Judo

Anne-Sophie Jura, "la maman des autres judokas" devenue coach

Les confidences de la nouvelle coach Anne-Sophie Jura

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"Être forte, c’est aussi apprendre à écouter cette petite voix à l’intérieur de toi qui te dit de t’arrêter au juste moment, que le temps est arrivé de te relever d’une façon différente, ailleurs, dans d’autres projets, dans la poursuite d’autres rêves… " Anne-Sophie Jura n’avait pas encore 29 ans lorsqu’elle posta ces quelques mots sur ses réseaux sociaux, le 13 juin 2021, annonçant de la sorte à la planète judo qu’elle rangeait son kimono au placard après quasi quinze saisons au plus haut niveau.

Championne d’Europe juniors en 2009 dans la catégorie -44 kilos avant de passer chez les -48 et d’y rester toute sa carrière, la Boraine (NDLR : toujours affiliée au Judo Club Frameries, elle habite désormais Mons) a longtemps eu comme rivale numéro 1 en Belgique une certaine Charline Van Snick, médaillée de bronze aux Jeux Olympiques de Londres. Et quand la Liégeoise a décidé de monter en -52 kilos en 2017, c’est la jeune et talentueuse Loïs Petit qui a empêchée Anne-Sophie de s’endormir sur ses lauriers.

Quatre fois championne de Belgique, quatre fois médaillée en World Cup et neuf fois en European Cup, Anna Socha Youra (NDLR : elle a des origines polonaises auxquelles elle tient beaucoup)  peut se targuer d’un joli palmarès sur lequel manque sans doute un podium dans un Euro (NDLR : elle n’est pas passée loin en 2018, échouant à la cinquième place) ou un Mondial chez les séniors. Mais l’expression " avoir des regrets " ne fait pas partie de son vocabulaire d’autant plus qu’elle a eu la bonne idée de suivre, avec tout le sérieux qui la caractérise, de solides études supérieures. Assistante sociale de formation, elle a enchaîné avec un master en " Sciences de la famille ". Et puis, femme de conviction, elle a également entamé un parcours en politique, élue conseillère communale à Colfontaine en 2018 et employée depuis peu au cabinet d’Elio Di Rupo, ministre-président de la Wallonie.

Bref, " mens sana in corpore sano " ! Et une reconversion dores et déjà réussie. Outre ses activités politiques, outre les conférences qu’elle donne pour l’ADEPS, Jura entraîne désormais les meilleur(e)s U15 de la Fédération Judo Wallonie-Bruxelles. Alors que les championnats provinciaux, régionaux et nationaux des jeunes sont à l’agenda des prochaines semaines, Anne-Sophie Jura, qui n’assistera pas ce week-end au Tournoi Grand Chelem de Paris auquel elle a participé plusieurs fois, nous a accordé un entretien plein de bon sens et de bienveillance.

Déposé au placard en 2021, le kimono d'Anne-Sophie Jura en est vite ressorti. L'ancienne championne d'Europe juniors est désormais coach des jeunes élites de la Fédération francophone de judo.
Déposé au placard en 2021, le kimono d'Anne-Sophie Jura en est vite ressorti. L'ancienne championne d'Europe juniors est désormais coach des jeunes élites de la Fédération francophone de judo. © Geoffrey Meuli

Anne-Sophie, est-ce qu’en mettant un terme à votre carrière sportive avant même la trentaine, vous vous imaginiez replonger si rapidement en tant que coach ?

" Ce n’est peut-être pas la première chose à laquelle j’avais pensé mais le contact avec le tatami me manquait trop ! Et puis, c’est tellement important de transmettre son expérience aux autres. Le partage est essentiel. "

Je reconnais volontiers ne pas être la coach la plus autoritaire du monde mais j’arrive à me faire respecter sur le tapis ! En tout cas, les judokas me donnent l’impression d’être heureux quand ils sont avec moi…

On connaît toutes et tous la " gentille et souriante " Anne-Sophie. Mais j’imagine que vous devez aussi parfois serrer la vis. Est-ce que vous y arrivez ?

" J’y arrive, à ma façon ! Les enfants et les ados dont je m’occupe sont contents d’avoir en face d’eux une personne compréhensive et à l’écoute. Ce sont des qualités à ne pas négliger dans ce job. D’ailleurs, ils n’hésitent pas à venir vers moi quand ils ont un petit souci ou quand ils veulent demander quelque chose. Et c’est vrai que, de temps en temps, je dois serrer la vis… même si l’image ne me correspond pas vraiment. Je reconnais volontiers ne pas être la coach la plus autoritaire du monde mais j’arrive à me faire respecter sur le tapis ! En tout cas, les judokas me donnent l’impression d’être heureux quand ils sont avec moi… "

Les mêmes rêves

Ressentez-vous de leur part du respect à l’égard de votre palmarès ?

" Oui ! Je pense qu’il y a un peu de ça dans leur attitude vis-à-vis de moi. J’ai eu une histoire sportive, ce qui les incite à mes respecter directement. Ils savent que je me suis entraînée durement, comme eux. Ils savent aussi que j’ai eu les mêmes rêves qu’eux… "

Les mêmes déceptions aussi, non ? Votre expérience est finalement peut-être plus utile encore lors des défaites que lors des victoires…

" C’est vrai. Souvent, on pense que la vie d’un sportif professionnel n’est rythmée que par les médailles mais derrière les médailles, il y a beaucoup d’heures d’entraînement, beaucoup de défaites et d’échecs… Les jeunes athlètes doivent apprendre qu’ils ne connaîtront pas que le succès et qu’ils devront gérer des moments plus difficiles. Ce que j’aime particulièrement dans ma fonction chez les U15, c’est d’être là au départ de leur carrière. Après, ils auront chacun leur propre évolution, leur propre vie sportive. Mais c’est chouette d’être partie prenante au moment où ils abordent leurs premières grosses compétitions. C’est souvent dans ces situations-là qu’apparaissent, par exemple, d’inattendus petits blocages psychologiques. Il faut alors être bienveillant et leur insuffler de la confiance en eux. "

Les parents ont souvent besoin d’être rassurés car ils découvrent, eux aussi, le sport de haut niveau à travers leurs enfants. Tous les parents veulent le meilleur pour leur enfant… mais certains sont plus maladroits que d’autres !

Comment vos études en " Sciences de la famille " vous aident-elles lors des entraînements ou lors du coaching ?

" Elles m’aident énormément. J’ai suivi ce master en Fac de psycho. J’ai donc logiquement eu droit à pas mal de cours de… psychologie. Et puis, mes études d’assistante sociale m’ont aussi apprise à être très humaine (NDLR : elle l’était déjà avant !) avec les jeunes et avec… les parents. Leur rôle est tellement important ! Mon mémoire traitait d’ailleurs de l’implication des parents dans le monde du sport. Il arrive régulièrement que des papas ou des mamans viennent me poser des questions. Ce sont des échanges que j’apprécie et qui sont fondamentaux. Je donne également plusieurs fois par an des conférences organisées par l’ADEPS à l’intention des parents de jeunes athlètes. Ils ont souvent besoin d’être rassurés car ils découvrent, eux aussi, le sport de haut niveau à travers leurs enfants. Ce n’est pas facile et je suis là pour leur donner des clés. Tous les parents veulent le meilleur pour leur enfant… mais certains sont plus maladroits que d’autres ou ne savent pas comment s’y prendre. On dit souvent qu’ils mettent de la pression sur les épaules de leurs progénitures mais personne ne leur explique l’impact, positif ou négatif, qu’ils peuvent avoir en agissant de telle ou telle manière. "

En déduction, et en conclusion, vous semblez épanouie dans votre nouvelle vie !

" Je pense que je suis à ma place avec les moins de quinze ans ! Quand j’étais sportive professionnelle, j’étais déjà la maman de tous les athlètes, la personne en qui ils avaient confiance. Et donc, ça continue ! "

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