Le moment musical

Après "La Flûte enchantée", Romeo Castellucci met en scène le Requiem de Mozart

Le Requiem de Mozart, mis en scène par Romeo Castellucci, au Festival d'Aix-en-Provence 2019

© Pascal Victor - Pascal Victor/ArtComPress

Après s’être réapproprié La Flûte enchantée du compositeur autrichien, le sulfureux metteur en scène italien Romeo Castellucci revient à Mozart et propose au Festival d’Aix-en-Provence une mise en scène non pas d’un opéra mais du Requiem de Mozart.

Cette édition 2019 marque l’arrivée de Pierre Audi à la tête du festival aixois. Une édition inaugurée en grande pompe par le projet totalement inédit du Requiem de Mozart conçu par le chef d’orchestre Raphaël Pichon et le metteur en scène Romeo Castellucci.

Un Requiem de Mozart dénaturé ?

Un Requiem, qui appartient au genre de la musique sacrée, n’a pas pour vocation première d’être mis en scène. Mais comme toute œuvre de Mozart, il est empreint d’une grande théâtralité. Pour souligner, mais aussi magnifier les origines de l’œuvre, Raphaël Pichon et Romeo Castelluci ont décidé d’insérer entre les différents mouvements des chants grégoriens et des pièces rares de Mozart, interprétés par le chœur et l’orchestre de l’Ensemble Pygmalion, formation baroque que Pichon a fondée et qu’il dirige. Les choristes, parmi lesquels nous retrouvons notre compatriote Alice Foccroulle, dansent, chantent, jouent et sont pleinement impliqués dans la mise en scène.

De nombreuses critiques se sont immédiatement manifestées, décriant ces ajouts qui rompraient l’enchaînement naturel des pièces du Requiem de Mozart, comme si – le précise Camille De Rijck – nous avions l’habitude de les entendre de bout à bout sans interruption. Mais il faut savoir que dans l’office religieux, un requiem n’est pas conçu pour être entendu d’un bout à l’autre. Ce sont les versions de concerts modernes qui ont donné cette continuité des pièces à l’oeuvre de Mozart.

Au-delà de ces ajouts musicaux, le metteur en scène italien Romeo Castellucci s’est approprié l’oeuvre dans une mise en scène "castelluccienne" visant à faire du Requiem de Mozart un véritable poème scénique, riche en couleurs et en symboles – que Mozart affectionnait tout particulièrement.

Un rituel pour le repos des morts et une célébration des forces de vie

Comme à son habitude, Romeo Castellucci utilise des images saisissantes pour appuyer son propos. Ainsi, on voit tour à tour sur scène un petit enfant jouant au football avec un crâne humain, une petite fille recouverte de peinture et qui est à la fois profanée sur scène avec des pots de peinture qu’on lui verse et devient petit à petit une oeuvre d’art ou encore l’image d’une vieille femme à différente période de sa vie et qui, en tant que petit bébé, est abandonnée sur scène sur les dernières mesures de l’oeuvre et se met à pleurer.

Dans cette version du requiem de Mozart, Romeo Castellucci utilise des images saisissantes pour asseoir son propos.
Dans cette version du requiem de Mozart, Romeo Castellucci utilise des images saisissantes pour asseoir son propos. © Pascal Victor - Pascal Victor/ArtComPress

Toutes ces images très fortes seraient gratuites s’il n’y avait pas une ossature dramaturgique très forte de la part de Castellucci. Le metteur en scène italien a voulu créer un Atlas des grandes extinctions. Pendant tout le spectacle, il y a un grand écran noir qui projette le nom de tout ce qui s’est éteint sur terre : des espèces, des langues, des civilisations, des œuvres d’art, des temples, etc. Tout au long du spectacle, on voit tout ce qui a disparu sur terre et à la fin, on voit ce qui pourrait disparaître si l’humanité elle-même disparaissait : l’odeur de l’herbe, la soif, les grillons dans la nuit, etc.

Romeo Castellucci donne cette vision du Requiem de Mozart où l’on voit sur scène des danseurs qui s’ébrouent dans une sorte d’immense bal tragique et qui renvoie un peu à l’idée de Teodor Currentzis en faisant lui-même son Requiem de Mozart d’une danse macabre de l’humanité qui est en train de s'affaisser sous nos yeux.

Ce projet spectaculaire présenté en ouverture du Festival d’Aix-en-Provence a le mérite d’offrir aux spectateurs des pistes de réflexions qui lui sont propres. Romeo Castellucci nous donnent des idées de départ qui nous serviront ensuite dans des réflexions qui nous seront personnelles.

Un spectacle à voir sur ARTE TV jusqu'au 5 avril 2020.

Retrouvez l'avis de Camille De Rijck

Romeo Castellucci et Mozart

Ce n'est pas la première fois que Romeo Castellucci met en scène une oeuvre de Mozart, entraînant dans sa suite une salve de critiques. En inauguration de sa saison 2018-2019, La Monnaie avait proposé une nouvelle version du célèbre opéra La Flûte enchantée de Mozart, dans une mise en scène du metteur en scène italien. Romeo Castellucci s'est délibérément éloigné de la dimension narrative de l’œuvre pour en explorer les émotions brutes et l’essence philosophique.

Une réappropriation de l'oeuvre qui n'avait guère fait l'unanimité et qui avait relancé le débat sur la notion de réinterprétation d'une oeuvre et jusqu'à quel point celle-ci est acceptable

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous