communication par ce type d’interface cerveau-ordinateur."

D’autres travaux, au Wyss Center et ailleurs, sont prévus pour rendre aux patients l’usage de leurs mains ou de leurs bras.

Où qu’il ait lieu, aux Etats-Unis (où d’autres entreprises que Neuralink sont actives dans le domaine), en Europe ou ailleurs, ce bouillonnement ne peut que profiter aux patients, à long terme. A tout le moins, en ce qui concerne les perspectives thérapeutiques. Pour Elon Musk, l’objectif à terme est de créer des êtres humains augmentés, en symbiose avec l’intelligence artificielle. Ça, c’est un autre débat.

Quelles sont les promesses des implants dans le cerveau ? (J. Montay - LP 25/05/23)

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous à la newsletter Tendance

Retrouvez l’essentiel de nos thématiques Vie Pratique, Santé et Bien-être,Sciences et Technologie, Environnement et nature dans cette newsletter au plus proche de vos préoccupations et des tendances du moment.

Articles recommandés pour vous