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Andreï Kourkov : avec Poutine, c’est "Make Russia Great Again"

Par La Première via

L’auteur ukrainien Andreï Kourkov était l’invité spécial de Jérôme Colin dans Entrez sans frapper. L’occasion d’évoquer avec lui "Les abeilles grises", son dernier roman traduit en français, mais aussi la guerre actuelle en Ukraine.

Après le succès de son premier roman Le Pingouin, Andreï Kourkov publie Les abeilles grises (Liana Levi), une fable drolatique et humaniste dans laquelle un apiculteur du Donbass décide de prendre la route et d’aller jusqu’en Crimée, pour sauver ses abeilles.

Son récit se déroule dans un petit village abandonné de la "zone grise", cette région coincée entre l’armée ukrainienne et les forces séparatistes pro russes, où vivent deux laissés-pour-compte : Sergueïtch et Pachka. Seuls habitants de ce no man’s land, ces ennemis d’enfance sont obligés de coopérer pour ne pas sombrer, et cela malgré des points de vue divergents vis-à-vis du conflit. Sergueïtch, apiculteur dévoué qui décide de chercher un endroit plus calme pour ses abeilles. Ayant chargé ses six ruches sur la remorque de sa vieille Tchetviorka, le voilà qui part à l’aventure. Mais même au milieu des douces prairies fleuries de l’Ukraine de l’ouest et du silence des montagnes de Crimée, l’œil de Moscou reste grand ouvert.

► feuilletez un extrait du livre ici 

Récit d’une guerre oubliée

Dans ce dernier roman, l’écrivain ukrainien de langue russe traduit tout son amour pour son pays. Il y décrit la beauté de la nature et des gens. Mais il parle aussi de la guerre. Celle que l’Occident semble avoir redécouverte en février dernier, mais qui, en Ukraine, dure depuis huit ansAndreï Kourkov s’est rendu dans le Donbass. Il y a rencontré la population, il a vu les habitants vivre au quotidien avec les bruits d’explosion ou d’artillerie, et s’en accommoder. Sauf qu’aujourd’hui, c’est à son tour de connaître la peur et la violence.

Lorsque la guerre a éclaté, le 24 février, Kourkov était en Ukraine. Avec sa femme, à Kiev, ils ont entendu les bombes tomber sur la ville. Il a dû se réfugier dans l’un des 5000 abris soviétiques, bâtis du temps de l’URSS en cas d’invasion américaine, et qui servent ironiquement à se protéger des bombardements russes. S’il a pu partir, c’est pour faire la promotion de son livre, mais aussi et surtout pour parler. Parler de la guerre, parler de Poutine.

"Tant que Poutine est en vie, il fera la guerre"

Car l’auteur en est persuadé, comme beaucoup d’Ukrainiens, il comprend les motivations du président russe. Il sait pourquoi son pays est attaqué.

Cela fait 22 ans qu’il est au pouvoir en Russie, et il a toujours regretté l’Union soviétique. Pour lui, c’est "Make Russia Great Again".

Pour lui, si politiquement Poutine est déjà mort, il ne s’arrêtera pas de faire la guerre tant qu’il est encore physiquement en vie. Son but ultime : la reconstitution d’un empire russe. "Je suis sûr qu’il veut annexer la Moldavie et le Kazakhstan." dit Kourkov. Il ne croit pas du tout à l’annonce faite par les Russes d’un recentrage des opérations sur l’est du pays. Poutine est en train, selon lui, de tenter de couper l’approvisionnement en nourriture et en pétrole pour pousser la population à demander la reddition de l’Ukraine. Mais c’est mal la connaître.

Les Ukrainiens n’accepteront pas de devenir, encore une fois, une région de la grande Russie.

Sur le président ukrainien, Kourkov l’a toujours admis, il n’est pas un fan de Szelensky. Il n’a pas voté pour lui, et n’a jamais hésité à le critiquer publiquement. Mais il reconnaît que la gestion de la crise par le chef d’Etat est à saluer. "Le pays fonctionne en ces temps les plus dangereux". Il souligne la jeunesse de Szelensky qui s’oppose au passéisme de Poutine.

Il est jeune, il est dynamique. Monsieur Poutine est vieux et fragile. C’est une guerre entre le passé et l’avenir. Et le passé ne peut pas gagner, c’est toujours la jeunesse qui gagne.

Après avoir terminé son tour à l’étranger pour parler de son livre, Andreï Kourkov retournera en Ukraine, où sont toujours sa femme et ses fils. Il ne sait pas de quoi l’avenir sera fait, mais il considère ne pas avoir le choix, retourner est un impératif.

Je dois y retourner pour mieux comprendre ce qui s’y passe, pour écrire et raconter.

 

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