Dans quel monde on vit

Arthur H : "Il y a une forte pulsion de mort dans nos sociétés"

Et dieu dans tout ça ?

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La Vie. Avec un titre pareil, l’occasion de demander à Arthur H de nous expliquer ce phénomène était trop belle. Dans son douzième disque, l’artiste et poète répond par l’humilité à un programme ambitieux. Fils de Jacques Higelin, il signe un album élégant qui fait la part belle aux sensations et déclare son amour à Brigitte Fontaine. “La musique, c’est quelque chose qui t’appelle, tu peux pas lutter”, affirme celui qui a perçu le piano à la fois comme une amante et un ami à l’âge de 13 ans

“La musique est une image de l’espace intérieur de l’Homme”, écrivez-vous dans votre livre Fugues. C’est ça, la musique ?

Dans le livre, je parle de Jean-Sébastien Bach dont le spectre m’apparaît en personne… Dans ma religion personnelle, tout est une image de notre espace intérieur. Car oui, j’ai une religion intérieure ! Mais je ne cherche à convertir absolument personne… Appelez-moi Grand prêtre ! (rires)

 

Comment vous connectez-vous à cette vie intérieure ?

Ma vie intérieure est plus réelle, en tout cas elle vient avant ma vie extérieure qui n’en est qu’une déclinaison. J’y mets plus d’importance. Si je ne suis pas connecté, j’ai l’impression de ne pas vivre vraiment. Comment s’y relier ? La technique, c’est de fermer les yeux. Quand on s’entraîne à ne pas penser, on est projeté dans un espace immense et sans limite, on n’est plus possédé par ses pensées. On les voit apparaître. On se promène dans ses intuitions. Quand je compose des chansons, c’est ça, je me mets en état de réceptivité. Il faut savoir s’abandonner à la rêverie.

 

Quand vous a-t-on dit que vous étiez artiste ?

On ne me l’a jamais dit, ça s’est fait naturellement. Artiste, ce n’est pas non plus un chemin facile. Surtout au début, c’est assez douloureux. Perturbant et exaltant, certes. Mais c’est avant tout une fuite par rapport à une situation dont on ne veut pas.

 

Dans le livre Fugues, vous dites ce que vous devez à vos parents : “Ils m’ont transmis l’idée fondamentale que la liberté est aussi quelque chose qu’on s’accorde à soi-même”.

Mon père a été reconnu comme artiste. Mais pour ma mère qui venait d’une famille populaire, ouvrière, en tant que femme, elle n’avait pas le droit à la liberté. Elle a fait une fugue extraordinaire à l’âge de 18 ans dans le maquis corse, où elle s’est cachée avec ses amis, mais ça lui a demandé plus de courage et de force qu’à mon père. Elle a fait ce choix pour elle-même. Ce que je trouve extrêmement courageux.

 

Et vous aussi vous avez fugué ?

Ma réalité parisienne, émotionnelle et sociale ne me convenait pas. Il y avait beaucoup trop de différence avec ce que je pense. Alors je me suis enfui pendant un voyage aux Antilles avec mon père… J’ai voulu expérimenter cette liberté que je désirais. Et je suis devenu mousse !

 

Pendant ce voyage, votre père vous a fait manger un jour une omelette un peu particulière…

Vous êtes bien renseigné ! Il m’a donné à manger une omelette aux champignons hallucinogènes un après-midi. Je suis très content qu’il ait fait ça, c’était extrêmement initiatique, la découverte pour moi de l’envers du décor. Prendre cette drogue hallucinogène a marqué mon rapport aux drogues. Les rares fois où j’en ai pris, c’était pour la découverte, jamais de façon récréative. C’est une expérience de connaissance qui annule ta faculté de contrôle. Tu es obligé d’abandonner plein de choses, tu te retrouves un peu nu. Tu apprends qu’il n’y a pas une seule vision du monde : si je change mes perceptions, j’ai accès à d’autres informations qui sont très belles, et qui sont hors normes.

 

“Blasphème”, dans votre nouvel album, est une déclaration d’amour à Brigitte Fontaine

Elle a toujours été là. Elle me voit toujours comme un enfant, je pense. C’est une personne très familière et aussi une source d’inspiration, d’éblouissement, de ténacité. Elle incarne pour moi la créativité. Elle est toujours reliée. C’est un très bon exemple à suivre, Brigitte ! Elle suit ses sensations et ses intuitions, qui sont en quelque sorte des idées à l’état sauvage.

 

Pourquoi célébrer la vie par les temps qui courent ?

Dans nos sociétés occidentales, il y a une très forte pulsion de mort, qui veut tout juguler, tout contrôler. La dépression est une sensation de grande impuissance. On se dit : l’action sert à rien, vivre sert à rien… Moi ça m’est arrivé, mais ça y est, je ne le pense plus. Il faut guérir de ce qui nous empêche de vivre dans la plénitude.

 

Le philosophe Charles Pépin dit que vous êtes un métaphysicien. Ça vous convient ?

J’aimerais bien l’être. Je trouve que les Américains nous sont un peu supérieurs parce qu’ils mettent de la métaphysique dans leur art de manière très naturelle. Comme Bob Dylan, qui est complètement métaphysique, et ce n’est pas pour ça qu’il est ennuyeux ou prétentieux.

 

Votre père, en vieillissant, disait : “Je suis au début de ma vieillardise”. A 56 ans, vous en êtes où ?

Vous pensez que j’en suis où, vous ? Je ne pense pas qu’on perde son enfance ou son adolescence. On est tout ça cumulé. Je sens que j’ai un peu tous les âges, mais ce serait stupide de se positionner en éternel jeune homme.

 

Album La Vie (naïve/Believe) disponible

Arthur H sera en concert au Cirque royal jeudi 30 mars à Bruxelles.

Arthur H est l’invité de "Et dieu dans tout ça ? " sur la Première,
ce dimanche 26 mars, après le journal de 13 heures.

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