Athlétisme

Athlétisme : le Président de la ligue francophone, Thomas Lefebvre, accusé de mauvaise gouvernance

Thomas Lefebvre, le président de la LBFA, mis sur la sellette

© Belga

On connaissait les querelles entre le Président de la LBFA (Ligue Belge Francophone d’Athlétisme) et les Borlée. Divergences qui avaient conduit Jacques Borlée et son groupe d’athlètes à rejoindre la ligue flamande (VAL). Aujourd’hui, c’est au cœur du Conseil d’administration de la ligue que le torchon brûle. Un administrateur sort du bois et accuse le président Thomas Lefebvre d'atteinte à la bonne gouvernance.

Il est l’un des nouveaux administrateurs de la ligue. Son nom : Olivier Parvais, pharmacien de profession et président du club d’athlétisme de Braine-l’Alleud (USBW). Nouveau et donc plein d’enthousiasme lorsqu’il entre au conseil d’administration en octobre 2020. Aujourd’hui c’est un homme désabusé qui parle : " ce qui est bafoué au sein des instances de la ligue, ce sont les principes de bonne gouvernance, éthique et transparence, pourtant chers à la Ministre des Sports Valérie Glatigny. Ce qui est bafoué ce sont les règles qui doivent régir toute association comme la nôtre. Le Conseil d’administration dans lequel je siège n'est pas informé de toute une série de choses. Des engagements, des décisions de la LBFA sont pris sans concertation aucune avec le CA. Et par-dessus tout, ce qui est bafoué c’est l’éthique. En bref, l’image administrative de notre ligue est catastrophique. "

Reproches au président

Les constats d’Olivier Parvais ne sont pas neufs. D’autres personnes les ont tiré par le passé mais sans en donner de publicité. "C'est de l’omerta" nous a même dit un autre témoin en interne. Le Brainois, lui, n’a pas abdiqué dans sa lutte pour la vérité. Et veut que les clubs de la LBFA soient au courant des dysfonctionnements qu’il dénonce. Il insiste d’abord sur ce qui va bien à la ligue. " Il y a des gens de qualité qui travaillent bien dans pas mal de commissions, le personnel administratif est trop peu nombreux mais compétent et la direction sportive fait son job. Avec les moyens du bord. Les bonnes volontés sont nombreuses mais souvent étouffées ". 

Le président intimide, manipule et dissimule

Les reproches, eux, visent essentiellement le Président Thomas Lefebvre (en place depuis de nombreuses années). Olivier Parvais parle d'une opacité totale quant à certaines prises de décision importantes. " Il y a une volonté manifeste de dissimuler à l’ensemble du conseil d’administration certains éléments importants de gestion. Thomas Lefebvre fait pression sur les gens qui ne marchent pas dans son sens. Il manipule. Il harcèle. Il intimide. Et tout aussi interpellant, il manque aux devoirs et obligations d’une asbl, en outrepassant ses droits et en oubliant ceux des administrateurs que nous sommes. Impossible pour un administrateur d'agir en bon père de famille s'il ne dispose pas des documents lui permettant de prendre les bonnes décisions. "

L’affaire des primes

Tout commence lorsque Olivier Parvais demande des explications quant aux primes non payées aux relayeurs et relayeuses francophones, à la suite de leurs beaux résultats dans les différents championnats internationaux depuis 2015. Des primes versées par les organisateurs de ces compétitions aux ligues. Celles-ci sont censées les reverser ensuite à leurs athlètes. En Flandre, tous les athlètes ont reçu leur argent. Pas les athlètes dépendant de la ligue francophone. Des primes (126.000 dollars soit 110.000 euros pour l’ensemble des athlètes masculins) d’ailleurs toujours réclamées aujourd’hui par les intéressés devant la justice. " En tant qu’administrateur il me semble logique de poser des questions et d’obtenir des réponses quant au comment et au pourquoi de toute cette affaire qui a conduit à la séparation entre les Borlée et leur ligue. Et pourtant une des réponses reçues en CA a été de nous dire que cela ne nous regardait pas, car l’affaire faisait l’objet d’une procédure judiciaire. Hors, je voulais juste comprendre les rétroactes et disposer des décisions prises en CA."

A partir de là, j’ai fait l’objet d’un boycott presque systématique de la part du Président

Mails sans réponse, questions sans réponse, blocage de points votés en CA. De plus, il a fallu près de 5 mois pour que se tienne un premier CA. Pas de débat démocratique, pas d'information aux membres du CA. Je considère, comme d’autres, que cela n’est pas normal en terme de bonne gouvernance d’une institution comme la ligue."

Le mail à Nafi

Nafi Thiam
Nafi Thiam © Tous droits réservés

Selon nos informations, Olivier Parvais fait aussi l’objet de l'ouverture d'un dossier à charge de la part du Président qui considère que son administrateur a mis à mal la sécurité de la LBFA et contrevenu aux règles RGPD (les règles qui assurent le respect de la vie privée). De quoi s’agit il ? " En tant que président de la commission communication, je souhaitais dans cette période COVID que des athlètes de haut niveau comme Nafi Thiam et d’autres participent à une capsule vidéo de soutien aux jeunes athlètes. J’ai donc envoyé, d’initiative, un mail à Nafi. Au-delà du fait que ce mail soit resté sans réponse, ce que je peux comprendre au vu des sollicitations qu'elle doit recevoir, Thomas Lefebvre m’a reproché d’avoir utilisé l’adresse mail de l’athlète et mis en danger sa vie privée. Alors que cette adresse mail se trouvait…sur le site internet de la ligue elle-même. Cette plainte n’a pour but que d'essayer de m'intimider." Olivier Parvais a porté ses récriminations vers l’organe de tutelle de la LBFA, à savoir l’ADEPS " On nous a écouté, on a pris des notes et reçu nos conclusions quant aux dysfonctionnements  constatés (un document de 55 pages) mais au final, l’ADEPS a, semble-t-il, estimé qu’il n’était pas de son ressort de s’immiscer dans le fonctionnement d’une fédération ". Retour à l’envoyeur donc !

Un million d’euros en bourse

Le budget de la LBFA tourne autour des 2,5 millions d’euros. Quelle ne fut pas la surprise d’Olivier Parvais d’entendre lors d’un conseil d’administration que la ligue avait décidé de placer 1 million d’euros en produits boursiers. " En juin 2020, l’Assemblée Générale de la ligue avait autorisé le CA à placer 800.000 euros afin d’éviter d'éventuels intérêts négatifs auprès de la banque.

On ne joue pas en bourse avec l'argent public

Mais il est pour le moins surprenant d’apprendre qu’un million d’euros a été placé en bourse (avec cliquet négatif à -10% cad une perte maximale possible de 100.000 euros). On nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour les jeunes, pour promouvoir notre athlétisme, pour défrayer mieux les juges. Et, de l’autre côté, le président place en bourse ! Il aurait été normal, au minimum d’en discuter au CA et de comparer les différentes voies envisageables. Mais aucun débat en CA n’a été possible, j’ai posé des questions par mail le lendemain sans réponse : une fois encore éthique et transparence ont été remisées au placard. Est-il légitime de placer en bourse l’argent public ? "

Une nouvelle affaire en vue ?

Olivier Parvais précise encore qu’aucune ligne directrice de développement n’existe au sein de la ligue. Le CA n’étant là que pour avaliser certains points de gestion courante. Mais une nouvelle affaire pourrait voir le jour. Selon nos informations, une convention d’un montant relativement important a été passée avec une société privée, active dans la gestion informatique et classements sportifs. Jusque-là pas de problème. Par contre une décision complémentaire du bureau de la LBFA surprend. Olivier Parvais explique : " L’objectif est d’injecter des fonds de la LBFA dans cette société privée. Les termes et clauses du contrat n’ont pas été exposés, aucun document n’a été remis aux administrateurs en CA, on ne sait donc pas ce que cette démarche apporte à la LBFA !  Permettez-moi de m’en offusquer. Au minimum, cela pose question. J’en ai posé plusieurs. Elles sont toujours sans réponse." 

Une future assemblée générale tendue

Bref, l’ambiance est tendue au sein même de l’institution francophone. Olivier Parvais précise qu’en dénonçant ces mauvaises pratiques, il ne cherche rien d’autre qu’à rétablir les élémentaires principes de bonne gouvernance au sein de la ligue. Et permettre que celle-ci fonctionne dans le respect des règles démocratiques de bon fonctionnement des asbl. Suite à une question parlementaire du député Dodrimont (relative à toutes ces révélations), la Ministre des Sports a réagi et, selon nos sources, demandé à l'ADEPS de rencontrer à nouveau Olivier Parvais, pour que la lumière soit faite et qu'un rapport d'évaluation soit dressé. En outre, le 19 mars prochain est convoquée l’assemblée générale de la LBFA. La cinquantaine de clubs affiliés à la ligue francophone seront présents et auront l’occasion, on s’en doute, de poser quelques questions légitimes aux dirigeants de la ligue. Afin de permettre à chacun d’y voir clair.

Le président ne souhaite pas réagir pour le moment

Contacté, Thomas Lefebvre, principale cible des reproches de l'administrateur Parvais, n'a pas souhaité réagir pour le moment à ce qu'il décrit comme "de fausses allégations soutenues isolément par Olivier Parvais". Car certaines d'entre elles, dit-il, font l'objet d'une analyse juridique auprès d'avocats. Le Président de la LBFA conclut en soulignant qu'il bénéficie majoritairement de la pleine confiance de son comité directeur. Dont acte. 

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