Cyclisme

Anthony Vandrepotte, le Wallon qui bichonne les vélos de Quick Step-Alpha Vinyl

Son sourire en dit long: le Tournaisien Anthony Vandrepotte est fier et heureux de s'occuper de l'entretien des vélos des coureurs du Wolfpack!

© Samuël Grulois / RTBF

Les amateurs de cyclisme du Tournaisis se souviennent de lui comme d’un tout bon coureur dans les catégories de jeunes. Un coureur qui a même touché du bout des pédales le monde professionnel en roulant notamment pour les équipes " T.Palm-Pole Continental Wallon " et " ColorCode-Aquality Protect ". Mais, perturbé par plusieurs blessures, le sympathique garçon a dû abandonner, logiquement déçu, sa carrière naissante de sportif de haut niveau.

Anthony Vandrepotte a 25 ans. Il habite toujours à Laplaigne, dans l’entité de Brunehaut. Un joli petit village hennuyer où il passe finalement très peu de temps, parcourant le monde (il a débuté sa saison au Tour d’Arabie Saoudite début février) aux côtés de Remco Evenepoel, Julian Alaphilippe, Mark CavendishFabio Jakobsen, Yves Lampaert, Kasper Asgreen… les têtes de gondole du noyau 2022 de " Quick Step-Alpha Vinyl ". Car, à défaut d’être devenu lui-même coureur pro, il bichonne désormais les machines… des coureurs pros. Reconverti mécano, il a d’abord bossé pour les Norvégiens d’" Uno-X " avant d’intégrer, début 2021, le réputé Wolfpack.

Malgré sa discrétion naturelle, et même s’il y est le seul mécanicien wallon (NDLR : Franck Potier, dont il parle dans l’interview ci-dessous, est Français), Anthony s’est rapidement intégré dans la structure très flamande dirigée par Patrick Lefevere. Le langage de la bicyclette est universel !

Anthony, comment fait-on pour devenir mécano chez Quick Step-Alpha Vinyl ?

" On va dire que j’ai eu un peu de chance ! J’étais sur le Tour du Poitou-Charentes 2020 avec mon équipe de l’époque, Uno-X. Au départ d’une des étapes, un des mécanos de Quick Step, Franck Potier, que je connaissais déjà, est venu me dire que son chef, Nicolas Coosemans, recherchait quelqu’un pour la saison suivante. Il a donné mes coordonnées… Et voilà ! "

Ça paraît si simple… mais vous a-t-on engagé directement ou avez-vous dû passer une sorte de test ?

" Non, on ne m’a pas engagé sur un simple coup de fil ! J’ai dû me rendre au service-course où est stocké tout le matériel. Et on m’a demandé de monter des vélos. C’est après ce petit examen qu’on a validé mon engagement. "

Vous avez un passé de coureur. Comme tous les gamins, vous avez rêvé devenir professionnel. À défaut d’être passé pro, n’est-ce pas ici une autre manière pour vous de toucher votre rêve ?

" Oui, c’est sûr ! Je suis passé de l’autre côté de la barrière. Et je dois bien avouer que je m’amuse tout autant, voire plus, que quand j’étais coureur. Je ne regrette donc rien. "

Ressent-on une pression particulière quand on bosse pour l’une des plus impressionnantes structures du peloton ? Comme vous avez bossé ailleurs avant, vous pouvez comparer.

Quick Step-Alpha Vinyl est l’un des plus grosses, peut-être même la plus grosse équipe du monde. Et donc oui, ce statut génère de la pression. Mais soyez certains qu’on fait notre maximum et qu’on se donne à 100%. La plupart du temps d’ailleurs, tout se passe bien. "

Nous sommes tous des membres du Wolfpack ! Quand les dirigeants engagent un coureur, un soigneur, un mécano, ils vérifient que la personnalité colle à cet état d’esprit.

Il voulait devenir pro, il est mécano

De quelle façon le fait d’avoir vous-même pédalé à un bon niveau vous aide dans votre job de mécano ?

" On comprend plus facilement les coureurs, on sait ce qu’ils veulent, on réagit plus vite et plus efficacement quand ils demandent quelque chose. "

Chez Quick Step-Alpha Vinyl, il y a un paquet de stars ! Comment cela se passe-t-il ?

" Il y a des stars chez nous mais des stars avec les pieds sur terre, des personnes très ouvertes. Aucune pression à ce niveau-là. Nous sommes tous des membres du Wolfpack ! Notre équipe fonctionne comme une famille. Notre force, c’est d’être tous soudés. Il y a une bonne entente et chacun tire l’autre vers le haut. Le Wolfpack est un état d’esprit à tous les étages de la structure Quick Step. Tout le monde se donne à 200% et on bosse les uns pour les autres. Voilà pourquoi on gagne tant de courses par an ! Quand les dirigeants engagent quelqu’un, un coureur, un soigneur, un mécano, ils vérifient que la personnalité colle à cet état d’esprit. "

Quand est mécanicien dans une plus petite structure comme Uno-X, rêve-t-on d’intégrer un jour Quick Step-Alpha Vinyl ? Quel regard aviez-vous à l’époque ?

" Quand j’ai commencé ma carrière de mécano, je rêvais évidemment de travailler pour une telle équipe. Si on m’avait dit que trois ans plus tard que je serais un membre de la Quick Step, je ne l’aurais pas cru ! Adolescent, je rêvais d’y devenir comme coureur… mais y arriver comme mécano reste quelque chose d’incroyable. "

Le grand patron, c’est Patrick Lefevere, un " personnage " du monde cycliste. Quelle relation avez-vous avec lui ?

" Patrick est vraiment quelqu’un de très accessible. Il a énormément d’estime pour son staff. Oui, c’est notre patron mais on peut aller lui parler quand on veut si besoin. "

Le sourire ne ment pas: le Tournaisien Anthony Vandrepotte prend son pied en s'occupant des vélos des coureurs de Quick Step-Alpha Vinyl. Et c'est avec fierté qu'il porte le pull du Wolfpack!
Le sourire ne ment pas: le Tournaisien Anthony Vandrepotte prend son pied en s'occupant des vélos des coureurs de Quick Step-Alpha Vinyl. Et c'est avec fierté qu'il porte le pull du Wolfpack! © Samuël Grulois / RTBF

Le secret de Quick Step ? L’organisation !

Au quotidien, quelles sont les plus différences les plus perceptibles avec une équipe comme Uno-X, par exemple ?

" L’organisation surtout ! L’organisation, la logistique, les détails… Chez Uno-X, et dans la plupart des équipes de ce niveau-là, tout le monde ne s’investit pas à fond. Ici, chacun veut le meilleur, voire plus que le meilleur ! Pendant les stages hivernaux, chaque mécano s’occupait des quatre mêmes coureurs, pendant le premier et le deuxième stage. Dans mon cas, je gérais les bécanes de Bert Van Lerberghe, Louis Vervaeke, Mikkel Honoré et Stijn Steels. C’est moi qui ai monté leurs nouveaux vélos pendant l’automne, et c’est moi qui en ai désormais la responsabilité. Le mécano suit le coureur. Il sait ce qu’il a fait, ce qu’il a changé comme pièces, ce qui doit être fait sur les vélos de réserve… Soyons clairs : que ce soit le vélo de Julian Alaphilippe ou celui d’un autre coureur, on s’en occupe de la même manière. L’investissement est total. "

Le 16 juillet dernier, au départ de la 19ème étape du Tour de France à Mourenx, on a vu Mark Cavendish violemment s’emporter contre un de vos collègues. Comment vit-on un moment comme celui-là ? Avez-vous senti un manque de respect de sa part vis-à-vis des mécanos de l’équipe ?

" C’est vrai que ce jour-là, sur le coup, on l’a tous pris un peu pour nous. J’étais mal pour mon collègue, pour le coureur aussi. Mais quand ça arrive, il faut passer assez vite au-dessus de l’évènement car la journée continue avec toutes les choses encore à faire. Nous avons pas mal de responsabilités et nous faisons au mieux pour que de tels moments ne se reproduisent plus. "

Mon meilleur souvenir ? Le maillot vert de Fabio Jakobsen sur le Tour d’Espagne ! Fabio est un coureur qui repasse tous les soirs au camion pour remercier les mécanos.

Quel est votre meilleur souvenir de la saison 2021, votre première chez Quick Step ?
Le maillot vert de Fabio Jakobsen sur le Tour d’Espagne ! Il était gravement tombé un an plus tôt au Tour de Pologne. On se demandait s’il pourrait un jour remonter sur un vélo. Et là, il décroche le maillot vert en gagnant trois étapes. Un grand moment ! Fabio, en particulier, est un coureur qui repasse tous les soirs au camion pour remercier les mécanos pour leur travail en ayant une petite discussion avec eux. "

Vous avez de fameux horaires sur les courses…

" Oui, ce sont de longues journées. Sur un grand Tour, nous nous levons très tôt le matin et nous nous couchons rarement avant minuit. Pendant la course, on espère toujours que ce soit le plus calme possible, ce qui veut dire qu’on a bien fait notre boulot ! " (Il sourit)

Quel est le coureur le plus méticuleux par rapport à son matériel ?

" Au niveau de la position sur le vélo, deux coureurs sont très méticuleux : Jannik Steimle et Mikkel Honoré. "

À l’inverse, qui s’en fout ?

" Sans pour autant dire que la mécanique ne les intéresse pas, Julian Alaphilippe et Remco Evenepoel ne changent jamais leur position. "

Remco Evenepoel justement… quel regard portez-vous sur lui ?

" C’est un grand champion en devenir. Dans le futur, j’espère qu’aucune barrière ne se mettra sur son chemin pour lui faire obstacle. Depuis sa fameuse chute en 2020, il a tout récupéré, la force et le mental. Quand les victoires arrivent, le moral revient. Ces deux éléments font la force du bonhomme. "


Julian Alaphilippe a un énorme capital sympathie. Malgré son statut de double champion du monde, on a cette impression qu’il reste très abordable au sein-même de l’équipe. Se trompe-t-on ?

" Non, vous ne vous trompez pas. Il est vraiment hyper abordable, vraiment sympathique. Que ce soit avec les nouveaux coureurs ou avec le staff, il est très accessible. Et il ne doit pas se forcer pour l’être ! "

Les coureurs ne nous considèrent pas comme leurs larbins. Ils ont beaucoup d’estime pour nous. A la fin de chaque journée, nous recevons régulièrement un merci.

L’adrénaline des dépannages

J’imagine qu’il vous arrive aussi d’être mécanicien en course, à l’arrière d’une des voitures de l’équipe ?

" Oui oui. En fait, on essaie de tourner entre mécanos pour éviter que ce soit toujours la même personne qui soit dans la première voiture, ou dans la deuxième, ou bien responsable de l’installation du matériel à l’hôtel… En tournant, chacun aura au final la même part de travail. "

Sur le Tour du Bénélux l’année passée, Remco Evenepoel, qui visait le classement général, a été victime d’une crevaison. Le mécano de la voiture neutre a mis beaucoup de temps pour le dépanner ce qui a rendu fou le coureur. On a senti ce jour-là toute la pression qui pèse également sur vos épaules… Vous ne devez pas avoir les mains qui tremblent !

" Pendant la course, à partir du moment où on met un pied en dehors du véhicule, l’adrénaline monte directement ! Ça fait partie de notre boulot. Nous y sommes habitués. C’est une bonne adrénaline qui nous permet d’aller le plus vite possible. Dans la voiture, on ne voit pas le temps passer : on s’occupe des bidons, de la nourriture, des vêtements de pluie, des crevaisons… c’est chargé ! "

N’avez-vous jamais l’impression d’être… le larbin des coureurs ?

" Pas du tout ! Ce serait absurde que les coureurs nettoient et réparent leur vélo. Chacun son boulot. Ils ne nous considèrent vraiment pas comme leurs larbins. Ils ont beaucoup d’estime pour nous. A la fin de chaque journée, nous recevons régulièrement un merci. "

En étant engagé chez Quick Step-Alpha Vinyl, vous avez en quelque sorte atteint le graal des équipes ! À 25 ans, vous êtes déjà mécano dans l’une des plus grosses structures du peloton.  Y a quoi après ?

" Moi, ce que je veux, c’est y rester ! C’est ce que je souhaite par-dessus tout. Je veux prouver ce que je vaux, je veux faire ma place dans l’équipe et y travailler le plus longtemps possible… "

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