On n'est pas des pigeons

Après le crowdfunding, voici le crowdlending : prêter des petites sommes d'argent à des entreprises via internet... Prudence !

Par François Louis

Il y a actuellement 300 milliards d'euros sur les comptes d'épargne en Belgique ! C'est du jamais vu. Pourtant, ce "placement" ne rapporte plus rien. Au contraire, avec l'inflation, 1000 euros placés le 1er janvier 2022 ne vaudront plus que 970 euros le 1er janvier 2023.

 

"Un bas de laine qui s'effiloche"

"C'est pour ça que je me suis intéressé au crowdlending", explique Patrick Bartholomé, un petit épargnant parmi tant d'autres. "Je n'avais pas grand chose sur mon compte épargne, quelques milliers d'euros. Mais l'idée que chaque année ce petit bas de laine s'effilochait me taraudait. Je me suis lancé il y a deux ans, en prêtant une petite somme sur la plateforme de financement alternatif Ecco Nova avec 3,5 % d'intérêts. C'est mieux que les 0,1 % d'un compte épargne."

Mais c'est aussi un peu plus risqué, comme on va le voir.

Crowdlending mode d'emploi

Vector of businesspeople putting dollar coins into a glass jar
Vector of businesspeople putting dollar coins into a glass jar © Tous droits réservés

Six plateformes de financement alternatifs sont agréées en Belgique. "Ce n'est pas le Far west", constate le professeur de finance Georges Hubner (ULg-HEC). C'est un nouvel outil d'investissement surveillé par les pouvoirs publics (ndlr : la FSMA), très souple et qui convient bien à des petits investisseurs privés."

Pour le crowdlending, ces platesformes jouent le rôle d'intermédiaires entre, d'une part, des entreprises qui ont besoin d'argent (entre 50.000 et 5 millions d'euros), et d'autre part, des investisseurs qui sont d'accord de leur prêter une certaine somme.

Pour un investisseur, l'inscription sur une des ces plateformes prend quelques minutes : nom, prénom, numéro de registre national, données bancaires... Plus une petite évaluation de vos connaissances financières en guise de mise en garde : "Attention, ici, on peut gagner de l'argent, mais aussi en perdre."

Une fois enregistré, l'investisseur a accès à l'ensemble des projets de financement proposés par la plateforme. Le processus d'inscription pour l'emprunteur est évidemment beaucoup plus long. Pour être acceptée, chaque entreprise doit fournir un dossier détaillé sur sa situation économique, financière et sur le projet pour lequel elle emprunte de l'argent.

Mais il faut être bien clair : l'argent placé est une créance sur une entreprise, avec les risques que cela comporte.

"Nous passons beaucoup de temps, entre 4 et 6 semaines en moyenne, à évaluer les dossiers des entreprises avant de les proposer aux investisseurs", explique Pierre-Yves Pirlot, cofondateur d'Ecco Nova. "C'est le coeur de notre métier. Mais il faut être bien clair : l'argent placé est une créance sur une entreprise, avec les risques que cela comporte."

Les risques de ne pas être remboursé

Businessman Placing Coins Over Stack With Green Figures.
Businessman Placing Coins Over Stack With Green Figures. © Tous droits réservés

Si tout va bien, l'entreprise paye des intérêts à ses créanciers chaque année et rembourse le capital au bout de quelques années. Les intérêts varient de 2 à 9 % selon les projets. "C'est évidemment lié au caractère plus ou moins risqué du projet", explique Frédéric Levy Morelle, CEO de Look & Fin. "Un taux d'intérêt élevé signifie que le risque est plus grand. A l'opposé, nous proposons des projets très sécurisés, plutôt pour l'investisseur bon père de famille, qui ne souhaite pas prendre beaucoup de risques, avec une assurance qui garantit le remboursement du capital en cas de défaut de l'emprunteur.

Chez Look & Fin, qui la plus ancienne des plateformes belges, on a enregistré environ 15 faillites sur 430 entreprises financées en 10 ans. Cela représente environ 3 % de sommes non remboursées. Chez Ecco Nova, active depuis 2017, une seule entreprise est actuellement en redressement judiciaire. "Sur 35 millions de sommes dues via notre plateforme, cette entreprise est en retard de paiement pour 7 000 euros", détaille Pierre-Yves Pirlot.

D'une rapidité sidérante

Le secteur se développe rapidement. Les petites et moyennes entreprises y voient une alternative aux banques.

Nous avons levé 1,8 millions d'euros en moins de deux jours. C'est un peu sidérant !

Stéphane Heinen, patron du groupe immobilier Cypress, vient d'emprunter de l'argent sur Ecco Nova pour financer la construction d'un nouveau bâtiment à Malmedy. "C'est un peu plus cher que de passer par une banque", explique-t-il. "Mais c'est tellement plus rapide ! Le jour où le prêt a été ouvert au public sur la plateforme, j'étais devant mon écran et je voyais le compteur monter à toute vitesse. Je n'en revenais pas. Nous avons levé 1,8 millions d'euros en moins de deux jours. C'est un peu sidérant !"

Certains prêts sont bouclés en quelques secondes ! Ainsi l'entreprise française BB Distrib a récolté 1 million d'euros en... 33 secondes sur la plateforme Look & Fin ! 

C'est que de l'autre côté des plateformes, côté prêteurs, il y a du monde aussi ! "Chez Ecco Nova, nous avons 10.000 investisseurs inscrits, et 6 000 vraiment actifs", explique Pierre-Yves Pirlot. "Clairement la demande est forte."

Ils sont 45 000 inscrits sur la plateforme Look & Fin, dont 25 % sont vraiment actifs. Frédéric Levy Morelle estime que "le marché du crowdlending double chaque année".

Les oeufs dans le même panier

Grâce notamment à des investisseurs comme Patrick, qui ne sont pas des professionnels de la finance, et auxquels le professeur Georges Hubner aime à rappeler les trois principes de la gestion du patrimoine : "Diversifier, diversifier et diversifier. Il ne faut pas prêter tout son argent à une seule entreprise, évidemment, même si elle paraît solide. Mais plutôt, saupoudrer sur un grand nombre de projets, en diversifiant aussi les secteurs d'activité. Ne pas mettre tout dans l'immobilier, par exemple."

Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, un adage populaire que connait bien Patrick Bartholomé. "J'ai fait une vingtaine de prêts différents par petits morceaux de 250 ou 500 euros. Si un des projets se casse la figure, les intérêts que je toucherai pour les 19 autres devraient compenser la perte. Enfin, j'espère.", conclut-il en souriant.


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