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Altin Gün : L’as des Aşk

Altin Gün sort du bois avec son meilleur album sous le bras.

© Catharina Gerritsen

Par Nicolas Alsteen via

Mi-Hollandais, mi-Turc, 100 % psychédélique, le groupe d’Amsterdam poursuit ses déambulations dans les couloirs du temps. Avec "Aşk", Altin Gün retrouve ses couleurs d’antan : un éclat moderniste, des pigments électroniques, quelques touches funky et, surtout, un groove anatolien, complètement zinzin. Pour se dandiner comme un castor sur le dancefloor ou, plus sobrement, revivre l’âge d’or du Bosphore, le nouvel album d’Altin Gün est un don du ciel.

Impossible d’évoquer le cinquième album d’Altin Gün sans faire un petit crochet par le confinement… Parce que cette période, un peu irréelle et pas si lointaine, a sérieusement enrayé la mécanique de la formation batave. Après deux albums inspirés par les musiques de Barış Manço, Selda, Erkin Koray, Moğollar et tant d’autres classiques psychédéliques gravés en Turquie entre 1969 et 1979, Altin Gün a sensiblement modifié ses plans. La faute à l’enfermement. Obligés de respecter les règles sanitaires, de vivre et d’enregistrer séparément, les six musiciens ont ainsi tourné le dos à la fougue collective de leur début pour confectionner, chacun dans leur coin, tels des laborantins, les fragments de deux disques un peu à part… Objets fantaisistes, amusants de prime abord, "Yol" et "Âlem" (sortis en 2021) soufflaient sur les braises du monde d’avant avec des idées électro-pop et disco, vaguement exotiques et franchement kitsch. Fort heureusement, la fin du confinement est venue siffler l’heure du grand rassemblement…

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Always Aşk the best

Réunis à six dans la même pièce, les membres d’Altin Gün libèrent aujourd’hui leurs frustrations autour d’un véritable feu de joie : un album chaud bouillant, érudit et exalté comme jamais. Sans céder aux sirènes de la nouveauté, il n’est pas interdit de présenter "Aşk" comme le meilleur album d’Altin Gün. Parce que, cette fois, tout y est ! Les dix morceaux enregistrés sur ce disque offrent un panorama complet sur un tour de main exercé, depuis 2016, avec amour et abnégation. Là où les deux premiers albums offraient matières psychédéliques à de solides prestations scéniques, "Aşk" parvient, d’entrée de jeu, à capturer l’énergie fulgurante des concerts. Ainsi, dès les premiers coups de baguettes de "Badi Sabah Olmadan", le cœur s’emballe et les corps s’emportent. Impossible de tenir en place à l’écoute de ce morceau inaugural, piloté par un saz électrique en plein trip transcendantal. Le mieux ? Il arrive juste après…

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Nouveau cycle et recyclages

Plongée interstellaire dans les vestiaires de l’histoire, "Aşk" offre une relecture moderne et pertinente de la musique anatolienne. Vintage, certes, mais jamais passéiste, la méthode Altin Gün atteint ici un nouveau palier : un lieu sûr et parfaitement symétrique, où les références du passé contribuent à repenser le futur. Dans le genre, "Su Sızıyor" fait fort. Clairement influencé par le chant enivrant de l’illustre Selda Bağcan, le morceau ose un groove légèrement déviant, mâtiné d’une dose de funk et d’un brin de reggae. Imparable, ultra efficace, cette version n’attend plus qu’un remix digne de ce nom pour retourner les dancefloors d’ici et d’ailleurs.

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Futur vers le détour

La force du nouvel album d’Altin Gün repose également sur sa conception. Imaginé à la croisée des temps, "Aşk" répond présent avec des chansons enregistrées, à l’ancienne, sur des bandes magnétiques. En studio, toutefois, c’est le grand défilé technologique : synthés et séquenceurs viennent en effet soutenir des morceaux assemblés à l’aide d’une belle panoplie d’instruments traditionnels. Cet équilibre entre passé et modernité est, assurément, la clé de voûte du cinquième album de la formation hollandaise.

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Le meilleur du Bosphore

Suite logique des deux premiers albums du groupe, "Aşk" délaisse l’essentiel des idées développées sur les deux disques confinés en 2021. Altin Gün marque un retour à l’essence du projet : un groove magnétique, un sens aiguisé de la fête, un décryptage des codes de l’Anadolu pop et une plongée dans les mythes et légendes du rock anatolien. Prog-folk épique ("Dere Geliyor"), freak-beat du Bosphore ("Canım Oy") et autres détours par le funk psychédélique ("Çıt Çıt Çedene") esquissent les contours d’un disque varié et excitant à souhait. Dans le dernier tour, emmené au sprint par l’imparable "Doktor Civanım", Altin Gün tire intelligemment profit de ses incursions électroniques en plongeant, tête la première, dans un grand bain discoïde. De quoi varier les plaisirs et danser sans retenue. En salle, en festival ou jusqu’au bout de la nuit.

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