Un agriculteur de Mainvault tire la sonnette d’alarme. Il craint de perdre une partie de ses champs. La ville d’Ath lorgne sur 4 hectares de terres agricoles, situés Chaussée de Bruxelles à Meslin-L’évêque. Pour l’agriculteur, ce terrain n’a pas de prix : c’est son avenir et celui de ses enfants.
"J’en ai perdu le sommeil, ma famille aussi", nous explique Justin Duvivier. Il gère une exploitation agricole avec son père. Connu pour les "fraises de Mainvault", Justin mise sur la diversification. Il y a un an et demi déjà, il a été approché par l’intercommunale Ipalle. "Ils sont venus me rencontrer et ont évoqué un projet d’implanter des terrains de football sur des terres dont je suis propriétaire. A l’époque, il y avait d’autres terrains envisagés", raconte le jeune homme. "Depuis, plus rien. Jusqu’à la semaine dernière, où lors de la foire agricole, on m’a laissé entendre que ces terrains, la ville les voulait vraiment. Et que ça se trancherait en justice, si je refusais de me faire exproprier".
Un emplacement stratégique
Pour Justin Duvivier, ces quatre hectares ont beaucoup d’importance. "Ils se situent le long de la Chaussée de Bruxelles. Or, je développe la vente en circuit court, avec les fraises, les chicons, les tomates. A l’avenir, j’ai envie de continuer dans cette voie, d’avoir un point de vente bien situé. Ce terrain agricole est parfait pour ça ! Et là j’apprends qu’on veut me le prendre ? C’est mon avenir, et peut-être celui de mes enfants !" Il insiste sur le travail qu’il effectue depuis une dizaine d’années pour amender ces terres, les enrichir. Autre argument soulevé : l’envolée des prix des terres agricoles. "On subit actuellement énormément de pression. Des entreprises de l’agro-alimentaire achètent des terres, elles font l’objet de spéculation, ça devient un placement intéressant… Bref, pour nous, agriculteurs, les bonnes terres sont impayables !"
Pas de décision officielle
Lors du conseil communal, une question d’actualité avait trait à ce dossier. Pour les autorités, rien n’est encore décidé. Elles n’ont pas envoyé d’avis d’expropriation à Justin Duvivier. Mais la ville ne s’en cache pas : ce terrain l’intéresse énormément. "A la base, le bureau d’études avait identifié 4 emplacements", explique l’échevin des sports. "Mais ce terrain-là, à Meslin-L’évêque, est financièrement le plus intéressant : son aménagement (gaz, électricité) va coûter moins cher que le deuxième terrain retenu". Le souhait des autorités athoises serait de parvenir à un accord amiable. Mais l’expropriation reste une piste, si les discussions "patinent" ou les sommes évoquées trop élevées.
Que dit la loi ?
Une ville peut-elle faire jeter son dévolu sur n’importe quel terrain, et y aménager ce que bon lui semble ? Nous décidons de nous tourner vers l’Union des Villes et Communes, où Alexandre Ponchaut connaît bien les procédures d’expropriation. Le conseiller juridique leur a même consacré un ouvrage ("L’expropriation pour cause d’utilité publique Guide pratique et balises à l’usage des autorités").
"Un dossier d’expropriation, c’est du costaud, ce n’est pas fait à la légère". Il nous explique qu’il existe un tas de règles dans ce domaine, et des garde-fous pour éviter les abus. "L’autorité publique devra tout d’abord justifier qu’elle poursuit un réel objectif d’utilité publique. Dans le cas d’infrastructures sportives, cela dit… Cela ne devrait pas poser de problème. Il y a déjà eu des précédents, dans d’autres communes. Il faudra aussi justifier pourquoi ce terrain-là, et pas un autre. Viendra ensuite la question des indemnités. La 'juste indemnité', dit la loi. Cela va bien au-delà d’une simple évaluation du prix au mètre carré. Il faut prendre en compte l’ensemble du préjudice subi par la personne expropriée, et lui permettre de se "remettre à niveau", en quelque sorte".
Une procédure en plusieurs phases
Elle débute avec un arrêté d’expropriation, pris par l’autorité publique. Dans le cas qui nous concerne, rien n’a encore été envoyé, officiellement, à l’agriculteur. La deuxième phase est consacrée à la négociation, avec généralement une proposition d’achat à l’amiable. En cas de refus, le dossier passe entre les mains du juge. Le tribunal de première instance est compétent dans les matières d’expropriation.