Belgique

Amendes routières non payées : elles pourront être déduites de votre salaire, sans passer par le tribunal

Amendes routières / Les saisies sur salaire sont possibles

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Cela concerne 6% des contrevenants au Code de la route, ceux qui ont refusé de payer spontanément l’amende reçue pour une infraction routière. Le SPF Finances et le SPF Justice ont concocté une simplification de la procédure qui facilitera le travail des tribunaux de police. Pour les contrevenants récalcitrants, l'État pourra se tourner directement vers l’employeur pour récupérer, par le biais d’une saisie sur salaire, le montant de l’amende impayée.

Les premières étapes de la procédure après une infraction constatée ne changent pas

Pour bien comprendre ce qui va changer, rappelons d’abord comment les choses se déroulent en cas de constat d’infraction et d’amende à payer.

Concrètement, le contrevenant se voit offrir une perception immédiate. Il a dix jours pour payer.

En cas de non-paiement, un rappel sera envoyé avec un nouveau délai de 10 jours.

S’il ne paye toujours pas, le contrevenant reçoit une proposition de transaction à payer dans les 20 jours.

S’en suit, si la proposition de transaction n’est pas payée, l’envoi d’un ordre de paiement où le montant initial de la perception immédiate est majoré de 35%.

Jusque-là, rien ne change. C’est après que le nouveau dispositif entre en action.

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Pour les contrevenants récalcitrants, la saisie sur salaire sera plus rapide

Il arrivait déjà que le SPF Finances procède à des saisies sur salaire pour récupérer le montant d’une amende impayée. Cependant, jusqu’à présent, cela prenait du temps et nécessitait de passer par une procédure judiciaire. C’est cela qui sera simplifié.

"Il fallait introduire une action en justice auprès du tribunal de Police, qui devait condamner à payer cette amende. A ce moment-là, après cette condamnation, c’était renvoyé au SPF Finances pour récupérer la somme", rappelle Francis Adyns, porte-parole du SPF Finances.

"On pouvait s’imaginer qu’on était déjà 2, 3, 4 ans ou plus entre le moment de l’infraction et le moment où le SPF Finances récupérait cette somme", ajoute-t-il. Or, plus le temps passe, plus les "vieilles" dettes sont difficiles à récupérer.

Exit donc l’action à introduire auprès du tribunal. Une fois que le contrevenant aura refusé de payer au bout des rappels et de la proposition de transaction majorée de 35%, "il y a immédiatement un ordre de paiement qui est lancé par la Justice et qui va laisser un dernier délai de 30 jours pour régler cette amende", explique Francise Adyns, du SPF Finances.

Après ce délai, le dossier repasse dans les mains du SPF Finances qui procédera au recouvrement forcé, moyennant des poursuites, notamment la saisie sur salaire.

A ce moment-là, le salarié et son employeur recevront un courrier du fisc. Le travailleur sera prévenu qu’une saisie sur salaire a été demandée. L’employeur est informé du montant à retenir et à verser au fisc.

L’employeur connaîtra le montant de l’amende mais pas les raisons de l’infraction

"La seule chose que l’employeur voit, c’est un montant", explique Amandine Boseret, juriste chez Acerta. "Il ne sait pas quelle est l’infraction, ni quand elle a été commise", poursuit-elle.

La retenue sur salaire doit aussi se faire dans le respect de certaines limites. Tout le salaire ne peut pas être saisi en une fois. Il y a un minimum à laisser au travailleur. On tient compte également de sa situation familiale, par exemple.

Actuellement, le montant minimum à laisser au travailleur est 1542 euros. A l’employeur ou son secrétariat social de répartir, le cas échéant, le montant de l’amende sur plusieurs remboursements. "Il faut voir comment ventiler ça sur les différents mois, éventuellement sur une prime de fin d’année ou une double prime de vacances", explique Amandine Boseret.

Si dans ce cas-ci, on facilite la vie du fisc lors de la récupération des montants des amendes impayées, la saisie sur salaire n’est pas une nouveauté. Les employeurs sont déjà régulièrement chargés de retenir une partie des rémunérations de certains salariés dans des dossiers de dettes alimentaires ou dans le cadre de crédits à la consommation, par exemple.

Un passage de la présomption d’innocence à la présomption de culpabilité ?

Pour un avocat spécialisé en sécurité routière que notre rédaction a consulté, ce changement n’est pas anodin. 

Pour Me Bruno Gysels, on passerait même de la présomption d’innocence à la présomption de culpabilité en raison du fait que le dossier ne passe plus devant un juge qui condamnerait ou acquitterait la personne qui a reçu une amende. 

"Si la personne n’introduit pas un recours pour démontrer son innocence, elle risque effectivement d’être ponctionnée", explique Me Gysels. "Ce qui prouve bien qu’on part d’une présomption de culpabilité", argumente l’avocat. 

"En termes d’efficacité, la justice est-elle là pour être rentable ?", se demande Me Gysels. "Je peux comprendre le mécanisme, mais en termes de droits de la défense, c’est une violation flagrante de la présomption d’innocence", conclut-il.

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